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EAN : 9782874498640
259 pages
Les Impressions nouvelles (01/04/2021)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Pourquoi le style change-t-il?? Pourquoi les écrivains changent-ils de style??
Ces questions ne se confondent pas avec leur possible variante : pourquoi Flaubert, Barrès, Blanchot, Duras et tant d'autres ont-ils changé de style?? Celle-ci appelle des réponses émiettées, qui se réduisent à des séries de cas particuliers : certains auteurs ne changent guère de plume, et leurs pratiques restent stables?; certains connaissent des périodes, et l'évolution de leurs... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Il suffit de s'intéresser à la littérature de plusieurs époques pour s'en convaincre, l'écriture, les manières d'écrire sont mouvantes, elles fluctuent, évoluent, changent au fil des époques, on n'écrit pas un roman au XIXe siècle comme à la fin du XXe, ces tendances, à plus petite échelle, sont changeantes également, il est tout à fait possible de discerner des différences entre des romans écrits à la fin du XXe siècle et aujourd'hui. Pourquoi ces changements ? C'est la question à laquelle tente de répondre Gilles Philippe au travers de ce Pourquoi le style change-t-il ? Ouvrage dense, je n'entrerai pas dans le détail afin de laisser aux lecteur·ices le soin de le découvrir par elles et eux-mêmes[1], j'en explorerai ici quelques idées directrices, tout en les discutant. Mais avant tout il me faut préciser une chose, c'est ma défiance envers le concept de style qui sous-tend l'idée d'un ornement, l'idée d'une séparation entre ce que l'on appelle « forme et fond ».
Contre (Saint) Proust

L'une des idées les plus stimulantes chez Gilles Philippe se trouve, à mon sens, dans la manière dont il décloisonne notre approche de l'écriture et des manières d'écrire. En effet nous avons tendance à les personnaliser, attribuant l'invention d'une manière d'écrire (un style) à une personne, un·e écrivain·e ; une « stylistique auteuriste » dont il faut justement sortir. Car comme pour l'étude de l'Histoire, où il est désormais bien établi que ce sont les peuples et non pas les (soi-disant) « grands hommes » qui la font, il est peut-être temps, concernant l'histoire de l'écriture, de changer notre perception.

En vue de déconstruire cette mythologie de l'écrivain·e[2] créateur ou créatrice d'une manière d'écrire par la seule force de son « génie », il nous est nécessaire d'en passer par Marcel Proust qui a largement contribué à populariser et démocratiser l'idée de l'écriture singulière, car comme l'écrit très justement Gilles Philippe ; « si la stylistique ne considère les protocoles réactionnels qu'en tant qu'ils sont “singuliers”, elle est alors libérée du souci historique. » [p.23] Les écrivain·es étant alors considéré·es comme des êtres à part, aux sensibilités « singulières » comme s'iels ne relevaient pas de notre monde, qu'iels n'étaient pas influencé·es par la société dans laquelle iels ont évolué ou évoluent.

La suite à lire sur le site litteralutte : https://www.litteralutte.com/pourquoi-lecriture-change-t-elle/
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Bien que nous proposions ici un essai de méthode et
de problématisation, non une histoire des pratiques rédactionnelles, la question se pose de savoir sur quel corpus
de telles hypothèses peuvent être établies. Cette question,
nous aurons soin de la garder en mémoire tout au long
de notre parcours, mais nous ne nous y confronterons
directement que dans la conclusion de ce livre. Disons
simplement d’emblée que le présent ouvrage emprunte la
plupart de ses exemples à la prose romanesque française
produite depuis 1850. Pourquoi d’abord romanesque?
Nous y viendrons en temps voulu. Mais il est certain que
les textes dits d’Ancien Régime appelleraient une base
d’analyse différente de celle que nous proposerons ici15, et
Albert Thibaudet put dire en 1934 qu’il n’y aurait guère
de sens à parler d’évolution stylistique avant Flaubert,
qui, le premier, voulut un «français créé». Or, «l’expérience a montré […] (avec les Goncourt par exemple) que
le français écrit, transcendé, risque de se démoder beaucoup plus vite que le français moyen»16. Thibaudet reprenait l’adage : «Durer, c’est changer»; dès lors, durer, c’est
d’abord s’user. En inventant la nouveauté, Flaubert aurait
inventé l’usure. C’est prêter beaucoup à un seul homme,
et l’on considérera peut-être, plus largement, qu’apparu
dans le deuxième tiers du 19s
siècle, le terrorisme de la
nouveauté rendit bien plus sensible à la possible usure des formes et poussa bien des écrivains, dont Flaubert peut être, à se réinventer de livre en livre.
Gageons cependant que ce n’est là qu’un des moteurs
du changement stylistique.


