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Critiques de S. A. Cosby (254)
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Le Sang des innocents

Il est rare de faire la connaissance d'un personnage aussi fort, beau et complexe, que celui de Titus, ex-agent du FBI devenu presque par accident shérif d'un comté rural de Virginie, élu sur un programme progressiste. Premier shérif noir du comté, il évolue dans un no man's land de gris entre des gens qui croient en lui, d'autres qui le considèrent comme un traître à sa communauté et d'autres encore qui le haïssent pour sa couleur de peau.



Lorsque le fils d'enfant est abattu par la police après avoir assassiné un professeur adulé de tous, la suite des événements font cruellement voler en éclat le précaire équilibre qu'il s'était créé pour parvenir à naviguer dans la fange sans y sombrer.



Le point de départ est assez classique, et pourtant, S.A.Cosby est parvenu à construire avec brio une intrigue totalement maîtrisée qui envoie du très lourd avec ses multiples ramifications parfaitement imbriquées qui bouillonnent sous beaucoup de peur, de tension et de sang en fusion : la traque d'un mémorable tueur en série, une histoire sur la persistance du racisme sudiste, une dénonciation sans concession d'un fanatisme religieux favorisant le statu quo, et enfin l'exploration d'un traumatisme intime. le récit crépite à chaque nouvel indice, à chaque nouvel obstacle, à chaque irruption de nouveaux personnages, à chaque nouvelle scène décisive.



Dans ce polar sombre et profond, tout le monde porte un masque. La petite ville semble calme en surface, mais en dessous, il y beaucoup de haine, à commencer par celle des suprémacistes blancs célébrant l'histoire confédérée de la ville avec nostalgie et rage. Comme chez Dennis Lehane ou R.J.Ellory, la réalité des lieux explose de vérité tant ils sont décrits avec beaucoup de grain et de texture.



Ici, dans un comté dont le sol est imbibé du sang et des larmes des crimes racistes du passé, de l'esclavage, de la guerre de Sécession, de la ségrégation, « seuls les noms, les dates et les visages changent – et encore pas nécessairement. Parfois, quand on ferme les yeux, ce sont les mêmes visages qui apparaissent. Les mêmes visages qui vous attendent dans l'obscurité. » Le passé ne passe pas et finit toujours par se rappeler de la pire des manières, comme si le racisme était une maladie qui contaminerait jusque dans les tréfonds ce Sud américain. Sur fond de dangereuse religiosité sudiste, les péchés du passé pèsent sur le présent comme un funeste présage.



Si le nombre de morts est élevé et l'action quasi ininterrompue avec ses tournures inattendues, comme dans un thriller, S.A.Cosby laisse exister ses personnages. On est au plus près de leur ressenti et de leurs émotions. Par touches, l'auteur distille les informations importantes qui révèlent leur parcours et leur personnalité, ceux du jeune abattu au début du roman, ceux de ses parents, du père ou du frère de Titus, du tueur, des pasteurs locaux, et bien évidemment ceux de Titus lui-même dont on découvre les secrets qui le tourmentent et le font porter une longue pénitence durant quasiment tout le récit. Jusqu'à la libération apportée par un superbe épilogue qui résonne fort avec tout ce qui a conduit jusqu'à lui.



Ce roman a l'évidence d'un futur classique, à la fois très actuel par ses thèmes et intemporels par ce qu'il dit de la condition humaine, et par la maitrise des codes du polar rural noir que l'auteur se réapproprie brillamment.



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Le Sang des innocents

Ayant adoré le précédent roman (« La Colère ») de cet auteur qui a le mérite de figurer sur la « Summer reading list » de Barack Obama depuis deux étés consécutifs, je n’ai pas hésité un seul instant à me jeter sur cette nouvelle petite perle éditée par Sonatine !



« Le sang des innocents » invite à suivre le quotidien tout sauf paisible de Titus Crown, ex-agent du FBI devenu le premier shérif noir de Charon County. Dans ce comté rural de Virginie où le racisme est quasiment héréditaire, la couleur de peau de ce représentant de la loi ne fait pas vraiment l’unanimité, ni chez les blancs, forcément, mais pas non plus au sein de sa propre communauté, où beaucoup le considèrent comme un traître. Du coup, le jour où un professeur de géographie adulé de tous se fait abattre par un élève noir au lycée Jefferson Davis et que le meurtrier est ensuite descendu par les collègues blancs de Titus, il se retrouve subitement avec les deux communautés sur le dos et à la tête d’une enquête particulièrement explosive…



Mais quel talent, ce S.A Cosby ! Sa manière de planter une ambiance sombre et pesante en seulement quelques pages me fait penser à du R.J. Ellory, mais saupoudré d’une bonne petite sauce de « Black Lives Matter ». En situant son polar dans le Sud des États-Unis, l’auteur nous plonge immédiatement dans un endroit où les tensions raciales sont palpables… une partie des États-Unis où le sol est encore imbibé du sang et des larmes des générations précédentes et où l’équilibre entre les différentes communautés s’avère très précaire. De suprémacistes blancs arborant le drapeau confédéré avec nostalgie à l’élection d’un shérif noir, en passant par l’ombre d’un passé mêlant esclavagisme, ségrégation et guerre de Sécession, tous les ingrédients sont présents pour faire exploser cette cocotte-minute dont la pression monte à la moindre altercation.



C’est au cœur de cette atmosphère oppressante que l’auteur dépeint une région gangrenée par le racisme, la violence institutionnelle, le fanatisme religieux et la corruption… et il le fait souvent très habilement, juste une petite phrase teintée de racisme latent ici et là, un sourire en coin qui en dit souvent très long ou un regard de travers un peu trop appuyé… Eh oui, le racisme est quelque chose qui s’entretient malheureusement très facilement…



Et au milieu de cette fange nauséabonde, véritable terreau de haine ancestrale, S.A Cosby dresse le portrait d’un homme charismatique, d’une droiture à toute épreuve, qui tente de redorer le blason d’une police corrompue jusqu’à la moelle, habituée à caresser les blancs dans le sens du poil et à violenter préventivement les autres. Un personnage central foncièrement attachant, dont on découvre les démons intérieurs au fil des pages. Un homme certes tourmenté, mais entier, que l’on quitte avec grand regret une fois l’ouvrage refermé…



Immense coup de cœur !
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La Colère

La colère dont il est question dans ce roman signé S.A. Cosby est celle de deux hommes que tout oppose. Le premier, Ike Randolph, est un noir, ancien prisonnier et chef de gang, qui est malgré tout parvenu à plus ou moins se remettre dans le droit chemin en créant sa propre société de jardinage. Le second, Buddy Lee Jenkins, est un blanc, raciste, alcoolique, ex-taulard, vivant dans un mobil home pourri dont il n’est même pas le propriétaire.



