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Critique de Kirzy


Il est rare de faire la connaissance d'un personnage aussi fort, beau et complexe, que celui de Titus, ex-agent du FBI devenu presque par accident shérif d'un comté rural de Virginie, élu sur un programme progressiste. Premier shérif noir du comté, il évolue dans un no man's land de gris entre des gens qui croient en lui, d'autres qui le considèrent comme un traître à sa communauté et d'autres encore qui le haïssent pour sa couleur de peau.

Lorsque le fils d'enfant est abattu par la police après avoir assassiné un professeur adulé de tous, la suite des événements font cruellement voler en éclat le précaire équilibre qu'il s'était créé pour parvenir à naviguer dans la fange sans y sombrer.

Le point de départ est assez classique, et pourtant, S.A.Cosby est parvenu à construire avec brio une intrigue totalement maîtrisée qui envoie du très lourd avec ses multiples ramifications parfaitement imbriquées qui bouillonnent sous beaucoup de peur, de tension et de sang en fusion : la traque d'un mémorable tueur en série, une histoire sur la persistance du racisme sudiste, une dénonciation sans concession d'un fanatisme religieux favorisant le statu quo, et enfin l'exploration d'un traumatisme intime. le récit crépite à chaque nouvel indice, à chaque nouvel obstacle, à chaque irruption de nouveaux personnages, à chaque nouvelle scène décisive.

Dans ce polar sombre et profond, tout le monde porte un masque. La petite ville semble calme en surface, mais en dessous, il y beaucoup de haine, à commencer par celle des suprémacistes blancs célébrant l'histoire confédérée de la ville avec nostalgie et rage. Comme chez Dennis Lehane ou R.J.Ellory, la réalité des lieux explose de vérité tant ils sont décrits avec beaucoup de grain et de texture.

Ici, dans un comté dont le sol est imbibé du sang et des larmes des crimes racistes du passé, de l'esclavage, de la guerre de Sécession, de la ségrégation, « seuls les noms, les dates et les visages changent – et encore pas nécessairement. Parfois, quand on ferme les yeux, ce sont les mêmes visages qui apparaissent. Les mêmes visages qui vous attendent dans l'obscurité. » le passé ne passe pas et finit toujours par se rappeler de la pire des manières, comme si le racisme était une maladie qui contaminerait jusque dans les tréfonds ce Sud américain. Sur fond de dangereuse religiosité sudiste, les péchés du passé pèsent sur le présent comme un funeste présage.

Si le nombre de morts est élevé et l'action quasi ininterrompue avec ses tournures inattendues, comme dans un thriller, S.A.Cosby laisse exister ses personnages. On est au plus près de leur ressenti et de leurs émotions. Par touches, l'auteur distille les informations importantes qui révèlent leur parcours et leur personnalité, ceux du jeune abattu au début du roman, ceux de ses parents, du père ou du frère de Titus, du tueur, des pasteurs locaux, et bien évidemment ceux de Titus lui-même dont on découvre les secrets qui le tourmentent et le font porter une longue pénitence durant quasiment tout le récit. Jusqu'à la libération apportée par un superbe épilogue qui résonne fort avec tout ce qui a conduit jusqu'à lui.

Ce roman a l'évidence d'un futur classique, à la fois très actuel par ses thèmes et intemporels par ce qu'il dit de la condition humaine, et par la maitrise des codes du polar rural noir que l'auteur se réapproprie brillamment.

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