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sur 279 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« J'avais échoué depuis quelques jours sur les bords de la Marne pour prendre des photos. »

Qui sont ces fantômes ? Où sont-ils aujourd'hui ? Sylvia... Que de questions posées par Patrick Modiano dans ce roman. le narrateur a-t-il vécu cet éclat de vie, j'en viens à douter. « Je n'étais plus qu'un somnambule... » « Pourtant, je n'ai pas rêvé » je me suis laissée aller dans les rues de Nice, un petit pincement au coeur dès qu'on me parle d'un temps où la Promenade des Anglais n'avait pas cette résonance d'aujourd'hui. « Rues mortes. » Mais surtout Modiano m'a fait découvrir la région où je suis venue me poser, ces villes, qui ont été mon angoisse car je me perdais constamment en voiture, ont eu un nouvel écho grâce à ses mots, La Varennes Chennevières, les studios de Joinville, les villas du bord de Marne... je les vois autrement et avec affection maintenant. Je me baladerai à l'avenir avec les yeux et les souvenirs de ces Dimanches d'août, illuminés par les brillants de la Croix du Sud, un petit air canaille en plus. Ça sonne. Je décroche le téléphone. Encore lui.
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Cette fois encore, je ne vais pas y aller par quatre chemins pour donner mon avis : j'adore.
Dès l'entrée, Patrick Modiano nous entraîne à sa suite, comme l'habile conteur qu'il est. Il nous plonge en quelques lignes dans les trois courants qui parcourent son roman : le mystère, le mal-être et... son style.

Le mystère entre en jeu par le biais d'une rencontre. le narrateur aborde un camelot qui vend des vestes et des manteaux de cuir sur la Promenade des Anglais, à Nice. Dès les premiers regards entre eux, ont sent un malaise. Leurs paroles viendront le confirmer. On comprend qu'il se connaissent, qu'ils se sont connus dans une situation trouble. Mais aucun détail n'est donné. Seuls les mots nécessaires sont prononcés.
Or, les détails des évènements passés ne sont pas nécessaires : les deux protagonistes les connaissent aussi bien l'un que l'autre, évidemment. Par cette méthode du non-dit, Modiano atteint deux buts : rendre son récit des plus réels (et donc des plus crédibles) et nous pousser à entrer dans la peau du narrateur. En effet, dans la vraie vie, quand on revoit une vieille connaissance, on ne lui rappelle pas son nom, sa date de naissance, le calendrier précis des moments que l'on a pu vivre ensemble ni les noms de tous les autres personnages avec qui on a pu les partager. Par ailleurs, dans ce silence du narrateur (qui parle à la première personne), nous pouvons nous camper avec lui sur ses positions, observer avec son oeil méfiant l'homme qui lui fait face. le narrateur reste secret. Nous partageons ses secrets et les défendrons ensuite avec lui. Modiano nous a pris au piège par cette mise en situation si réelle et l'identification au personnage principal à laquelle il nous convie : nous pouvons continuer.
En continuant, le mystère semble se révéler. Des personnes et des lieux sont cités, des bribes du passé resurgissent. Alors, on est satisfait. On est content de s'identifier au narrateur : il semble que ce soit lui le gentil de l'histoire et il semble aussi qu'il va trouver la solution de son mystère. Mais ce n'est qu'illusion. Car d'autres mystères apparaîtront au fur et à mesure que le passé se révélera et le malaise initial ne fera que croître.