La colère qui les unit est tout d’abord celle dirigée contre ceux qui ont assassiné leurs fils en pleine rue, de plusieurs balles, dont la dernière à bout portant en pleine tête. Mais c’est également celle dirigée contre eux-mêmes, celle d’avoir renié leurs fils, incapables d’accepter leur homosexualité. Ils n’ont d’ailleurs pas assisté au mariage de leurs fils et ne se sont du coup jamais rencontrés. Ils ne l’auraient d’ailleurs jamais fait, mais s’unissent maintenant dans le malheur, le temps d’une vendetta sanglante !



« La colère » aurait donc pu être une banale histoire de vengeance, sauf que ce road trip parsemé de violence s’avère finalement également être un plaidoyer contre le racisme et contre l’homophobie. Au fil des pages, ce noir et ce blanc foncièrement raciste vont en effet se lier d’une amitié forte, presque émouvante, tout en finissant par devenir des défenseurs de l’homosexualité, eux qui jadis frappaient leurs fils dans l’espoir d’éradiquer cette vilaine « maladie ». Et c’est là que se situe toute la beauté et toute la force de ce roman. Ce trop-plein d’amour, disons post-mortem, qu’ils n’ont pas su donner à leurs fils respectifs de leur vivant et dont ils débordent maintenant qu’il est trop tard, s’avère foncièrement attachant et émouvant.



En situant son récit à Richmond, Virginie, S.A. Cosby dresse le portrait d’une Amérique intolérante, raciste et homophobe, où certains crimes semblent devoir rester impunis… où « Si l’on n’est pas blanc et hétéro, il vaut mieux surveiller ses arrières ». Alors, en voyant la complicité de ces deux brutes qui démolissent certes plusieurs malfrats, mais également cette barrière raciste qui devait les séparer à jamais, l’espoir en l’humanité renaît petit à petit…et quand ces deux homophobes aguerris se transforment progressivement en militant de la cause LGBTQ, certes en partie afin de se racheter de leurs propres erreurs, on se lève et on applaudit ! Bravo et bien vu Monsieur Cosby !



Coup de cœur !
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Le Sang des innocents

Les racines de Titus.

Difficile de s’amouracher d’un bonhomme blazé comme un empereur romain (ou un doberman), sauf si on s’appelle Bérénice. Ce n’est pas du tout le sujet du roman de S.A Cosby chaud devant, puisque Titus est le premier sheriff noir élu du comté de Charon en Virginie.

Pour un ancien agent du FBaïe ! natif du coin, le job pourrait ressembler à un placard doré de préretraité mais le patelin est gangréné par des suprémacistes qui n’ont jamais fait le deuil des Consfédérés et du Général Lee (pas la voiture de Sheriff, fais-moi peur hélas !) qui s’opposent à la population noire à l’origine de l’élection du Sheriff.

La situation dégénère quand un professeur blanc et populaire du lycée est tué par un ancien étudiant, noir, abattu lui-même par les adjoints de Titus. Charon est stone (il fallait que je la fasse). N’ayant que son intégrité à opposer aux deux camps qui lui reprochent soit de couvrir une bavure, soit de protéger sa communauté, Titus va fouiner dans le passé pas joli joli du prof assassiné et il va se mettre en chasse d’un tueur en série local avec une population portée à ébullition. La ville est aussi infestée d’églises et de congrégations, mais compte très peu de saints. Comme le thon rouge, surpéchés et surprêche ont fragilisé l’espèce.

J’ai lu ce roman parce qu’il est à l’origine d’une pandémie de critiques sur Babelio et que je suis un garçon finalement très influençable. Dès que je vois une nuée d’étoiles, je suis tenté par une nuit blanche. J’avoue aussi que j’avais aussi vraiment envie de découvrir qui était le gars qui jouait à cache-cache sur la couverture très réussie du roman.

J’ai adoré ce « Country noir », ou polar rural mais je ne veux pas faire l’amalgame avec la série des meurtres à Pétaouchnok, mon Lexomil du Samedi soir. S.A Cosby ne fait ni dans le polar gratuit qui ne vaut que pour son intrigue, ni dans le polar camouflage au service d’une cause identitaire.

Le personnage tourmenté du shériff est attachant, le biotope de ces villes du Sud avec une bible dans une main, un flingue dans l’autre et des opioïdes dans la musette, est décrit de façon magistrale et l’intrigue policière reste captivante.

Chapeau (de cow-boy) aussi à Pierre Szczeciner pour la traduction qui révèle bien la patte de cet auteur américain dont je vais m’empresser de lire les deux premiers romans.

Je termine ce billet en étalant ma culture Wikipediesque. L’Etat de Virginie s’appelle ainsi et non pas Bégonia ou Domitille car il vient de la reine Elisabeth the first d’Angleterre, dite la « reine vierge » (Virgin Queen). Pas étonnant d’y retrouver une telle proportion de culs bénis.

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Le Sang des innocents

Le chaos confédéré



Le saule pleureur a vu couler les larmes de sang des innocents enterrés à l'ombre de ses branches ruisselantes.

Titus Crown, ancien agent du FBI et premier shérif noir élu à Charon, un comté rural de la Virginie, contaste avec amertume que la liste des tragédies qui se déroulent sur les terres de son enfance ne fait que s'allonger.

Quelques jours plus tôt, M. Spearman, un professeur très apprécié du lycée, s'est fait tirer dessus par Latrell, un jeune Noir, avant se faire abattre lui-même par la police.

Titus Crown, sous le feu des critiques, se retrouve confronté au chaos. Acte terroriste pour les uns, bavure policière pour les autres. Cette funeste fusillade a mis en lumière une sordide affaire en lien avec la macabre découverte "du saule pleureur". M. Spearman ne serait pas vraiment celui que tout le monde pense être...



S.A Cosby avec ce nouveau thriller confirme tout son talent et s'installe confortablement aux côtés des meilleurs auteurs américains.

Ce roman musclé et d'une densité incroyable nous montre la réalité d'une Amérique chahutée par les fantômes du passé. Le Sud, ses suprémacistes, son racisme et ses prêcheurs pas toujours en odeur de sainteté.

Un thriller gros calibre, percutant et qui coche toutes les cases d'un grand roman noir.





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La Colère

Roman d'action à la John Wick



Si vous n'aimez pas les films tels que ceux de la série John Wick, passez votre chemin pour ce livre. En revanche, pour tous les autres, allez-y, vous allez vous régaler avec ce roman proposé par S.A. Cosby qui explore le thème de la vengeance de deux pères qui ne se connaissaient pas mais qui s'associent en dépit de leurs différences – l'un est blanc, alcoolique, venant de perdre son travail, vivotant seul dans un mobilhome, l'autre est noir, sobre, à la tête d'une petite entreprise de jardinage, vivant dans une belle maison avec son épouse.

