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Critiques de Anneli Jordahl (34)
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Les Filles du chasseur d'ours

Allez, parlons de ce ce pavé là, qu'on ne doit pas mettre dans la mare mais dans les mains de toutes celles et ceux qui ont besoin 𝗱𝗲 𝗴𝗿𝗮𝗻𝗱𝘀 𝗲𝘀𝗽𝗮𝗰𝗲𝘀 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝘀'𝗲́𝘃𝗮𝗱𝗲𝗿, qui préfèrent la 𝗳𝗼𝗿𝗲̂𝘁 pour se cacher du monde fou, et qui n'ont pas froid aux yeux devant 𝗹𝗮 𝗯𝗿𝘂𝘁𝗮𝗹𝗶𝘁𝗲́ 𝗱𝘂 𝗿𝗲́𝗲𝗹. Oui, il y a tout ça dans 𝐿𝑒𝑠 𝑓𝑖𝑙𝑙𝑒𝑠 𝑑𝑢 𝑐ℎ𝑎𝑠𝑠𝑒𝑢𝑟 𝑑'𝑜𝑢𝑟𝑠.



Loin de tout, et souvent 𝗱𝗮𝗻𝘀 𝗹𝗲 𝗳𝗿𝗼𝗶𝗱 𝗲𝘁 𝗹𝗮 𝘃𝗶𝗼𝗹𝗲𝗻𝗰𝗲 𝗱𝗲𝘀 𝗲́𝗹𝗲́𝗺𝗲𝗻𝘁𝘀 𝗲𝘁 𝗱𝗲𝘀 𝗰𝗼𝗿𝗽𝘀, on y rencontre 7 sœurs, qui ont décidé de vivre dans la forêt primaire finlandaise après la mort du père et de la mère, parmi une nature qu'elles trouvent plus clémente que la société qui les considère marginales et les paperasses dont elles déchiffrent à peine les lignes.



7 sœurs, 7 tempéraments et 7 personnalités bien distinctes ; et dans cette 𝗺𝗲𝘂𝘁𝗲 𝘀𝗼𝗿𝗼𝗿𝗮𝗹𝗲, des dominantes et des dominées, des violentes, des puissantes, des créatives, des rêveuses. Rien n'est fantasmé par l'autrice dans ce qu'on pourrait croire être un récit de "retour à la nature" : les éléments rappellent les sœurs à leur vulnérabilité, les hommes à leur féminité, et très rapidement se dessine le portrait d'enfants perdues qui reproduisent que ce qu'elles n'ont connues jusqu'alors.



𝗥𝗶𝗲𝗻 𝗻'𝗲𝘀𝘁 𝗺𝗮𝗻𝗶𝗰𝗵𝗲́𝗲𝗻 et c'est la véritable force de ce roman. On s'attache à certaines plus qu'à d'autres, bien sûr, et leur destin nous aimante : très rapidement, les 445 pages ne sont plus un fardeau mais un plaisir. Et un crève-cœur quand on doit finalement les quitter...
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Les Filles du chasseur d'ours

Attention gros coup de coeur !



Ce roman sent très fort, des pieds, des aisselles et du reste... La narratrice fascinée nous invite dans le sillage malodorant des 7 soeurs Leskinen, dont se dégage "une odeur âcre et tenace de sève de pin, de sueur et de sexe pas lavé". La tignasse rousse en bataille, les ongles crasseux, elles rotent, pètent et boivent au goulot depuis leur plus jeune âge. Cinq sont des géantes, deux sont des crevures, aucune ne sait lire. Le style est à l'avenant, puissant et vert, que ce soit dans les dialogues crus ou dans les descriptions de la nature omniprésente.

Le lecteur est ainsi aspiré dans cet univers, privé de ses repères, sans miroir ni montre, dans un équilibre instable, au bord d'un basculement qu'il pressent imminent. Mais bizarrement, la lecture est jouissive. Cette truculence, jamais vulgaire, est comme un bain de jouvence, un sauna régénérateur avec saut dans le lac gelé et volée de bois vert sur des peaux nues.



Le roman avance, chargé de cette énergie incontrôlable qui le métamorphose : il débute comme un conte (les sept filles du chasseur, les ours, la forêt, l'oncle conteur, l'humanité menacée par la sauvagerie, la perte des repères temporels nous le font croire). Un conte horrifique à la Tomi Ungerer.

Puis quand la "bande de trollesses dégénérées" va à la ville, on croit lire un roman social qui questionne la marginalité: quelle est leur place dans la société, elles qui ont été élevées dans la haine du système à la façon des survivalistes ?