15. Voir sur ce point Claire Badiou-Monferran, «Réflexions sur
l’histoire du changement stylistique : hypothèse événementielle, hypothèse variationniste et approche émergentiste», Cahiers de narratologie, 35, 2019, en ligne.
16. Albert Thibaudet, «Conclusions sur Flaubert» (1934), Réflexions
sur la littérature, Paris, Gallimard, «Quarto », 2007, p. 1517-1518. Il
est fort probable que Thibaudet mesure l’évolution de Flaubert à la
stabilité rédactionnelle que semble offrir l’œuvre de Balzac.
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Ainsi l’explication par la substitution devra-t-elle être
prise avec les précautions qu’on a dites : si elle est éligible
pour rendre compte de l’émergence du présent romanesque, elle ne l’est guère pour celle de l’indirect libre. Il
apparaît surtout qu’autant qu’une forme isolée, ce sont
des faisceaux de formes qui évoluent. Ce constat sert de
point de départ à une double étude sur des changements
à terme bref cette fois, dix ans, à partir de deux cas choisis pour leur complémentarité. Dans le premier (celui
de Gustave Flaubert), on interroge quelques glissements
imperceptibles, largement isolés; dans le second (celui de
Maurice Blanchot), on interroge à l’inverse une rupture
brusque, qui concerne moins des faits isolés que des faisceaux de faits.Le but de ces deux études n’est ni de ramener platement le changement stylistique qui s’observe entre deux
œuvres à la simple réorientation de la pratique esthétique
d’un même écrivain ni, à l’inverse, de ramener bêtement
ce changement à des évolutions collectives dont la réorientation d’une pratique individuelle serait un simple
reflet. Il s’agit d’abord de faire valoir ce que le dernier
chapitre de ce livre appelle le «régime d’historicité stylistique» des textes, c’est-à-dire la façon dont ils se situent
dans le mouvement évolutif. On y propose, pour le dire
ici rapidement, de considérer qu’un texte littéraire est
toujours polychronique, et l’on y vérifie, notamment dans
la lecture d’extraits d’Émile Zola et de Georges Bataille, le
rendement d’une idée si bien formulée par Iouri Tynianov
et Roman Jakobson en 1928 :
Le synchronisme pur apparaît maintenant comme une
illusion : chaque système synchronique contient son passé et son avenir qui sont ses éléments structuraux inhérents (a/ l’archaïsme comme fait de style; l’arrière-fond
linguistique et littéraire que l’on sent comme un style
dépassé, désuet; b/ les tendances novatrices dans la
langue et en littérature, senties comme une innovation
du système).
L’opposition de la synchronie à la diachronie opposait
la notion de système à celle d’évolution; elle perd son
importance de principe, puisque nous reconnaissons
que chaque système apparaît obligatoirement comme
une évolution et que, d’autre part, l’évolution possède
inévitablement un caractère systématique14.