Une association de deux anciens malfaiteurs repentis qui vont reprendre la chemin de la violence afin d'assouvir non seulement leur désir de venger l'assassinat de leurs fils mariés ensemble et pères d'une petite fille de 3 ans mais aussi de réparer leurs erreurs envers leurs fils qu'ils ont rejetés en raison de leur orientation sexuelle et combler les regrets qu'ils forment de ne pas les avoir aimés en dépit de cette « différence ». Une différence qui contrevenait à des valeurs qui s'ébranlent avec cette mort déchirant leur coeur. Car ils les aiment leurs fils mais il est un peu tard pour leur démontrer. Alors ils vont piétiner leur voeu de se ranger pour s'engager sur une voie sans issue ni retour possible, celle de la colère envers les auteurs de ce crime, une colère refoulée depuis plusieurs années, une colère explosive. «  - La vengeance, donc, résuma Tangerine. - Non, rétorqua Ike avec un petit sourire triste. La haine. On a tendance à voir la vengeance comme quelque chose de noble, de légitime, mais en vérité, c'est juste de la haine déguisée. »

Et ils en ont sous le pied nos deux quinquas, ce sont d'anciens membres de gangs ayant purgé chacun une peine d'emprisonnement. Peu importe le nombre et la force de ceux qui se mettront en travers de leur chemin. « - Ah ouais, quand même. Ça doit faire du bruit quand tu marches, non ? - Quoi donc ? - Tes couilles d'acier ! » Il ne faut pas croire non plus ce qu'ils disent : « Je vous assure que vous n'avez rien à craindre, ma bonne dame, dit Buddy Lee. On est deux petits vieux qui veulent simplement savoir ce qui est arrivé à leurs fils. On est aussi inoffensifs que des dobermans aveugles qui font la sieste sur un perron. » L'adage dit qu'il ne faut pas chatouiller une femme en colère, on pourrait ajouter qu'il ne faut pas chercher des poux dans la tête de ces deux-là. Une tête qui mouline par ailleurs, car il expriment tous leurs regrets d'avoir maltraité leurs enfants, ces « dégénérés », au point de devenir des alliés LGBT. L'auteur propose donc une histoire violente tout en parcourant la question de la parentalité. Qu'est-ce qu'un bon père ? Il explore également dans son récit le racisme envers les minorités fondé sur la couleur de peau ou l'orientation sexuelle.



Ce roman m'a procuré un excellent moment de détente, à la fois défouloir et réflexion autour des thèmes abordés. Et même si je l'ai trouvé un poil répétitif s'agissant des regrets des pères, je l'ai trouvé fameux. Une écriture vive, des personnages attachants, beaucoup d'humour, un peu de réflexion = coup de cœur !



« Je pourrais tous les buter mille fois que ça ne suffirait pas à réparer ce qu'ils ont fait, mais j'y prendrais chaque fois le même plaisir. »

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La Colère

Dans la chapelle,non pas de Harlem, mais de Virginie-Occidentale, Derek est blanc, Isiah est noir, ils se sont dit oui, pleins d'espoir, ils sont venus se marier.

" Alleluia, alleluia, l'amour

Alleluia et qu'ils s'aiment toujours

Car l'amour n'a pas de couleur

Et jamais de frontière dans les coeurs"

Patrick, je suis sûre que tu t'en souviens !

Et ici, comme dans cette vieille chanson de Jeane Manson, les parents ne sont pas venus, parce qu'ils n'ont pas accepté l'homosexualité de leurs fils respectifs. Mais aujourd'hui, ces parents sont réunis pour une autre cérémonie, bien plus triste celle-là : leurs deux garçons ont été assassinés, criblés de balles à la sortie d'un bar et achevés d'une dernière en pleine tête, laissant une orpheline de trois ans. Et ça, on ne peut pas laisser passer, pour Ike et Buddy Lee l'heure de la vengeance a sonné.



Ces deux quinquagénaires ont chacun un lourd passé, ils auraient d'ailleurs pu se croiser au cours d'un de leurs séjours en prison respectifs. Mais Ike Randolph, le père d'Isiah, a réussi à reprendre sa vie en main et est désormais à la tête d'une entreprise de jardinage qui lui assure un train de vie confortable avec sa femme Mya. Pour Buddy Lee Jenkins, le père de Derek, les choses sont un peu plus compliquées, même s'il est blanc dans une société où c'est considéré comme la "bonne" couleur. Il vivote dans sa caravane, séparé de sa femme qui a trouvé un parti plus intéressant et abuse plus qu'un peu de la dive bouteille. C'est cependant lui qui va venir trouver Ike pour lui proposer une association afin de trouver, et surtout châtier, les meurtriers de leurs fils.



S'en suivra une équipée jalonnée de cadavres, avec des scènes dignes d'un Tarantino, ça dégouline, ça mitraille dans tous les coins. D'ailleurs une adaptation en film serait tout à fait envisageable, le roman est très visuel.

Et au milieu de cette expédition punitive, se nichent des scènes curieusement émouvantes quand ces pères qui du vivant de leur fils ont tout fait pour les renier se rendent compte, trop tard, qu'être homosexuel ne rend pas moins digne d'amour. Au début, ce mea culpa de circonstance m'a un peu énervée, j'avoue, je craignais qu'il ne soit qu'un prétexte. Mais l'auteur a su rendre crédible cette prise de conscience de ces deux papas qui au contact l'un de l'autre vont échanger et réaliser que, Noir ou Blanc, leurs à-priori et leurs idées rétrogrades sont bien les mêmes et qu'ils ont gâché bêtement toute chance de réconciliation avec ces fils dont ils avaient toutes les raisons d'être fiers.



L'écriture est belle, même quand les scènes sont violentes ou triviales. On est emporté par des flux d'émotions, parfois colère (souvent même, le titre est très parlant à cet égard !), parfois tendresse , les larmes affleurent même à certains moments. On se prend à rêver d'un monde plus tolérant, ou même les gros durs pourraient se montrer pleins d'attention pour leur femme, où la couleur et l'orientation sexuelle finiraient par devenir une caractéristique aussi banale que la forme du visage ou la pointure. Mais il reste bien du chemin à faire, particulièrement dans le genre de contrée où S.A. Cosby a choisi de situer son histoire...



Je ne suis pas passée loin du coup de coeur, et je vous recommande vivement cette Colère, sauf si vous êtes allergiques aux scènes de violence, elles sont quand même assez nombreuses (c'est d'ailleurs mon bémol, il y en a un chouïa trop à mon goût). C'est du vrai roman noir, sans jeu de mot nul !