Ça pourrait être aussi un remake punk des "Quatre Filles du dr March" tant la saveur du récit tient aussi à cette analyse des interactions entre soeurs, entre amour et haine, tendresse et solitude, solidarité et égoïsme. Un kaléidoscope émotionnel fascinant.

Quand elles s'enfoncent dans la forêt profonde pour y vivre, on est en plein récit de nature writing, sorte de robinsonnade qui tourne mal, à la fois ivre de liberté sauvage et oppressé par le huis-clos sororal. Une sorte de mélange bizarre entre Jack London, Stevenson et William Golding...



Ça finit vite, sur un dessillement, car l'aventure est initiatique aussi: [le patriarche "était un gros porc", la mère n'est finalement pas si haïssable, l'aînée, dans son entreprise de domination du groupe, n'est rien d'autre qu'une malade mentale]. Les soeurs apprennent qu'il faut se méfier des gens qui croient avoir raison et imposent leur pensée unique au clan. Elles vont se libérer de toute emprise en devenant elles-mêmes.

En fait, elles comprennent ce que les métamorphoses du récit et de la nature nous montrent : rien n'est figé. Donc pour atteindre un équilibre, romanesque ou personnel, il faut épouser les mouvements changeants de la vie sans chercher à les contrôler par le jugement. Il faut suivre sa nature, ce que nous invite à faire cette oeuvre magnifique, gonflée d'énergie, qui nous laisse tout retournés, admiratifs et comblés.



Félicitations particulières à Anna Gibson, la traductrice du suédois qui a su préserver la verve audacieuse et déroutante de ce roman.



Un livre que j'ai adoré, gros coup de coeur de ce Grand Prix des lectrices Elle 2024 ! (à égalité avec Le Portrait de mariage de Maggie O'Farrell).



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Les Filles du chasseur d'ours

En commençant ce texte, je ne savais pas trop où j’allais, et j’étais méfiante. J’avais très peur à la fable écologique un peu lénifiante. Et puis, très vite, j’ai compris que j’avais affaire à un texte résolument punk. Et ça, ça me plait beaucoup !



Ces sept sœurs, sauvages et en marge de la société, nous happent complètement. Elles hurlent, se battent, ne respectent rien ni personne, crachent tout le venin qu’elles ont au plus profond d’elle-même. Le choix de mettre un narrateur extérieur permet une distanciation bienvenue sans que pour autant le lecteur se sente voyeur. Et on suit leur pérégrinations rock jusqu’au cœur de la forêt la plus profonde, où elles se confrontent à la nature, tout en ne faisant qu’un avec elle. Elles font corps avec la forêt puisqu’elle n’accepte aucun code social, aucune vie en société. Se même à tout ça une mystique, un souffle ésotérique. Au départ, je ne savais même pas dater cette histoire. La foire, qui est le lieu du chapitre inaugural, pourrait se passer il y a trois siècles que cela ne choquerait pas le lecteur.



Je ne sais rien de l’autrice suédoise, je ne suis pas allée chercher plus d’informations, mais je trouve que ce texte est très maîtrisé. Il y a un style indéniable, c’est bouillonnant, ça pulse. Et pourtant, il y a de vrais moments plus contemplatifs, comme des pauses salutaires dans la frénésie de la vie de ces filles. Je suis toujours sensible aux romans qui mettent en scène des sœurs. Ici, je ne parlerai pas d’identification (big up à mes sisters, notre famille n’est pas si dysfonctionnelle !) mais il y a quelque chose de fort qui lie ces filles, et on retrouve malgré tout des grands questionnements autour de la sororité, le regard du père, la notion de fille préférée, le lien complexe à la mère, les alliances qui se font et défont. C’est poussé à l’extrême. C’est très précisément ce qui me plaît. Un ton bienveillant aurait totalement sabré l’intérêt même de ce roman.



Heureuse de cette découverte, les sept filles du chasseur d’ours me poursuivront longtemps !