14. I. Tynianov & R. Jakobson, «Problèmes des études linguistiques
et littéraires», p. 141.
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Dans le sillage de ces remarques liminaires, le premier
chapitre du présent ouvrage cherche à évaluer l’apport
des grandes réponses parfois proposées à la question du
changement des pratiques rédactionnelles : le style des
écrivains change parce que les écrivains changent (c’est
la réponse auteuriste), parce que l’influence d’un écrivain
en bouleverse le cours (c’est la réponse généalogique),
parce que les temps changent (c’est la réponse externe) ou
parce qu’il est dans sa nature de changer (c’est la réponse
interne). Le deuxième chapitre fait valoir l’hypothèse que,
loin de l’idée commune selon laquelle les pratiques stylistiques seraient par définition anomiques, leur évolution
est gouvernée par une dynamique des normes, dont on
étudiera un exemple paradoxal, le terrorisme du «mal
écrit» auquel se plia la littérature restreinte dans la France
des années 1950.
Le troisième chapitre a encore une ambition d’abord
théorique : il tente d’articuler moments et mouvements,
c’est-à-dire deux évidences. La première, c’est que l’on
peut faire apparaître une cohérence entre pratiques rédactionnelles et sensibilités littéraires et langagières, quel que
soit le point où l’on opère une coupe dans l’histoire des
formes. La seconde, c’est qu’il faut articuler ces moments
avec le mouvement qui modifie en permanence ces cohérences, sans pour autant faire valoir des ruptures si fortes
que la diachronie serait simplement émiettée en une série
de synchronies successives et autonomes. C’est ce que
nous verrons en procédant à deux coupes distantes d’un
siècle : l’une en 1880, l’autre en 1980.
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héorique : il tente d’articuler moments et mouvements,
c’est-à-dire deux évidences. La première, c’est que l’on
peut faire apparaître une cohérence entre pratiques rédactionnelles et sensibilités littéraires et langagières, quel que
soit le point où l’on opère une coupe dans l’histoire des
formes. La seconde, c’est qu’il faut articuler ces moments
avec le mouvement qui modifie en permanence ces cohérences, sans pour autant faire valoir des ruptures si fortes
que la diachronie serait simplement émiettée en une série
de synchronies successives et autonomes. C’est ce que
nous verrons en procédant à deux coupes distantes d’un
siècle : l’une en 1880, l’autre en 1980.
Les trois chapitres suivants posent de façon plus
frontale la question de la temporalité et des modalités
des évolutions stylistiques. On s’y arrête d’abord sur les changements à terme long, décrits sur environ un siècle
et demi de prose romanesque française, à partir de deux
cas bien différents, l’un relevant principalement d’une
logique d’ajout dans le système, l’autre d’une logique de
remplacement : l’émergence du discours indirect libre
d’une part, l’émergence du présent romanesque d’autre
part13. Au-delà des propositions historiographiques que
l’on y avance (en prenant notamment en compte les facteurs accélérants et les facteurs retardants dans l’évolution
stylistique), on s’y interroge sur ce qui fait qu’une option
rédactionnelle auparavant peu sollicitée se voit soudain
si fortement mobilisée qu’elle en vient à connaître à son
tour une forme d’usure.
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Qu’importe après tout si les formes changent. La littérature du passé nous semble tout entière coprésente à ellemême, à nous-mêmes. Dans une conférence prononcée
vers 1970, Mario Praz reprenait ainsi une réflexion amorcée par T. S. Eliot en 1917, récusant l’idée d’une pure
«passéité du passé» littéraire : «la littérature européenne
dans sa totalité […] a une existence simultanée et constitue un ordre simultané1 ». Notre lecture est cumulative
et non linéaire : nous faisons dialoguer Madame Bovary
et Mrs Dalloway comme des textes contemporains, non
comme des romans parus en 1857 ou 1925. Plus récemment encore, Judith Schlanger nous rappelait que «la
mémoire culturelle a une organisation dyschronique»,
puisque ses contenus «sont présents tous à la fois», et
elle convoquait une notion chère à la pensée allemande
de l’entre-deux-guerres, celle de la «simultanéité des
non-contemporains»2
. Mais ni Eliot, ni Praz n’excluaient
que la mémoire littéraire fût malgré tout travaillée par
un souci chronologique, et Schlanger insistait sur le fait
que la coprésence du patrimoine culturel ne signifiait pas
que la mémoire suspendît totalement sa stratification
chronologique.

1. T. S. Eliot, «Tradition and the Individual Talent» (1917), repris
dans The Sacred Wood (1928), Londres, Methuen, 1986, p.49; Mario
Praz, «La funzione della critica nel campo della tradizione letteraria »,
Belfagor, LIX/6, 2004, p. 664.
2. Judith Schlanger, La Mémoire des œuvres (1992), Lagrasse, Verdier,
2008, p.137.
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