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La Colère



Derek Jenkins et Isiah Randolph, mariés et père d'une petite fille, Arianna, ont été froidement abattus devant un bar à vin du centre-ville de Richmond, une balle dans la tête. Une tragédie pour leurs parents qui, aujourd'hui, regrettent leurs erreurs passées, à savoir de ne pas avoir accepté leur homosexualité et de ne pas avoir pris part à leur mariage. Ike Randolph et Buddy Lee Jenkins, leurs pères, ne se connaissaient pas avant de devoir assister, ensemble, à l'enterrement de leur fils. Tout, ou presque, les sépare. Si ce n'est leur séjour en taule, Ike est noir, costaud et est à la tête d'une petite entreprise de jardinage. Buddy Lee est maigrichon, nouvellement chômeur, un brin porté sur la bouteille et vit dans un mobile home qu'il loue. L'enquête, menée par l'inspecteur LaPlata, n'avance guère. Aussi, Buddy Lee propose-t-il à Ike de jouer au détective. Si, dans un premier temps, celui-ci refuse, il change d'avis dès lors qu'il découvre la sépulture de leurs fils profanée...



Deux pères, que tout semble opposer, en deuil de leurs fils à qui ils n'ont, malheureusement, pas eu le temps de leur signifier leur amour malgré leur différence. Une différence qui les aura éloignés de nombreuses années. Si, aujourd'hui, Ike Randolph et Buddy Lee Jenkins, regrettent amèrement, les venger et trouver ceux qui les ont tués semble être leur seul moyen de se faire pardonner. Mais, en tant qu'ancien taulard, Ike se méfie de lui-même et de la colère qui l'habite, se sachant prêt à tout, c'est-à-dire à tuer s'il le faut, pour venger Isiah. Les deux hommes vont, ainsi, plonger dans la vie de leurs fils et tenter de comprendre les raisons de leur mort si violente. S'il y est question de vengeance, de violence, de coups pris et rendus, de sang, de menaces, de colère, de course-poursuite, il y est aussi question d'amour, de remords et de regrets. Le tout harmonieusement dosé. Dans leur quête, Ike et Buddy Lee vont, en effet, se rapprocher, se confier, se raconter leur fils, leur refus de les voir tels qu'ils étaient. Au fil des événements et des retournements de situation, les deux hommes vont immanquablement changer ainsi que leur vision du monde. Ils se dévoilent peu à peu sous nos yeux, n'en devenant que plus touchants, débordant de tendresse et d'amour. Au cœur d'une Amérique raciste et homophobe, S.A. Cosby nous plonge, avec force et passion, tendresse et violence, dans la vengeance de deux pères endeuillés, en quête de rédemption.

Un roman puissant, impitoyable et cinglant, porté par une plume implacable...



À noter que la colère est en cours d'adaptation pour le cinéma.

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Le Sang des innocents

Charon , c'est une ville qui répond à la fameuse règle des trois B :" la baston , la boisson et ..la baise ! " Et , oui , c'est écrit dans le livre alors moi , je ne fais que transcrire ce que j'ai lu , ne m'agressez pas .Bon , la baston , on la voit apparaître dés les premières pages et , croyez - moi , c'est terrible : fusillade dans un lycée , le prof le plus apprécié de l'établissement abattu par le jeune Larell , lui -même " neutralisé " par les hommes du shériff Titus Crown ...

Début de l'enquête , suspension de deux policiers , information des familles , début d'une vraie course à la vérité dans cette ville du Sud " hantée par le Christ ".

Titus Crown , ex agent du FBI , noir , èlu au grand mécontentement de toute la population blanche locale et considéré comme un traitre pour bien d'autre veut découvrir ce qui se cache sous ce drame .Le racisme est , hélas , encore bien présent malgré l'éloignement de la terrible guerre de Sessession .

Voilà pour le contexte général , le reste vous appartient et la qualité du récit qui vous attend n'a pas besoin d'être plus détaillée .Pas ou trés peu de temps morts , un portrait d'un homme complexe de premier ordre , des personnages secondaires bien campés dans leurs rôles , une écriture fluide et des dialogues enrichissants portent ce roman noir qui met en exergue tous les maux d'une société impitoyable , la violence , le racisme , la religion et ses interprétations rigoureuses ou déviantes .Bref , on ne perd pas son temps dans ce roman dont on tourne les pages avec avidité et gourmandise .

C'est le second livre de cet auteur que je découvre cette année , le premier étant " la colère " et même si j'ai préféré celui -ci , j'ai vraiment apprécié cet auteur que je ne connaissais pas . "Les routes oubliées " ne devraient pas tarder à suivre !

Les lecteurs et amateurs de roman noir ne s'y sont pas trompés si j'en crois la note globale sur Babelio ( Je n'ai pas encore lu les critiques ) et je ne puis que m'associer à ce brillant résultat .

Allez , à bientôt les amis et amies .Le week-end s'annonçant morose ...Pourquoi pas ? C'est bien vous qui voyez ...
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La Colère

Lorsque son fils Isiah lui apprend qu’il va se marier avec Derek, Ike Randolph lui demande comment la petite fille qu’il a adopté en payant une mère porteuse dira qu’elle a deux papas, et lequel fait la femme lui demandera -t-on. Et il refuse d’assister au mariage.

Trois mois après Isiah et son mari sont morts, tués sur un trottoir de Richmond.

Ike est noir, et assez à l’aise grâce à son travail.

L’autre père, Buddy Lee, représente cette catégorie de petits blancs pauvres qui soutiendraient le système esclavagiste s’il existait encore.

Et alcoolique.

Et plein d’humour.

Chacun, à sa façon, Ike et Buddy Lee, sont racistes et homophobes.

L’intérêt du livre, qui pourrait s’intituler le chagrin, est de présenter un éventail de sentiments, depuis la culpabilité de n’avoir pas accepté le bonheur de leur fils, la volonté de leur dire qu’ils les aimaient, déclaration qui arrive trop tard, la peur de se laisser aller à la violence s’ils veulent venger leur mémoire, l’idée insupportable que l’assassin se la coule douce et que la police n’en a rien à faire, enfin, la colère, qu’ils connaissent bien l’un et l’autre , puisque, chacun appartenant à un gang différent, ils ont tué déjà et qu’ils ont passés des années en prison l’un comme l’autre.

La colère, d’abord contre l’homosexualité des fils, qui se transforme en colère contre les homophobes, à commencer par le discours du prêtre à l’enterrement, parlant d’abomination, puis contre eux-mêmes qui n’ont rien compris, puis contre leur assassin.

La colère joue comme un point d’union entre ces deux pères pourtant aux convictions opposées. Leur chagrin sans issue les force à opter pour la vengeance, autrement dit la haine, boostée par la colère.

Ce ne sont pas des innocents, et, puisque l’histoire se situe à Richmond, capitale sudiste, ils savent d’avance qu’ils vont se heurter aux suprémacistes, aux bikers en bande armée, et aussi au gang des Noirs qui ont leurs QG.

Et nous, lecteurs, non seulement nous comprenons cette colère, mais n’aurions pas accepté la première proposition d’Ike, celle de ne pas se salir les mains.

Nous la comprenons, bien qu’elle soit vraiment violente (un peu trop d’ailleurs, à mon sens) parce qu’elle est basée sur le chagrin dit et redit de la perte de leurs fils, enterrés ensemble.