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Les Filles du chasseur d'ours

Elles sont sept sœurs. Non, ceci n’est pas le début pour présenter la saga de Lucinda Riley 😆. Ici, les jeunes femmes sont moins fréquentables, plus sales et ont des occupations bien particulières dans leur ferme finlandaise. Elles sont les filles d’un chasseur d’ours, le célèbre Heikki Leskinen. Depuis son décès, elles sont les garantes de la transmission paternelle, notamment Johanna, l’ainée de 20 ans, qui s’autoproclame nouvelle cheffe du clan. Un clan voire une meute, tant la bestialité est présente au sein de la sororie. Peu voire pas de réelle affection entre elles. C’est l’honneur qui prime. Elles ont été élevées à la marge de la société, sans école, sans fréquentations extérieures si ce n’est la veuve Niskanpää à 10 km de là. Les filles idolâtrent leur père. La mère quant à elle, est la méchante de l’histoire et la laissé-pour-compte. Celle qui corrige et qui oblige à effectuer les tâches quotidiennes pendant l’absence du père, alors que les sœurs ne veulent que fumer, boire, chasser ou nager nues.



Suite à un événement et comme si la vie à la ferme n’était pas assez rude, elles prennent la direction des bois, vers une cabane proche de la frontière suédoise. Une demeure plus que précaire et endroit où la vie est encore plus sauvage, et la faim constante. S’entame alors une survie qui les obligera à aller en ville, à 150 km de là. C’est alors que des changements commencent à s’opérer au sein du clan …



Conte contemporain à l’ambiance poisseuse (je n’ai pas d’autres mots 😆), Les filles du chasseur d’ours est un récit qui m’a vraiment séduite. Dans la lignée du nature writing, c’est également le roman de l’expérience olfactive. Car plus loin que les odeurs des bois ou d’animaux (un peu trop tués à mon goût), nous sentons également toute leur animalité : pas de douche, il est souvent question de pets, de rots et j’en passe. Malgré tout, j’ai aimé cette ambiance crue et sans filtre. Il y a peu de beau dans toute cette vie. On peut y retrouver un petit côté du Démon de la colline aux loups. D’un point de vue narratif, j’ai aimé que leur histoire nous soit contée par un œil extérieur. Le seul bémol que j’y ai trouvé c’est finalement leur facilité à succomber aux hommes, alors qu’elles ont été éduquées totalement à l’inverse. La fin est dans la continuité du roman. Tout n’est pas rose pour tout le monde, et on en attendait pas moins !
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Les Filles du chasseur d'ours

Les Filles du chasseur d’ours est un sublime conte cruel au cœur de la forêt primitive.

Anneli Jordahl nous offre un grand roman de « nature writing » grâce à une écriture agréablement surprenante qui oscille entre des passages très crus et d’une vulgarité hors du commun tout en maintenant une plume poétique et onirique. J'ai adoré ce contraste qui lie parfaitement par un ton comico-tragique les atmosphères de ce récit qu’on croirait presque biographique.



Ce roman fonctionne parce qu’Anneli Jordahl donne vie à des personnages complexes et attachants. L’ombre pesante d’un père monstrueusement iconique et sectaire, la présence terrifiante d’une mère maltraitante qui deviendra petit à petit autre chose qu’une menace, un oncle adoré qui excelle en raconteur d’histoire, un vendeur de peau d’ours troublant mais affable…



Puis évidemment, il y a il y a les sept sœurs Leskinen, qui sont toutes uniques et si approfondis dans leurs caractérisations qui par leurs sauvageries, leurs authenticités et leurs rages sont si émouvantes. Elles ont toutes une voix unique qui résonne en elles. Toutes quelque chose à nous raconter sur le monde et l’existence à travers leurs personnalités et leurs actes. 

J’ai adoré les aspects philosophiques et poétiques de ce texte, qui pose beaucoup de questions sur l'éducation, l’emprise mentale et physique d’une autorité de lien de sang, au fantasme de la nature, au vivre ensemble, à la sectarisation d’une communauté… 



Ce texte est une immense déclaration d’amour à la puissance de la lecture, de l’art oral, de la nécessité d’apprendre à écrire pour vivre libre.  C’est aussi, un magnifique conte initiatique qui rappelle que nos capacités sont plus grandes que ce qu’on pourrait croire et que la nature peut-être un refuge bienveillant qui alimente l’imaginaire si on reconnaît en tant qu’humain nos limites.



Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices ELLE 2024, lauréat du mois de mars dans la catégorie " Fiction "
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Les Filles du chasseur d'ours

Difficile de définir ce roman, qui commence avec des allures de fable, de récit légendaire, puis semble de plus en plus ancré dans la réalité, à mesure que les effets de l'envoûtement (l'emprise ?) qui a obscurci l'entendement du lecteur se dissipent et laissent place à une prise de conscience. Ce qui apparaissait dans les premières pages comme le récit de l'épopée formidable de 7 soeurs préservées de la fadeur du monde urbain et corrompu prend petit à petit les traits d'une emprise d'un père fou et violent sur ses 7 filles, et cette formidable liberté résonne de plus en plus comme une aliénation dont il faut se défaire. Ce livre est surprenant, intelligent, complexe, inquiétant.
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Les Filles du chasseur d'ours

Comment ne pas être emballée par cette lecture, je ne sais pas, pour ma part, je m’en suis pourléchée les babines. Entre le roman d’aventures et le conte, le roman d’Anneli Jordahl m’a procuré beaucoup de plaisir et j’ai passé un délicieux moment de lecture. Un texte écrit avec beaucoup d’humour et de poésie.



Je venais de lire « Le petit prince », et me voilà bien loin de la petite rose et de ses quelques épines. Ici, le féminin, c’est de la bombe, des sauvages furieuses, pas éduquées qui vivent sur une autre planète dans l’anarchie totale. Sept sœurs qui ont le caractère bien trempé de Calamity Jane et qui vivent comme Robinson Crusoé dans une forêt primaire.



Ces femmes enfants aux caractères si différents et complexes sont parfois touchantes et naïves dans leur rapport aux autres, elles sont cependant très violentes entre elles avec beaucoup de rapports de force. Le retour à cette nature primaire décuple les traits de caractère. Malgré sa beauté, cette forêt sauvage, nature féroce et meurtrière, n’est pas faite pour ces jeunes filles même si leur courage est immense. Liberté ou confort social, un compromis sera finalement trouvé ou pas selon la nature de chaque femme.



J’ai adoré ce récit, d’autant que je viens moi-même d’une sororie de quatre filles. J’en connais les rivalités et cet amour infini qui dure malgré toutes nos différences.

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Les Filles du chasseur d'ours

Elles sont sept. Sept filles, sept soeurs. Comme dans un conte, à la lisière de la forêt, elles grandissent à Hue et à Dia, maltraitées par leurs parents et vouant pourtant une adoration à la folle puissance du père. Alors, quand elles se retrouvent orphelines, elle s'enfoncent au plus profond des bois, là où la réalité cède devant le clan.

C'est un texte empli de filles-renards, d'une sauvagerie féminine qui réjouit, grinçante et jubilatoire. Ces filles-là aiment, bouffent et tuent. Elles convoquent le spectre des sorcières anciennes, libres et enragées. Elles se battent pour que, jusqu'au bout, on ne voie pas les pauvres petites filles mais les sept soeurs. On les admire, on les craint, on les plaint.

La langue de Anneli Jordahl donne à leur épopée un tour à la fois onirique et contemporain, un vent de modernité venu du Nord.

Ce sont Les sept filles du chasseur d'ours, un conte cru et amer comme la bière noire.
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Les Filles du chasseur d'ours

[Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de Elle 2024]



La narratrice, écrivaine débutante, ethnologue amatrice, se passionne pour sept sœurs que, dans la région de Finlande où elles habitent, on nomme habituellement les filles du chasseur d’ours. Tout le monde connaît ces sept filles à la chevelure roux flamboyant : elles sont les filles d’une légende, le chasseur d’ours, et elles viennent vendre les produits de la forêt et leurs trophées de chasse à la foire qui a lieu à la ville quatre fois par an. À la fois craintes et admirées, elles suscitent la curiosité parce que personne ne sait vraiment comment elles vivent. Même le pasteur qui s’est occupé de l’enterrement du père ne réussit pas à les apprivoiser. Qui sont-elles vraiment ? Quelle enfance ont-elles vécue ? La narratrice est avide de détails...

***

Anneli Jordahl divise son roman en trois parties dont les titres donnent une idée de la trajectoire des filles : La Ferme, La Cabane au milieu de nulle part, La Ville. Elle choisit un découpage très cinématographique, me semble-t-il, avec 16 chapitres numérotés (les épisodes) et des sous chapitres (les scènes). Je vous laisse découvrir le rôle des passages en italique. Johanna, l’aînée, 20 ans, s’applique à être une réplique du père : violente, féroce même, elle chasse et prend la tête du clan. Suivent, dans l’ordre de leur apparition dans le récit, Tania et Aune, vraies jumelles, très différentes l’une de l’autre ; Elga, la plus jeune et sans doute la plus brillante, celle qui a soif de savoir ; l’autre couple de jumelles, Tiina et Laura, elles aussi très dissemblables ; et Simone, « celle qui prend Dieu le Père et la Bible au pied de la lettre » (p. 23). Sans oublier la mère que toutes méprisent tout autant que les diverses tâches qu’elle accomplit seule, qu’il s’agisse du travail de la terre ou de la maison. Elle vit le quotidien d’une mère de famille nombreuse qui doit en plus s’occuper de tout à la ferme. Le père est une figure, un monument d’égoïsme et de brutalité. Un seul personnage sympathique dans cette smala, l’oncle Veikko, le frère de la mère, conteur talentueux et réputé, qui leur apporte épisodiquement un peu d’intérêt, de bienveillance et d’ouverture sur le monde.

