Il suffit de s'intéresser à la littérature de plusieurs époques pour s'en convaincre, l'écriture, les manières d'écrire sont mouvantes, elles fluctuent, évoluent, changent au fil des époques, on n'écrit pas un roman au XIXe siècle comme à la fin du XXe, ces tendances, à plus petite échelle, sont changeantes également, il est tout à fait possible de discerner des différences entre des romans écrits à la fin du XXe siècle et aujourd'hui. Pourquoi ces changements ? C'est la question à laquelle tente de répondre Gilles Philippe au travers de ce Pourquoi le style change-t-il ? Ouvrage dense, je n'entrerai pas dans le détail afin de laisser aux lecteur·ices le soin de le découvrir par elles et eux-mêmes[1], j'en explorerai ici quelques idées directrices, tout en les discutant. Mais avant tout il me faut préciser une chose, c'est ma défiance envers le concept de style qui sous-tend l'idée d'un ornement, l'idée d'une séparation entre ce que l'on appelle « forme et fond ».
Contre (Saint)
Proust
L'une des idées les plus stimulantes chez Gilles Philippe se trouve, à mon sens, dans la manière dont il décloisonne notre approche de l'écriture et des manières d'écrire. En effet nous avons tendance à les personnaliser, attribuant l'invention d'une manière d'écrire (un style) à une personne, un·e écrivain·e ; une « stylistique auteuriste » dont il faut justement sortir. Car comme pour l'étude de l'Histoire, où il est désormais bien établi que ce sont les peuples et non pas les (soi-disant) « grands hommes » qui la font, il est peut-être temps, concernant l'histoire de l'écriture, de changer notre perception.
En vue de déconstruire cette mythologie de l'écrivain·e[2] créateur ou créatrice d'une manière d'écrire par la seule force de son « génie », il nous est nécessaire d'en passer par
Marcel Proust qui a largement contribué à populariser et démocratiser l'idée de l'écriture singulière, car comme l'écrit très justement Gilles Philippe ; « si la stylistique ne considère les protocoles réactionnels qu'en tant qu'ils sont “singuliers”, elle est alors libérée du souci historique. » [p.23] Les écrivain·es étant alors considéré·es comme des êtres à part, aux sensibilités « singulières » comme s'iels ne relevaient pas de notre monde, qu'iels n'étaient pas influencé·es par la société dans laquelle iels ont évolué ou évoluent.
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