« Ça devrait être interdit par la loi, ces choses-là. »

Au-delà de tout, le chagrin d’avoir perdu leur enfant, le désespoir d’Ike lorsqu’il repense à l’enfance d’Isiah, désespoir sans remède les unit et les arme dans une amitié qui dépasse leur racisme initial, et leur homophobie mortelle.

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La Colère

Avouons-le Buddy Lee et Ike sont loin de mériter l’oscar du père de l’année, ni celui de citoyen de l’année d’ailleurs. Leur passé est plutôt trouble et parsemé de petits séjours forcés à l’ombre et leur comportement est loin d’être irréprochable. D’ailleurs pas question d’avoir un fils qui vit avec un homme, ça c’est exclu.



Buddy Lee passe son temps à manier l’humour, son arme préférée, pour blesser son fils Dereck, et Ike préfère se réfugier dans le déni et rentrer dans une colère noire si son fils Isiah essaie de lui parler de son homosexualité. Deux imbéciles qui malgré l’amour qu’ils portent à leurs fils respectifs n’arrivent pas à passer outre leurs préjugés et leur image du mâle puissant et viril.



Jusqu’à ce que Dereck et Isiah soient assassinés. C’est une bombe émotionnelle qui explose alors dans le cœur de ces deux pères meurtris par la culpabilité et le vide laissé par cette disparition. L’absurdité de leur comportement leur saute alors aux yeux, mais trop tard le mal est fait… Ce terreau de colère, de remords et de regrets va faire éclore une haine viscérale et un désir de vengeance qu’aucun des deux hommes ne peut contrôler. Quelqu’un doit payer parce qu’une telle colère il faut lui trouver une ennemi, sinon c’est vous qu’elle détruit.



Leur deuil devient dette de sang. C’est violent, les coups pleuvent, les mots vibrent d’une colère à peine contenue qui ne demande qu’à exploser et le carnage n’est jamais loin. Mais il ne s’agit pas pour autant d’une simple histoire de vengeance, ce livre est aussi un plaidoyer pour la différence. Il y a de beaux moments de tendresse et on s’attache vraiment à ces deux imbéciles. Si Buddy Lee et Ike ont de quoi s’auto flageller l’auteur n’oublie pas de rappeler que l’ignorance et la peur de la différence sont souvent à l’origine des discriminations, bien plus que de profondes convictions. La maladresse et la volonté d’être dans la norme font le reste. Une faiblesse que ces deux hommes regrettent.



Finalement sur le chemin de la colère il y a aussi beaucoup d’amour, de tristesse, de remise en question, et à la clef une autre vision du monde pour Ike et Buddy Lee et pourquoi pas une forme de rédemption.

Un roman noir corsé, ou la pitié n’a pas sa place. Le tout servi par une plume impeccable et passionnée.

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Le Sang des innocents

Après les nombreux et majoritaires avis dithyrambiques, vais-je oser publier ce billet ?

Une intrigue rondement menée à Charon, bled paumé dans le Sud des États-Unis, dans lequel les relents nauséabonds du racisme et de l'esclavagisme ne se sont toujours pas dissipés, encore plus à la sortie des bars après quelques verres de trop.

Pourtant Titus Crown n'a pas hésité à se présenter aux élections et à ainsi devenir le premier shérif noir du coin, alors qu'il est de retour au bercail après quelques années passées au FBI.

Années qui vont lui être fort utiles, car au lieu de passer son temps à verbaliser ses concitoyens pour excès de vitesse ou à les coller en cellule de dégrisement, Titus va devoir se confronter à un tueur en série ciblant tout particulièrement de jeunes adolescents noirs.

Le page turner est efficace, et j'avais plaisir à découvrir la suite de l'intrigue. Mais à l'heure du bilan, l'impression finale reste tout de même mitigée.

Je n'ai rien trouvé de bien original dans ce polar, l'histoire est linéaire, le final m'a un peu déçue, j'attendais quelque chose de plus percutant et surprenant quant à l'identité du meurtrier.

Les points forts sont l'humour, quelques personnages attachants, en particulier Albert, le père, et Marquis le frère de Titus.

A part ça, un certain nombre de personnages secondaires inutiles brouillent un peu les pistes (je ne savais plus bien qui était qui par moments) sans apporter grand-chose à l'intrigue.

Si j'ai apprécié le contexte venant mettre en lumière le racisme qui reste omniprésent aux États-Unis, j'ai tout de même eu des moments d'ennui pendant les passages consacrés aux amours de Titus avec sa compagne ou son ex (personnages assez dispensables) ou les flashbacks agaçants de son ancienne vie au FBI.

Je ressors de là avec l'impression d'avoir lu un scénario des Experts, pas inoubliable ni très bien écrit, et qui ne mérite pas un indispensable détour …

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Le Sang des innocents

Bonjour,

Aujourd’hui je vous propose : « Le sang des innocents » de S. A. Cosby. J’ai adoré ce roman magistral qui a pour décor le Sud des États-Unis. Nous suivons Titus Crown premier shérif noir à Charon County en Virginie, chargé d’une enquête complexe et bouleversante suite à l’assassinat d’un professeur de lycée par un jeune noir. Le personnage principal, charismatique, attachant, tourmenté et prisonnier d’un passé douloureux est dépeint avec justesse et précision. Sa psychologie est finement analysée. L’atmosphère sombre et oppressante nous happe au fil des pages. Les émotions des personnages, leurs troubles, leurs angoisses donnent le tempo du récit qui décrit avec réalisme l’horreur et les abominations ainsi que la haine profonde véhiculée par le racisme. L’auteur dénonce habilement ce sentiment profond et viscéral, la tension entre communautés, les violences et assassinats dans les écoles et le poids de la religion et ses dérives fanatiques. Voici un troisième roman extrêmement dur, impressionnant de réalisme, à l’intrigue brillante, au rythme intense et à l’écriture superbe. Un gros coup de cœur !

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Le Sang des innocents

S.A. Cosby avait quarante-cinq ans lorsque sa première nouvelle a été publiée, puis primée, en 2018. Depuis, les romans s’enchaînent avec succès et il a pu abandonner son job alimentaire dans le funérarium de son épouse. Enfant, Cosby avait connu la misère, la vraie, dans la vieille caravane où il avait vécu avec son frère et ses parents.



S.A. Cosby est issu du Sud profond américain, un territoire où des Noirs sont, comme lui, à jamais hantés par les conditions d’esclavage imposées à leurs ancêtres, tandis que certains Blancs continuent à dénier la défaite des Confédérés dans la guerre de Sécession et restent nostalgiques d’une époque qu’ils glorifient, ne serait-ce que pour affirmer leur suprémacisme ou pour provoquer les militants progressistes, partisans des droits civiques. Le Sud profond est marqué par des décennies de crimes et de vengeances atroces. Son sol est imbibé du sang d’innocents et des larmes qui l’accompagnent. Aujourd’hui encore, la violence peut exploser au moindre incident.