***

La plus grande partie du récit se déroule dans les bois, d’abord à la ferme, à 10 kilomètres du premier voisin, puis dans la cabane de chasse, en pleine forêt primaire, à la frontière de la Suède, à 150 kilomètres de toute habitation. Après la mort des deux parents, les filles s’imposent, à la fois par fidélité au père et sous la contrainte de Johanna, un style de vie qui les mènent à la catastrophe. Et puis l’hiver en Finlande, sans isolation ni électricité… Les relations claniques initiées par le père sont excessivement malsaines. Il a décidé de couper sa famille du monde contemporain, mettant en avant sa dangerosité, surtout pour des filles. On verra au fil du récit que sa détestation de la civilisation est à géométrie variable pour ce qui le concerne. La fascination qu’il exerce sur ses filles les poussent à se comporter comme lui : elles sont vulgaires, sales, méchantes, brutales, cruelles, bagarreuses, ivrognes, grossières et j’en passe. Pourtant, quand on décèle leurs failles, on en vient à éprouver de l’empathie pour certaines d’entre elles. Pour ma part, pas pour toutes… J’ai trouvé ce roman très original. L’autrice nous présente une nature qui ne fait pas de cadeau, dans laquelle la survie est sans cesse un travail et une lutte. J’ai regretté plusieurs longueurs et des situations répétitives, les nombreuses plongées dans l’alcool par exemple. En revanche, j’ai beaucoup aimé la construction comme la place et le rôle accordés à la narratrice. Les explications de cette particularité viennent à la toute fin. Il faut sans doute lire ce roman un peu comme un conte, une histoire de clan composé de femmes qui tentent de construire un mode de vie selon le modèle qu’elles ont toujours connu, celui des relations de dominant (au masculin singulier) à dominées (au féminin pluriel). Certaines réaliseront, petit à petit, qu’on peut vivre autrement.

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Les Filles du chasseur d'ours





« Elles se ressemblaient étonnamment : front large, tignasse auburn n’ayant jamais vu un coiffeur, ni même sans doute un peigne ou un shampoing depuis bien longtemps. Le seul détail qui différenciait l’une d’entre elles était son nez, qui semblait déformé quand on la voyait de profil, probablement à la suite d’une engelure. »



Les filles du chasseur d’ours, Anneli Jordahl @annelijordahl @editionsdelobservatoire #paldeprintemps #voixdesfemmes



Elles sont sept sœurs, Johanna, les jumelles Tania et Aune, Simone, les jumelles Tiina et Laura, et Elga. Sept sœurs à la superbe crinière rousses, les « bébés renardes » de leur père, le chasseur d’ours Heikki Leskinen.



Sept sœurs qui se ressemblent peut-être physiquement, mais pas de caractère qu’elles ont toutes différent! Il y a la chasseuse, l’artiste, la bigote, le rouleau-compresseur… celle qui invente des histoires, celle qui est pragmatique, celle qui aimerait tailler sa route… il y a le père qu’elles idolâtrent et la mère qui n’existe pas à leurs yeux… et puis, il y a le fait de se retrouver orphelines!



« En tant que personnes privées de père et libres de mère, nous avons deux options pour nous en sortir. Ou bien rester ici, remettre la ferme en état et faire ce qu’il faut pour en tirer du bénéfice. Ou bien se casser en forêt. On pourra vivre dans la cabane de chasse. »



Je vous laisse deviner leur choix…



Ce roman, il désarçonne, car il est tout à la fois beau dans sa description de la nature, cette vie à l’état sauvage, des femmes libres et fortes…



« Vous êtes libres. Libres de créer votre propre royaume où vous serez reines. Vivez ! Soyez fortes, vivez fort, et vous pouvez compter sur votre père. Je serai à vos côtés jusqu’au bout. »



… mais il est violent aussi car ces filles ne sont pas tendres entre elles! Elles ont été élevées à la dure, comme des renardes, elles se battent, elles s’invectivent, elles sont sauvages et bestiales! Et elles ne tolèrent pas le maillon faible…



« Quelque part, tout au fond d’elle, elle savait que le moment de sa libération n’était pas encore venu. Ses sœurs étaient à la fois ses bourreaux et ses boucliers. La délivrance viendrait, elle le savait, mais d’où ? »



Une odyssée sylvestre qui enthousiasme et passionne, un roman brut et sauvage, une sororie qui surprend et détonne… et qui se dévoile de mille et une façons/facettes au fil du récit!



