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EAN : 9782290404508
160 pages
J'ai lu (27/03/2024)
3.98/5   49 notes
Résumé :
À mi-chemin entre la science et la poésie, Histoire d'un ruisseau a été écrit en 1869 par le géographe et anarchiste français Élisée Reclus. Ce texte n'est pas une simple description de paysages le long de la course de l'eau, il est surtout, par son écriture étonnante et poétique, un hymne à la vie et à l'une de ses ressources les plus précieuses... Présent au fil des pages comme au bord de la rive d'un fleuve, le dessin d'Eloar Guazzelli, artiste brésilien, a su en... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Et au milieu coule un ruisseau.

Elisée Reclus partage peut-être le coté libertaire du personnage de Brad Pitt dans Fight Club mais la comparaison entre l'acteur du film de Robert Redford “Et au milieu coule une rivière” et l'auteur, géographe, de “Histoire d'un ruisseau” s'arrête là.

J'ai pu lire que des enfants ont fait de la géographie grâce à cet ouvrage aux descriptions ondines, à la langue aussi claire que le fond d'un lac de montagne, et aux exemples incarnés par les aventures de Reclus, à l'image de sa nuit sur une plage de Colombie, avant la tempête.

Malheureusement pour Reclus, depuis l'ouvrage, publié en 1869, les progrès de la technique nous montrent désormais des documentaires où l'on s'émerveille du cycle de l'eau, de la vapeur à la glace en accéléré et en Haute Définition, quand les descriptions et détails de Reclus peuvent paraître au lecteur un peu distrait d'une monotonie semblable au « fleuve rapide, brun-vert, du paysage » qu'on voit défiler depuis la vitre du TER (comme l'écrivait Ivo Andric). Est-ce à dire que le bouquin de Reclus est dépassé ?

Certainement pas ! Quelle humilité, discipline, ascèse même d'observer simplement la ressource la plus précieuse, source de toute vie sous toutes ses coutures, sans en manquer une goutte… alors, si notre imagination ou nos souvenirs ne peuvent toujours soutenir notre lecture, Il faudrait au moins suggérer à Arte de filmer les tribulations d'un ruisseau ou d'un fleuve tout en revenant à la source littéraire qu'est Reclus, si j'ose dire, et en donnant à l'image ses mots et sa prose si poétique et passionnée en commentaire du documentaire !

Son ouvrage est d'autant plus actuel que l'auteur fustige la pollution des eaux par l'activité humaine, la destruction de milieux et d'espères naturels, la surpêche et tout ce qui va à contre-courant de son ruisseau adoré…

Il se félicite de l'ingéniosité du moulin qui épargne de lourdes tâches aux hommes qui peuvent se consacrer (un peu) aux loisirs et à une vie (un peu) plus douce : “il moud le blé, brise le minerai, triture la chaux et le mortier, prépare le chanvre, tisse les étoffes. Aussi l'humble moulin, fût-il même rongé de lichens et d'algues, m'inspire-t-il une sorte de vénération : grâce à lui, des millions d'êtres humains ne sont plus traités en bêtes de somme ; ils ont pu relever la tête et gagner en dignité en même temps qu'en bonheur”. Car même si l'ouvrage de vulgarisation est celui d'un scientifique, Reclus l'écologiste, l'anarchiste, le communard condamné à la déportation, défenseur de l'égalité, de l'union libre, du bonheur n'est jamais très loin.