Cette violence latente est présente dès les premières pages du roman. Titus Crown est le premier Noir à être élu shérif du comté de Charon, en Virginie. Après douze ans de service au FBI, il est revenu sur sa terre natale avec l’intention de faire respecter les droits démocratiques de chacun, sans concessions. Il est inévitablement considéré comme illégitime par la frange la plus extrémiste de la population blanche. En même temps, il inspire une sorte de méfiance aux Noirs et aux progressistes, qui craignent qu’il ne finisse par s’incliner devant les arguments des puissants.



Le roman commence par une alerte malheureusement récurrente outre-Atlantique, une fusillade dans un lycée. Un adolescent noir a ouvert le feu et tué un professeur blanc estimé de tous. Le meurtrier est abattu quelques minutes plus tard par deux adjoints blancs du shérif. Ce dernier les suspend immédiatement, conformément aux procédures… Les conditions sont en place pour que chaque communauté s’en vienne à tour de rôle au bureau du shérif crier à l’injustice.



L’affaire va s’avérer plus complexe et plus sordide, qu’elle n’en a l’air. Les premiers éléments de l’enquête vont révéler au shérif Crown des pratiques monstrueuses de tortures et d’assassinats d’enfants noirs, puis l’existence d’un serial killer, ordonnateur de ces pratiques : un criminel psychopathe et mystique.



Mystique, le tueur n’est pas le seul à l’être, sur le territoire de Charon. Noir ou Blanc, chacun semble avoir été nourri d’enseignements bibliques et les avoir revisités à la sauce des prédications émises dans l’église évangélique qu’il fréquente. Certains se livrent même à leur propre interprétation et ce n’est jamais sans risque. D’autres ont pris du recul et fait la part des choses, comme le shérif Titus Crown himself. Cela ne supprime pas les sentiments de culpabilité diffuse, qui amènent chacun à chercher sa rédemption où il le peut.



Le sang des innocents est un thriller assez classique dans sa construction et dans ses péripéties, tant pour les éclaboussures d’hémoglobine, qui n’impressionnent plus personne, que pour les rebondissements, qui ne m’ont pas surpris. Les quatre cents pages du livre forment un tout cohérent et bien rythmé, qui se lit sans déplaisir, même si l’on n’est pas un amateur idolâtre de ce genre de littérature. La scène finale est, comme il se doit, ultraviolente et sanglante. Les pages qui la suivent et qui clôturent le roman font redescendre en douceur la tension.



L’élément attachant de l'ouvrage est son personnage principal, le shérif Titus Crown. Droit dans ses bottes, confiant en ses valeurs, en ses méthodes et en sa détermination, Titus n’en a pas moins ses failles et un secret qui l’honorent, l’humanisent, mais le fragilisent. En le créant, l’auteur a certainement projeté ses propres espérances d’Afro-Américain du Sud.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Le Sang des innocents

[Lu dans le cadre du Grand Prix de lectrices de Elle]



Titus Crown est le premier shérif noir de la petite ville de Charon (!), en Virginie. Après un passage au FBI, il est revenu s'installer dans sa ville natale, dans ce Sud profond qui n'en finit pas de porter en lui les traumatismes du passé. L'élection d'un Noir au poste de shérif prouve que les choses changent, mais les vieux démons du racisme sont toujours bien vivants et le fanatisme religieux pollue souvent les tentatives d'apaisement. Alors, quand un adolescent noir tue un prof blanc avant d'être abattu par un des collègues blancs de Titus, les vieux antagonismes s'exacerbent, et de sensible, la situation devient explosive. Mais qu'est-ce qui lui a pris, à Latrell, de tirer sur M. Spearman, ce prof formidable, qui donne beaucoup de son temps à tous ces jeunes et qui réussit à être apprécié des deux communautés ?

***

Dès la préface de David Joy et la présentation du comté de Charon en guise d'avant-propos, j'étais ferrée ! Mon attention ne s'est d'ailleurs pas relâchée et j'ai beaucoup apprécié le Sang des innocents. Les difficultés pour le nouveau Sud de cohabiter avec l'ancien sont rendues évidentes. Par exemple, le drapeau confédéré brandi dans certaines manifestation ou déployé devant des maisons rappelle sans cesse les affrontements entre les communautés, des atrocités de l'esclavage et des injustices de la ségrégation aux horreurs de la guerre de Sécession et aux ressentiments actuels. Si Titus est accepté par une minorité blanche progressiste, il est repoussé et méprisé par d'autres, et son statut de policier lui vaut la méfiance de sa propre communauté. J'ai bien aimé le personnage de Titus, sensible mais tentant de rester impassible, conscient qu'il est des conséquences que pourrait provoquer l'expression de ses sentiments dans les situations délicates. On comprend qu'il s'est passé quelque chose au FBI pour que Titus quitte le bureau, mais on ne sait pas quoi. S. A. Cosby procède comme si le lecteur connaissait déjà les détails de l'histoire, au point que je suis allée voir les résumés des deux ouvrages précédents parce que je me demandais si Titus était un personnage récurrent. Eh bien non ! il faudra attendre pour mieux comprendre les causes de certaines attitudes de Titus. J'ai bien aimé ce polar sans pause et sans concession. Il se trouve que, juste avant de le lire, j'avais regardé sur Arte une série intitulée Mystery Road : les origines, qui se déroule en Australie. Un jeune policer aborigène est le premier à exercer la fonction de policier dans la petite ville où il est né... Si l'enquête n'a rien à voir, j'ai trouvé qu'il y avait vraiment beaucoup d'échos de l'un dans l'autre, jusqu'à l'histoire d'amour et la figure du père qui présentent certaines similitudes. J'avoue que cela parasitait ma lecture par moment. N'empêche, je lirai les deux autres romans de S. A. Cosby traduits en français. Je suis sûre de me régaler…

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Le Sang des innocents

Quand le polar devient la quintessence du roman social (dixit Megan Abbott)



Voilà un auteur qui, faute d’être né dans une famille aisée, s’est tracé son propre chemin et s’est auto-cultivé, auto-formé, auto-instruit. Elevé dans une caravane dans une famille très pauvre, S.A. Cosby, né Shawn A. Cosby, a vécu dans l’ancienne capitale de la Confédération sudiste en Virginie et nous livre ici le fruit d’un parcours méritant. A 50 ans, il sait de quoi il parle, il y a été plongé jusqu’au coup depuis sa naissance. Et ça se sent pour chacun des thèmes qu’il aborde.

