La ponctuation est le stylet - le style - dont use l'auteur pour façonner la phrase à son usage, pour mesurer son allure : elle est le biais par lequel il peut écrire le temps. Elle bat le rythme, elle jalonne la marche du lecteur qui s'avance dans le roman : elle est le biais par lequel il peut saisir le temps. Dessinant à nos yeux les formes que notre lecture déplie, la ponctuation délimite l'espace temporel que crée l'oeuvre d'art et en est ainsi un des critères nécessaires.
[…] C’est aussi l’un des enjeux majeurs de nos sociétés occidentales en ce début du XXI e siècle, où nous avons le sentiment que le « temps s’accélère »: nous peinons à en suivre le cours, sommés que nous sommes de répondre instantanément en tout heure et en tout lieu à des demandes urgentes qu’il faut honorer le jour même, sinon la veille. Contre ce sentiment
d’urgence taraudant, lire Proust, c’est
prendre un « comprimé de lenteur », dirait Gracq, ou plutôt c’est appréhender le temps dans tous ses déploiements, ses repliements, ses ralentissements et ses battements, ses strates et ses dépôts.