Qu'en pensez-vous ?
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Un texte inclassable, d'abord par son objet : faire la biographie d'un ruisseau. C'est une oeuvre d'historien, puisque Reclus commence par l'origine, par un récit des origines, l'eau originelle, celle du glacier et celle des nappes souterraines. Puis, il présente en géographe, en géologue, en hydrologue, le parcours de son ruisseau, dans les roches, dans les plaines...
Ce n'est toutefois pas un texte d'une froide rigueur scientifique, ni de sciences naturelles, ni de géographie - aucun élément de localisation, c'est l'essence d'un ruisseau qui est présentée, pas un ruisseau précis. Au contraire, ce sont pour moi trois cent pages de poésie en prose, que ce soit dans la description des lumières des gouttelettes d'eau, celle des mystères des grottes souterraines, ou celle de la végétation des berges. Ces passages sont très beaux, un peu lents et répétitifs, mais avec des paragraphes d'une grande beauté.
Cependant, c'est toutefois la description d'un monde qui n'est plus. Pour le Narrateur d'abord, puisqu'il se réfère beaucoup au ruisseau de son enfance, celui des jeux entre camarades, celui des vacances à la campagne, celui des aventures où chacun se croyait un explorateur et un aventurier. Ce ruisseau des rêves n'est plus, car il est a rejoint le grand fleuve et la ville, et est ainsi devenu un bien, utilisé et utilitariste.
Reclus rejoint ainsi la géographie humaine, sociale - et même socialiste dans son cas, dans des passages qui m'ont bien intéressée. Car il décrit l'exploitation des eaux pour leur force motrice, comme source d'énergie donc, et pour l'industrie, notamment textile. Ces eaux sont donc polluées, souillées par les miasmes des villes, responsables de la morts dans la misère et la maladie de milliers d'ouvriers. Et Reclus l'anarchiste fait des projets utopistes de partage de l'eau comme d'un bien commun, de moyens aussi pour ne pas polluer.
C'est donc nous aussi, lecteurs du XXI ème siècle, qui avons perdu le ruisseau et le monde qui sont décrits : urbanisation, réchauffement climatique et sécheresse, pollution, effondrement de la biodiversité, fonte des glaciers... Reclus peut alors être lu avec mélancolie qui fait d'autant plus apprécie la prose poétique. Comme il l'écrit, la nature est toujours une consolation.
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C'est une belle après midi de Juillet, ou tout autre mois ensoleillé et suffisamment tiède pour se sentir en été si vous préférez. Une légère brise courbe à peine les tiges des hautes herbes, les faisant ondoyer comme un parterre de supporters effectuant une Hola au Parc des Princes. Les oiseaux mêlent leurs chants dans un ensemble parfait. Comment font-ils pour s'accorder si bien lorsqu'on sait qu'un simple orchestre de six musiciens peine à garder le tempo? Là, juste devant nous, un large chêne déploie ses branches comme autant d'invitations à s'allonger sous son ombre. Dos au tronc, certains sommeillent, d'autres pensent, il y a en qui rêvent à des mondes meilleurs ou des amours simples et heureuses. Mais il y a toujours quelqu'un ou quelqu'une qui ouvre un bouquin. Un léger clapotis trouble la quiétude de lieux résolument bucoliques : un ruisseau serpente à quelques mètres et nous chante sa chanson.
Celle qu'Elisée Reclus lui a accordé en un hymne inégalé depuis 150 ans.
Le personnage principal de cette ode est un simple ruisseau des montagnes. En vingt chapitres, le célèbre anarchiste se lance dans une longue description, de sa source jusqu'à son estuaire, via le majestueux fleuve dans lequel il se noie. La prose de cet idéaliste typique du XIX° siècle coule comme les eaux vives d'un torrent sauvage. C'est aussi un alcool et il convient de ne point trop en abuser. Je conseille aux avides lecteurs de se limiter à un ou deux chapitres à la fois. le portrait de ces flots peut facilement devenir indigeste et c'est là la seule limite du livre.
La plume est légère comme l'air à condition de n'en pas abuser outre mesure. Ces divagations champêtres peuvent être lourdes à digérer. Trop de couleurs nuit à la couleur disait le peintre.
Bien connu pour ses positions anarchiques, Elisée Reclus étonne dans ce long poème dédié à la lenteur, la simplicité et la modicité d'un délicat et réservé cours d'eau. Small is beautiful.
Premier livre écologiste? Presque. Parce que, signe des temps, Elisée, dans ses envolées lyriques sur le progrès de la science et une certaine naïveté dans la bonté humaine, croit en un monde meilleur. Nous sommes dans cette fabuleuse décennie (1860/1870) où tout semblait permis : les machines allaient affranchir l'homme de son dur labeur, une meilleure hygiène viendrait à bout de toutes maladies, la fée électricité illuminer l'avenir d'un monde où nous serions tous frères, abolissant ainsi toute velléité de conflits aux nationalismes dépassés.
Il y a bien sûr quelques bémols dans cette utopie vue au travers d'une eau particulièrement claire. Reclus reconnait que la condition de l'homme modeste reste difficile s'il ne parvient pas à se mutualiser (peuples de la terre, unissez-vous!) et propose une vision noire mais bien réelle d'eaux salies, corrompues, polluées par la ville.
Hormis ces quelques pages plus sombres, Histoire d'un ruisseau est un formidable hymne à ce qui est la base de la vie et notre principal constituant : l'eau courante. Nos sociétés occidentales dites évoluées ont perdu cette vénération et ce respect que, du Japon aux Amérindiens, les peuples du monde vouent à cette source de vie.
Ce récit de la vie d'un ruisseau est rafraichissant comme un grand verre d'eau salvatrice - mieux : cette eau limpide qu'on aspire à la source ou la fontaine du petit village au creux de ses mains. Chers amis, prenez et buvez-en tous.
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Un livre et un auteur qui m'intéresse depuis un long moment car au coeur des notions d'anarchie et d'écologie.
J'aime ne pas me.remseigner sur un livre que je lis mais sur l'auteur.
A la lecture j'ai donc une petite déception au début du fait du style très descriptif et j'ai réalisé que ce livre retracerait bien l'histoire d'un ruisseau et ne consistait donc pas à un essai politique avec le ruisseau comme métaphore ou symbole.