Pour l’instant je n’ai lu que ce polar, ce ne serait que le troisième traduit en français ; les deux autres ont atterri directos dans ma PAL. Pourquoi ? Parce qu’il a su attirer mon attention sur cette vieille épine dans le pied des « blancs » : le racisme noir. Ces dernières années, l’islamisme et le djihadisme ont pollué d’autres injustices dont celle du « blanc » ennemi du « noir » ou du « noir" contre le « blanc ». Je me permets de le formuler ainsi puisque Cosby le présente ainsi…pourvu qu’il ne lui arrive pas ce qui est arrivé aux « Dix petits nègres » d’Agatha Christie. Je ne l’espère pas et me dis, qu’au fond, l’auteur a judicieusement résumé l’ambiance de la région en écrivant qu’ils sont « tous soit descendants d’esclaves, soit descendants d’esclavagistes ».



Autant qu’un thriller, ‘’Le Sang des Innocents’’ est aussi une étude sociologique, celle du Sud des Etats-Unis. Au travers de la double attaque que subi le personnage principal Titus Crown, à savoir celle d’une grand partie de la population blanche mais aussi celle des noirs qui le considèrent comme un traite, l’auteur rapporte l’atmosphère pesante et persistante aux States. 1 siècle 1/2 après les quatre années de la guerre de Sécession, rien n’aurait donc changé ? A croire que non.



Une fusillade perpétrée devant un lycée par Latrell, un jeune noir immédiatement abattu par la police, va mettre le shérif Crown, ancien agent du FBI, dans une très mauvaise posture. S’agit-il d’un acte de fanatisme terroriste ? D’une nouvelle bavure policière ? Il faudra qu’il dénoue rapidement le vrai du faux.



Le lieu : Charon, petite ville de Virginie qui a pour signification ‘’ fondé dans le sang et l’obscurité ‘’. Elle va soudainement devenir un authentique nid de guêpes. On y côtoiera des suprémacistes blancs, des nationalistes chrétiens, des milicien patriotes qui, sans scrupules, vont démonter cette affaire à tel point que Titus Crown va devoir boucler au plus vite son enquête. Ce personnage est une lumière à lui tout seul ; il est beau, complexe, ce qui en fait une personnage rare et intemporel.

S’en suit un polar, dont David Joy dit dans la préface, que dans ce « roman de poids » on ne trouve « pas de sentimentalisme ni de lyrisme malvenu ».



La traduction par Pierre Szczeciner est à signaler comme participant à la réussite de ce polar, tant le texte est fluide et ferait presque penser que Cosby l’a rédigé en français. Il faudra que je pense à lire le ‘’ Dictionnaire amoureux de la traduction ’’.



La perfection faite du thriller américain ou un futur classique qu’on étudiera un jour en classe en raison de l’excellence du sujet traité à savoir celle de la condition humaine ? Va savoir. Pourquoi pas les deux.
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La Colère

« Je t’aurais bien fait bouffer tes mains jusqu’à ce que tu chies des doigts ».



En Virginie comme ailleurs, y a des mecs, faut pas les emmerder. Atteints du syndrome de John Rambo (« c’est eux qui ont commencé, pas moi… »), l’atteinte à leur tranquillité, à leurs valeurs ou à leurs familles, déclenche automatiquement une réplique vengeresse dont la proportion est sans commune mesure avec l’offense initiale.



C’est le cas de Buddy Lee et de Ike, deux semi-retraités d’une vie peu glorieuse qui les a fait passer par la case prison avant de se ranger. L’un est quasi-sdf quand l’autre prospère avec sa petite boîte d’espaces verts. L’un est noir quand l’autre est blanc. Mais les deux ont renié leurs fils gays, mariés ensemble et pères d’une petite fille.



Alors quand ces deux fils sont assassinés, la communion des remords et de la peine comme le désir de vengeance suffit à effacer ce qui sépare Ike et Buddy Lee, pour les réunir dans un élan de colère inarrêtable, seul sentiment capable paradoxalement de les apaiser.



Dans La Colère, S. A. Cosby – traduit par Pierre Szczeciner – nous propose un solide roman noir, rythmé et addictif. Une vendetta sanglante et prenante au caractère épique, qui n’est pas sans rappeler le souffle d’un Craig Zahler ou d’un Tarentino. Mais Cosby y ajoute deux ingrédients supplémentaires qui portent le livre à un niveau supérieur de sa seule histoire.



Le remarquable travail sur ses deux personnages majeurs, tout d’abord. À la fois sombres et sans scrupules, leurs faiblesses s’étalent au grand jour, au fur et à mesure qu’ils deviennent capables d’assumer leurs errements et erreurs passés.



Il y a quelque chose de grandguignolesque dans ces papys qui reprennent du service la soixantaine venue, mais cela se transforme rapidement en une empathie et une émotion qui gagnent et saisissent le lecteur au fil des pages.



Et puis derrière tout ça, c’est le portrait d’une Amérique ultra conservatrice que dresse Cosby, celle dont les traditions, l’esprit individualiste et l’instinct de survie conduisent à se réfugier dans la peur de l’autre et le repli, que ce soit pour sa couleur de peau ou sa sexualité. Et même dans sa propre famille…



« Tout ce que j'essaie de dire, c'est qu'on est dans le Sud. Si on n'est pas blanc et hétéro, il vaut mieux surveiller ses arrières ».



Amateurs de romans noirs qui font réfléchir, ne passez pas votre chemin : entrez vite dans La Colère !
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Le Sang des innocents

Attirée par toutes les belles critiques concernant cet auteur, je n’ai pas pu résister, ça aurait été vraiment dommage de passer.



Le Sang des innocents de S. A. Cosby, est un policier fort, marquant et terriblement prenant. J’ai eu beaucoup d’empathie pour Titus, le shérif de Charon. Premier noir à être élu sur la terre où il est né. Bien sur les suprémacistes blancs sont contre lui, ceux de sa couleur pensent qu’il est à la solde des oppresseurs, vraiment pas facile pour lui, pourtant il essaie de mener à bien ses fonctions et d’être juste.



Beaucoup de crimes racistes ont eu lieu dans cette petite ville, les souvenirs sont vivaces. Titus, un homme fort et droit, jongle entre les problèmes de drogue, les bagarres entre blancs et noirs. C’est une ville mystique, vingt et une congrégations religieuses se côtoient, pas facile à gérer. Jusqu’au jour où Latrell, un jeune Noir, le fils de son meilleur ami, tire sur le prof préféré du lycée, M. Spearman et se fait à son tour tuer par les collègues blancs de Titus.



Personne ne veut regarder la vérité en face, la police aurait pu éviter encore une bavure, les autres pensent à un fou. Ce calme de façade, explose de nouveau dans ce Sud toujours aussi raciste. L’enquête nous conduira vers une histoire terrible. De la première à la dernière page, on est tenu en haleine, le suspense s’intensifie à chaque page.



Un très bon roman noir qui met en évidence tous les problèmes d’une société féroce, impitoyable, la violence, le racisme, la religion et ses dérives. Pour ceux qui ne l’ont pas lu n’hésitez pas. De mon côté je lirais avec plaisir ses deux autres livres.