Un roman que j’ai dévoré et adoré!
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Les Filles du chasseur d'ours

Une lecture qui me laisse un peu perplexe.

Ce roman retrace l'histoire de 7 sœurs dont les caractères et les envies sont très différentes mais qui vont pourtant réussir à se créer un clan solide et autonome.

Du moins en apparence et au début. Le clan va devoir lutter pour sa survie dans un environnement assez hostile. Elles pensent pouvoir tout maîtriser et s'épanouir loin de la civilisation. Mais leur clan est aussi tres fragile. Lorsqu'elles se retrouvent délivrer de leurs parents, elles vont d'abord s'epauler avant de se rendre compte que la lutte pour leur survie ne sera pas leur seul probleme. Elles vont pourtant connaître des déboires diverses et surtout se battre entre elles pour le pouvoir, la tête du clan.

Il y a de très bons passages dans ce livre mais également beaucoup de violence et de scènes dérangeantes. Ce qui m'a le plus gêné dans ma lecture, ce sont certaines longueurs répétitives qui n'apportent pas toujours des choses au récit.

Mais j'ai toutefois beaucoup aimé la finalité déconcertante du livre!
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Les Filles du chasseur d'ours

Sept jeunes sœurs sont amenées à se débrouiller seules, suite aux décès de leur père adulé, le légendaire chasseur d’ours capable de tuer un ours à mains nues, et de leur mère méprisée et rejetée. Les filles, éprises de liberté, et élevées dans la méfiance de la ville et de ses administrations, aspirent à rester dans la nature, en autarcie, le plus loin possible de la civilisation, complètement coupées du monde extérieur.

Sauvageonnes, sûres d’elles, délurées, elles sont sûres de leur projet et de leur choix.

Mais le milieu hostile et les conditions difficiles dans lesquels elles évoluent révèlent les personnalités, les faiblesses, les disparités, et dévoilent les rapports de force qui régissent le groupe.



Avec ce nature writing, prenant place au fin fond de la forêt finlandaise, ne vous attendez pas à une histoire bucolique. Ici, c’est la violence des éléments climatiques, des conditions de vie, des actes, des relations entre les sœurs, qui est prégnante. Un récit brut, un peu comme ces filles sans foi ni loi, qui documente et analyse avec distance leur vie recluse.

Cette distance, volontaire, est expliquée à la fin du roman, mais le manque d’empathie avec lequel est abordé l’histoire peut déranger, ce qui a été mon cas. Un autre choix volontaire de l’auteur est de rendre ces jeunes filles quasi indissociables les unes des autres, tant qu’elles forment cette meute de loups solidaires, jusqu’à ce que chacune prenne son chemin et que nous puissions les identifier. Cette distance apportée ici m’a empêchée de m’attacher à ces jeunes filles.

Cette double distance m’a laissée en position d’observatrice. Cumulée à une impression de déjà vu, il m’a manqué ce petit plus d’émotion pour vraiment apprécier ma lecture.



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Les Filles du chasseur d'ours

La violence pour la violence … j’ai un peu de mal avec ce type de roman qui ne m’ouvre aucune porte de réflexion mais me laisse perplexe. Déjà, je ne suis pas fan du nature writing, mais quand en plus il faut supporter des émotions négatives sur 445 pages, c’est trop et cela me paraît aussi inutile que dans "My absolute Darling" de Gabriel Tellent. Certes, on peut y voir du courage, de l’audace, une histoire qui s’inspire des contes scandinaves, mais les guerrières aux mains nues, ce n’est décidément pas pour moi.
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Les Filles du chasseur d'ours

Finlande. Sept sœurs de 12 à 20 ans, se retrouvent livrées à elles-mêmes après la mort de leur père vénéré, célèbre chasseur d'ours et de leur mère détestée, méprisée. Au lieu de se diriger vers la ville et la société, élevées dans la méfiance et la haine des administrations, du gouvernement, de l'école, elles décident de quitter la ferme familiale qui tombe en ruine et de s'enfoncer loin dans la forêt primitive, à 150km de la plus proche ville, sous la direction de leur sœur aînée. Mais leur projet de vivre en autarcie, totalement indépendantes, sans électricité, sans eau, en se nourrissant sur la nature se heurte à la réalité d'un hiver particulièrement rigoureux qui va conduire à la séparation du clan qui jusque-là était resté soudé sous la poigne violente de la sœur aînée. Chacune prend alors un chemin différent.

