Un roman âpre, aride, austère, difficile à lire ! Un roman qui n'est pas fluide ! Les chapitres sont écrits successivement par chacun des trois protagonistes : Henri Sauvagiot, l'instituteur, Gabriel Torquois, le sous-lieutenant, et Isabelle Ligneris, l'infirmière, dite Babel, dont on apprend qu'elle se voue avec autant de fougue au secours des populations qu'au repos du guerrier (page 33). On découvre ainsi cette Opération Barbarie par ce que chacun des trois, à tour de rôle, nous en dit. Cette construction originale contribue à faire avancer le récit par à coups : chaque chapitre fournit en effet son lot d'indices qui sont autant de morceaux de puzzle, qu'on assemble avec ceux des précédents chapitres, pour reconstituer le cours de l'histoire. Si on a manqué un mot, on perd vite le sens du récit et on est alors obligé de revenir en arrière pour en retrouver le fil, comme les cailloux blancs du Petit Poucet. Mais c'est aussi cela qui fait son sel et son intérêt.
Cette forme est tellement originale qu'elle en fait presque oublier le fond. Car si la forme est rude, le fond est dur. En pleine guerre d'Algérie, dans un poste de montagne, la recherche du renseignement bat son plein. A cet effet, tous les moyens sont bons, y compris les interrogatoires « poussés ». On comprend dès lors mieux le titre de l'ouvrage. C'est un métier qui n'est pas celui de nos trois protagonistes : pendant que la police s'en charge, eux pensent plus à l'amour qu'à la mort.
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Vous, mademoiselle Ligneris, avec tous vos airs de brave fille, vous êtes une désœuvrée en quête d'occupation.
Voilà le fin mot de vos amours pour les hommes et avec les hommes.
C'est quand on n'a rien à faire qu'on se couche.
Janine, comme on eût dit il y a cent ans, s'est donnée à moi.
Mademoiselle Ligneris ne se donne à personne.
Fi donc, ma chère !
Elle se prête (page 82).
L'un des secrets du monde, c'est qu'on a quelquefois le devoir de faire ce qu'on n'a pas le droit de faire, le corollaire étant qu'on n'a pas le droit de faire ce qu'on a le devoir de faire. À l'homme d'action de prendre ses responsabilités. Et de subir ensuite les diatribes des irresponsables.
Voila, mon père, notre genre de préoccupations. Et vous voudriez que nous ayons eu des distractions de cœurs vaillants au patronage ? Non : nos distractions n'étaient pas moins crues que nos soucis (page 113).
Une nuit au moins le pauvre enfant ne trembla pas tout seul dans son lit ; une heure au moins il y eut dans Djelloul succursale de l'enfer une paire d'êtres qui avaient oublié de souffrir (page 114).
Soudain, elle se retourna vers nous, le visage brutal de douleur :
- Enfin, qu'est-ce que tu veux, Gaby ? Dis-le moi.
Que de souffrances subies dans cet "enfin" ! (page 71).
À l'occasion de la parution du premier tome des "Aventuriers de l'étrange", Bertrand Puard revient pour Hachette.fr sur cette toute nouvelle création de la Bibliothèque Verte. Une série notamment inspirée par les livres de cette mythique collection, d'Agathe Christie à Alfred Hitchcock en passant par Vladimir Volkoff, et dont le doublement primé à Cognac fut lui-même lecteur.