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Les routes oubliées

Lorsque nous sommes à une intersection, il est parfois difficile de choisir le bon chemin à suivre... Vaut-il mieux jouer la carte de la sécurité en se voyant foncer lentement dans un mur ou vaut-il mieux tenter sa chance dans un jeu qui sera quitte ou double ?



Après un passé de chauffeur lors de braquages, Beauregard s'est promis de ne jamais ressortir du rang. Pourtant, malgré son travail acharné, les affaires de son garage vont au plus mal et de nombreuses dettes viennent assombrir l'ardoise du père de famille qui avait enfin réussi à trouver la stabilité. La corde au cou, cet Afro-Américain va devoir faire un choix cornélien après qu'une vieille connaissance lui propose de reprendre le volant pour un braquage semblant sans risque...



Premier roman de S. A. Cosby, j'ai apprécié sa plume très visuelle de l'auteur. Dès les premières pages, nous nous retrouvons sur le siège passager en plein "street racing" où l'adrénaline bat son plein. Même si je ne suis pas très fan du monde automobile, j'ai trouvé intéressant la manière dont S. A. Cosby l'aborde. En ouvrant ce roman que j'ai découvert dans le cadre d'un prix littéraire, je m'attendais à lire un polar. J'ai finalement été un peu déçue sur ce point car celui-ci se révèle avant tout être un roman noir sociétal sur une Amérique où le racisme et les inégalités sociales battent leur plein...



Concernant les personnages, j'ai beaucoup apprécié le soin apporté par S. A. Cosby à celui de Beauregard. On ressent vraiment les tourments et les dilemmes auxquels est confronté ce père aimant et voulant le meilleur pour sa famille. Malgré ses efforts, celui-ci doit faire face à ces vieux démons rendant impossible une possible rédemption tant désirée...



Malgré cette impression concernant le genre de ce livre, j'ai passé un bon moment de lecture et je suis curieuse de découvrir "la colère", le deuxième roman de l'auteur sorti depuis peu...
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Le Sang des innocents

Prenez une petite ville du fond du Sud américain, appelez-la Charon. Lovée dans la baie de Chesapeake, elle aura été fondée « dans le sang et l’obscurité » et quoi que ses habitants vous disent aujourd’hui, elle n’a jamais rien eu de tranquille. Incendies tuant les derniers indigènes, cannibalisme, malaria, tueries familiales, noyades, « son sol était imbibé de plusieurs générations de larmes et, ici comme ailleurs, violence et chaos étaient érigés en symboles d’un passé idéalisé qu’on célébrait tous les ans à l’occasion de la fête des Pères fondateurs » comme nous le rappelle le texte en italique en amont du premier chapitre.



Lorsque le roman commence, Charon se débrouille aussi tranquillement que possible avec sa communauté noire, majoritaire et pauvre, ses suprémacistes blancs racistes et agressifs, ses jeunes bagarreurs et ses trafics illégaux de médicaments et de drogues. Une ville sans histoire, quoi.



Pour protéger ses citoyens, c’est Titus qui a été élu shérif. Ce qui constitue une anomalie puisqu’il est noir et que tous ses prédécesseurs étaient naturellement des Blancs capables de maintenir le système officieux de brimades et de pots de vin nécessaire au cours inéluctable des choses.



Ancien du FBI mais natif de Charon, Titus est revenu accompagner les vieux jours de son père veuf. Enfin, ça c’est l’histoire officielle. C’est un homme bien trop intelligent pour une si petite ville, brillant, d’une force physique colossale (deux-cents pompes tous les matins, tout de même !), d’une intégrité qui le travaille.



Être plus qu’exemplaire, savoir s’en remettre à son bon droit ou à sa carrure imposante selon les circonstances et les interlocuteurs, toujours remettre en question sa légitimité et ses motivations, c’est ce chemin étroit qu’emprunte le nouveau shérif. Il s’est constitué une équipe d’adjoints solides, qu’il pense fiables et, ainsi lesté avance dans une existence qui semble, malgré une charmante petite amie et beaucoup d’efforts, relever finalement davantage de la punition que de la félicité.



Ca commence par un appel sur les radios de police : une fusillade au lycée de la ville. Un jeune homme noir a tiré à bout portant sur un professeur blanc adulé par ses élèves. Dans le face à face qui opposera les forces de police et le tueur, ce dernier sera abattu.



Déroule la longue spirale des conséquences à tout cela. D’ailleurs non, pas les conséquences mais bien plutôt l’exhumation des causes multiples de cette crise ultime. Deux morts pour une boite de Pandore bien fournie en atrocités, assassinats, sévices, violences et abus qui continuent d’irradier de leur puissance maléfique un présent aveugle et sourd.



Au médecin légiste passablement secouée par les autopsies qu’il y a eu à pratiquer qui l’interroge sur le pourquoi de tels actes, Titus finira par répondre : « ils font ça parce que ça leur plaît. Ils font ça parce qu’ils le peuvent. Je crains qu’il ne faille pas chercher beaucoup plus loin. » Double drame d’une puissance sans limite et d’une absence de tout recours rationnel.



Voilà une ville mythique et son représentant en proie avec les furies du mal. Un saule dont les racines enserrent les contours de ce qu’on dépose à son pied, des serpents pour adorer un Dieu salement absent, un enfant illégitime abandonné, des turpitudes, des obsessions, du sang, des silences et des manques. C’est tout un territoire, toute une population qui souffrent des meurtres qui seront révélés. La terre exsude le sang et les larmes, les hommes qui y vivent en sont autant la proie que les continuateurs d’une violence insensée.



A la veine noire d’un roman bien ancré dans un réalisme social justement rendu, s’adjoint le contre-chant mystérieux et profond des psychés humaines. Les questions de la faute, de la rémission que l’on s’accorde ou non hantent les pages, influent sur les décisions. Faute originelle de ces Blancs esclavagistes, révolte de principe de ces Noirs jamais définis autrement que par la couleur de leur peau. Faute imaginaire d’un enfant trop vite orphelin. Faute ou orgueil de qui préfère se savoir pécheur qu’impuissant. Ca tourne et ça encercle bien au-delà de la seule enquête. Ca sort de ces lieux maudits peut-être aussi, du tragique d’une destinée humaine faite de sang et d’obscurité.



Ce qui rend Le Sang des innocents si réussi n’est donc pas une intrigue policière finalement assez peu convaincante mais bien plutôt la grandeur de notre homme à l’étoile. Titus est un ours, un roc qui pleure de l’intérieur. On l’aime, on le plaint (mais on ne le lui montre pas, il risquerait de mordre), on l’admire, on le craint un peu et on tremble qu’il lui arrive quoi que ce soit. On aimerait qu’il se laisse aimer aussi. C’est pas gagné. C’est un personnage héroïque, un vrai, de ceux dont la fêlure originelle garantit la solidité. Un pote pour Mary-Pat, Michel l’a dit déjà et c’est incontestable. La raison principale de succomber à cet excellent roman.

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