Ce qui m'a frappée dans ce roman, au-delà de la violence omniprésente, que ce soit celle de l'extérieur (viol, bagarres,...) ou de l'intérieur, encore plus sauvage, entre les sœurs, c'est l'absence total d'amour maternel, paternel, entre homme et femme, entre sœurs. Celles-ci n'ont pas eu d'enfance, élevées à la dure; elles boivent comme des trous et fument cigarettes sur cigarettes ou mégots sur mégots.

Très prégnantes également, les sensations olfactives provenant de la nature (humus, écorce, boue...) mais aussi des corps négligés (sueur, saleté, aisselles, pieds, sexe...) et les sensations auditives (pets, rots, grognements, ronflements...).

Ce roman est un récit féroce, cruel, très cru que j'ai lu tel un entomologiste qui observe une espèce inconnue, sans affect, sans empathie car il m'a paru assez invraisemblable, proche du conte comme il en existe tant en Finlande. Il offre une vision cauchemardesque de la famille où règne la loi du plus ou de la plus forte, où les plus faibles sont les têtes de turc des plus fortes, où les coups tiennent lieu de lien familial, où la liberté devra se gagner de haute lutte contre ses propres sœurs, en faisant éclater la cellule qu'elles formaient toutes les sept.
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Les Filles du chasseur d'ours

Découvert dans Telerama, les filles du chasseur d'ours est un conte moderne qui fait rire et effraie alternativement. J'ai été totalement absorbé par les aventures des sept sœurs, dommage que la fin ne soit pas du niveau du reste. Ce fut toutefois une lecture divertissante et passionnante.
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Les Filles du chasseur d'ours

Un mélange de nature writing, de conte et de féminisme. Il ne m’en fallait pas plus pour aimer ce roman.

Pourtant assise dans mon canapé, j’ai ressenti la rudesse des sœurs, l’odeur des forêts finlandaises, le froid de l’hiver, le manque, la faim… Une expérience assez singulière et troublante. Une vie sauvage que l’autrice, Anneli Jordahl, dépeint à la perfection. Je quitte avec nostalgie ces grands espaces ainsi que ces femmes féroces si attachantes…

http://www.mesecritsdunjour.com/2024/03/les-filles-du-chasseur-d-ours-anneli-jordahl.html
Lien : http://www.mesecritsdunjour...
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Les Filles du chasseur d'ours

Que dire des sept sœurs Leskinen, si ce n'est qu'elles sont endoctrinées par leur père, le célèbre chasseur d'ours, pour vivre en totale autarcie dans une forêt nordique. Formant un clan, elles se soutiennent pour faire face au monde extérieur qui, le paternel leur a dit, ne leur apportera rien de bon.

Quand celui-ci décède, suivit de peu par leur mère, elles se retrouvent donc à fuir encore plus profondément dans la forêt, dans une cabane de chasse. Mais bien qu'elles soient toutes en relation étroite avec les arbres et leur environnement, la vie dans la nature est loin d'être paradisiaque.



J'ai beaucoup aimé le style d'écriture qui nous fait voyager au cœur de la forêt avec ces sœurs sauvages. Chacune développe son propre caractère, l'une artiste, l'autre chasseresse, une autre encore mécanicienne. Elles développent leur personnalité propre qui les rend attachantes. Le langage cru de certaines entre en résonnance avec leur absence totale de connaissance des codes sociaux modernes et rend l'immersion crédible.

Plusieurs points m'ont cependant faite tiquer : sur la quatrième de couverture, il est écrit que ce livre est "un conte féministe venimeux". Alors non, il ne suffit pas d'une poignée de femmes survivant dans la forêt en autonomie et ayant pour règle d'or de ne pas fricoter avec les hommes pour être féministe. D'autant plus qu'à plusieurs reprises l'ainée des sœurs, Johanna, a un discours ambigu sur la condition féminine et reproduit par son comportement les schémas de domination masculine (endoctrinement du père, on se le rappelle).