Cependant on prend goût aux connaissances incroyables de ce géographe libertaire sur la nature et le vivant, mais aussi sur les liens entre roche topographie et cours d'eau. C'est la marque d'un être profondément curieux intellectuellement mais également avec une expérience "physique" de la nature riche. Je vous conseille d'aller parcourir sa biographie au moins sur Wikipedia
Il parsème également son ouvrage de pensées sociétale et écologiques intelligentes et intéressantes..notamment sur les chapitres liés aux villes, aux usines où j'ai lu davantage ce que je venais cherché.
Ouvrage qui a donc été plutôt difficile à lire mais qui me confirme un intérêt pour l'auteur et qui aiguise mon appétence pour ces différents sujets

Ce livre est un rendez vous avec
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Un petit livre plein de vie et de romantisme ou la nature est la source de notre liberté et de notre dignité. On suit avec précision les métamorphoses du ruisseau de sa source à sa fusion des le fleuve.
Pour amoureux de la nature !
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Le Bain
     
Bien plus agréable, je l’avoue, est le bain froid lorsqu’on le prend en plein été dans une vasque profonde du torrent où coulent les premières eaux du ruisseau, dans la gorge des montagnes. Le flot, qui paraît glacial, même au simple regard, est de la neige à peine fondue qui ne s’est point encore adoucie en absorbant de l’air en abondance ; elle garde toute sa crudité première, et sa couleur d’un bleu dur a je ne sais quoi d’hostile. D’avance on frémit ; toutefois, ce n’est pas seulement de frayeur, c’est aussi de désir, et tout animé par la marche et la fatigue de l’ascension, on se jette avec volupté dans l’eau glacée. Les roches, les sables du fond brillent en jaune pâle à travers l’épaisse couche liquide ; mais en quelques brassées, on se trouve déjà au-dessus de l’abîme ; l’eau transparente ressemble à de l’air condensé, et cependant on ne voit plus de fond ; on se croirait suspendu dans le vide et l’on nage avec précaution comme si tout à coup on devait s’engouffrer. Puis le froid vous saisit, vous étreint de plus en plus et d’un élan vous allez rejoindre la rive pour rappeler en vous la chaleur de la vie et jouir de votre vigueur accrue.
...
C’est en été, pendant les tièdes journées où l’air est immobile, qu’il est agréable de se faire triton. D’ailleurs, il n’est pas indispensable d’avoir douze ou quinze ans pour s’ébattre avec bonheur dans l’eau comme dans son élément ; chacun de nous, si les conventions et les faussetés de la vie ne l’ont pas entièrement corrompu, peut retrouver les joies de sa jeunesse en laissant ses habits sur la berge.
...
Quelle joie de m’asseoir sur une pierre au-dessous de la nappe de la cascade, de sentir les flots ruisseler sur moi comme sur un rocher et de me voir disparaître sous un manteau d’écume !
     
(Chapitre XIII, extraits)
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L’histoire d’un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse, est l’histoire de l’infini. Ces gouttelettes qui scintillent ont traversé le granit, le calcaire et l’argile ; elles ont été neige sur la froide montagne, molécule de vapeur dans la nuée, blanche écume sur la crête des flots ; le soleil, dans sa course journalière, les a fait resplendir des reflets les plus éclatants ; la pâle lumière de la lune les a vaguement irisées ; la foudre en a fait de l’hydrogène et de l’oxygène, puis d’un nouveau choc a fait ruisseler en eau ces éléments primitifs. Tous les agents de l’atmosphère et de l’espace, toutes les forces cosmiques ont travaillé de concert à modifier incessamment l’aspect et la position de la gouttelette imperceptible ; elle aussi est un monde comme les astres énormes qui roulent dans les cieux, et son orbite se développe de cycle en cycle par un mouvement sans repos. Toutefois notre regard n’est point assez vaste pour embrasser dans son ensemble le circuit de la goutte, et nous nous bornons à la suivre dans ses détours et ses chutes depuis son apparition dans la source jusqu’à son mélange avec l’eau du grand fleuve ou de l’océan.

Chapitre I, La Source
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Descendant, descendant toujours, le ruisseau, qui grossit incessamment, devient aussi plus tapageur : près de la source, il murmurait à peine ; même, en certains endroits, il fallait coller son oreille contre terre pour entendre le frémissement de l’eau contre ses rives et la plainte des brins d’herbe froissés ; mais voici que le petit courant parle d’une voix claire, puis il se fait bruyant, et quand il bondit en rapides, et s’élance en cascatelles, son fracas réveille déjà les échos des roches et de la forêt. Plus bas encore, ses cascades s’écroulent avec un bruit tonnant, et même dans les parties de son cours où son lit est presque horizontal le ruisseau mugit et gronde contre les saillies des berges et du fond. Il ne poussait d’abord que de petits grains de sable ; puis, devenu plus vigoureux, il mettait en mouvement les cailloux ; maintenant il roule dans son lit des blocs de pierre qui s’entrechoquent avec un sourd fracas, il mine à la base les parois de rocher qui le bordent, fait ébouler les terres et les pierrailles, et déracine parfois les arbre qui l’ombragent.

Ainsi, le filet liquide presque imperceptible s’est changé en ruisselet, puis en vrai ruisseau.

Chapitre III, Le Torrent de la montagne
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"Après les dix mois de chaîne, voici les heureux jours des vacances ; les enfants reprennent leur liberté ; ils revoient la campagne, les peupliers de la prairie, les grands bois, la source déjà parsemée des feuilles jaunies de l’automne ; ils boivent l’air pur des champs, ils se font un sang nouveau et les ennuis de l’école seront impuissants à faire disparaître de leur cerveau les souvenirs de la libre nature. Que le collégien sorti de la prison, sceptique et blasé, apprenne à suivre le bord des ruisseaux, qu’il contemple les remous, qu’il écarte les feuilles ou soulève les pierres pour voir jaillir l’eau des petites sources, et bientôt il sera redevenu simple de cœur, jovial et candide."
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Chose admirable et qui m’enchante toujours ! ce ruisselet est pauvre et intermittent ; mais son action géologique n’en est pas moins grande ; elle est d’autant plus puissante relativement que l’eau coule en plus faible quantité. C’est le mince filet liquide qui a creusé l’énorme fosse, qui s’est ouvert ces entailles profondes à travers l’argile et la roche dure, qui a sculpté les degrés de ces cascatelles, et, par l’éboulement des terres, a formé ces larges cirques dans les berges. C’est aussi lui qui entretient cette riche végétation de mousses, d’herbes, d’arbustes et de grands arbres. Est-il un Mississippi, un fleuve des Amazones qui proportionnellement à sa masse d’eau, accomplisse à la surface de la terre la millième partie de ce travail ? Si les rivières puissantes étaient les égales en force du ruisselet temporaire, elles raseraient des chaînes de montagnes, se creuseraient des abîmes de plusieurs milliers de mètres de profondeur, nourriraient des forêts dont les cimes iraient se balancer jusque dans les couches supérieures de l’air. C’est précisément dans ses plus petites retraites que la nature montre le mieux sa grandeur. Étendu sur un tapis de mousse, entre deux racines qui me servent d’appui, je contemple avec admiration ces hautes berges, ces défilés, ces cirques, ces gradins et la sombre voûte de feuillage qui me racontent avec tant d’éloquence l’œuvre grandiose de la goutte d’eau.
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