Dans l'ensemble, c'est un livre qui plaira à celles et ceux qui aiment les histoires de nature aux allures de conte, à la limite de la légende, avec une légère ambiance mystique. Certains passages peuvent être durs à lire cependant. Et la fin m'a un peu déçue. Mais cela reste une bonne lecture.
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Les Filles du chasseur d'ours

Avec leurs tignasses flamboyantes, leurs vêtements dépenaillés, leur saleté repoussante, l'odeur épouvantable que leurs corps dégagent, elles ne semblent former qu'une seule entité.

Et pourtant...

Les filles Leskinen sont sept. Elles vivent en Finlande, pays dont les habitants sont le plus heureux.

Après la mort du père adoré suivie rapidement par celle de la mère détestée, elles sont orphelines.

Johanna, la plus âgée, s'affirme en héritière du géniteur, un légendaire chasseur d'ours qui a installé sa famille dans la forêt loin des mirages et des menaces de la civilisation.

Suivent Tania et Aune, puis Tiina et Laura, deux paires de jumelles.

Il y a ensuite Simone et, enfin, Elga, la seule qui ne ressemble pas physiquement à ses sœurs.

Conduite d'une poigne de fer par Johanna, secondée par les deux « T », les plus jeunes subissent la faim, le froid et les coups, victimes de la folie atavique et paranoïaque de l'aînée.

Pour atténuer leurs souffrances, elles s'évadent dans leurs passions secrètes : l'invention d'histoires pour Aune, le modelage pour Laura, le mysticisme pour Simone et la lecture pour Elga, bien loin des règles survivalistes édictées par Johanna dont le sens de l'organisation laisse à désirer.

Grâce à ces échappatoires, elles mettent à distance leur enfance violente privée de la connaissance qui libère et permet de devenir un adulte épanoui.

Il y a parfois de bons moments, ceux pendant lesquels le septuor écluse des litres de bière noire aussi épaisse que leur chevelure et de gnôle...

C'est une narratrice, dont on découvrira l'identité à la toute fin du livre, passionnée par ces fascinantes et énigmatiques enfants semi-sauvages, qui raconte l'histoire des filles du chasseur d'ours, dont le mythe se ternit, alors que la figure de la mère est réhabilitée.

Loin de magnifier la nature et de développer les thèses de certains écologistes extrémistes qui stigmatisent la nocivité de l'homme allant jusqu'à souhaiter sa disparition, Anneli Jordahl a construit un récit féministe et humaniste, au sens de la Renaissance, teinté d'humour noir et d'une grande originalité par sa démesure.

Une belle et singulière lecture et une ode à l'imagination.


Lien : https://papivore.net/littera..
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Les Filles du chasseur d'ours

Avec « Les Filles du chasseur d'ours », la romancière suédoise Anneli Jordahl signe un conte féministe diablement cruel, drôle et envoûtant.
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Les Filles du chasseur d'ours

Le clan Leskinen, 7 sœurs à la chevelure de feu, sauvages mais surtout ce sont les filles du chasseur d'ours. Ils vivent en marge dans une ferme isolée avec la mère. Les relations sont conflictuelles au sein de cette famille. Le père, qui part parfois des semaines en forêt pour chasser l'ours, est le pilier central de la vie de ses filles qui l'adorent, au détriment de la mère. A la mort de leurs parents, les filles se retrouvent livrées à elles-même. Les ennuis commencent...



Lorsque Johanna, l'aînée décide de les faire traverser 150 km pour rejoindre une cabane de chasse perdue au milieu de la forêt, le périple s'annonce ardu. La nature est presque un protagoniste à part entière dans ce livre. Sauvage, elle fait endurer le pire aux filles : le froid, la faim, la lutte pour survivre. Un quotidien parfois acerbe, surtout pour la plus jeune d'entre elles qui rêve d'école et de sortir de ce trou à rats. Le clan pourtant s'entraide et tente de vivre en autarcie, de la vente des peaux et de petites créations. Mais les coups, lorsqu'ils pleuvent, sont insupportables, tout comme d'être priver de chaleur et de nourriture.



La suédoise Anneli Jordahl nous plonge avec fluidité dans la vie de ces 7 sœurs qui ne sont pas des demi-portions. Habituées à vivre loin de la civilisation et à se méfier de leur prochain, c'est souvent avec de la bière noire qu'on les retrouve le soir, pleines d'ivresse. Qu'on aime ou qu'on déteste, ce conte attire et séduit par sa force d'écriture.



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