J'en arrive donc à parler du second courant dans lequel Modiano nous entraîne : le mal-être de son narrateur (notre mal-être, à nous, lecteurs pleins d'empathie pour ce pauvre homme). Ce mal-être est déjà palpable dans les premières lignes. La façon dont le narrateur s'approche du camelot montre un manque d'assurance, en plus du ressentiment à l'encontre de cet homme. Leur conversation confirmera cette impression.
Puis en découvrant un peu plus la vie quotidienne de notre narrateur, Modiano enfoncera le clou : l'homme est solitaire, habite depuis des mois un logement temporaire (une chambre) dans un ancien hôtel divisé en appartements, il occupe un emploi précaire, il semble ne pas avoir d'ami, ni d'occupation... Un sentiment de vide infini ressort de tous ces détails. le narrateur dit même, page 28, à propos du camelot : "J'aimerais lui transmettre ce sentiment de vide que j'éprouve moi-même." Et page 30, il a cette déclaration désabusée : "Il suffit souvent de quelques années pour venir à bout de bien des prétentions".
Mais il y a bien d'autres preuves de cette vacuité de l'existence de notre narrateur. Tout d'abord, les décors. Hôtels à l'abandon, cafés déserts, maisons décrépies, immeubles en cours de démolition : dans la ville de Nice décrite par Modiano seuls les symboles de solitude, de délaissement sont remarqués. Cela est révélateur de l'état d'esprit du narrateur. Deuxième point : ce mot de "narrateur", justement : je ne parviens pas à le désigner par un autre terme parce que Modiano ne m'y aide pas. Alors qu'il apporte une grande précision dans la description des lieux (noms des rues, des restaurants, des cafés, des cinémas, des magasins) il ne nomme pas son narrateur. Sauf une fois, après soixante ou soixante-dix pages. Il le laisse être tout ce temps un homme sans nom dans une ville à la toponymie ultraprécise.
Cela rejoint sa volonté de le promener uniquement dans des lieux décrépis au milieu d'une ville riche.
De plus, l'écrivain pousse même la sensation de transparence qu'il associe à son personnage en nous faisant croire, une seconde, qu'il s'appelle autrement : lors de la conversation du tout début, le camelot appelle le narrateur par un prénom, avant de se rendre compte qu'il a fait erreur. Il se justifie en indiquant qu'il a toujours confondu le narrateur avec quelqu'un d'autre. Quand on connait la suite et que l'on apprend quel lien existe entre le narrateur et le camelot (un lien qui aurait dû marquer l'esprit de ce dernier), on sent le vide devenir écrasant.
Bien sûr, on peut se dire que cette sensation de vide est une illusion dans laquelle le narrateur aime à se morfondre. On le sent peu entreprenant, on le voit naïf, presque idiot, manipulé par d'autres qui donnent à chaque fois à son existence des orientations que lui-même n'a pas voulu (et s'il les avait voulu, aurait-il été capable de les prendre, ces orientations ?). N'est-il pas un peu neurasthénique, cet homme-là ? de ce fait, ne s'invente-t-il pas des histoires de solitude et de désolation pour le plaisir de se faire pleurer ?
Mais quelqu'un qui vous appelle par un autre prénom, vous aide-t-il à vous sentir important ? Et la façon condescendante dont tout le monde s'exprime ? Et le policier qui écoute, page 140, en hochant la tête, puis raccompagne le narrateur à la porte en lui annonçant qu'il ne peut rien pour lui, comme si l'histoire qu'il racontait n'avait pas d'importance, n'était même peut-être qu'une invention ? Tout confirme à ce pauvre homme qu'il ne représente rien aux yeux des autres. Pourquoi représenterait-il quelque chose à ses propres yeux ?

Venons-en maintenant au troisième courant par lequel Modiano nous entraîne : son style. En tout cas, moi, ça m'entraîne et je nage dans le plaisir en le lisant. C'est d'une simplicité limpide, splendide et pourtant très riche. C'est précis, chirurgical : les personnages ont une consistance, une cohérence époustouflante ; les décors sont partie prenante de l'intrigue (ils aident ou empêchent la fuite, ils imposent les rencontres, les face-à-face) ; les situations et les sensations qu'elles procurent (tensions, malaises, agressivité, désoeuvrement, tendresse) sont peintes avec la finesse et la densité dont est capable un peintre hyperréaliste.

Mais en écrivant tout ça, je réalise que j'ai oublié quelque chose : l'amour. Oui, ce roman porte en lui une belle histoire d'amour. Un quatrième courant, plus profond. C'est un amour triste, un amour errant, clandestin, perdu. Un amour sur la défensive. Un amour reclus dans une solitude à deux. Sans doute le mystère et le sentiment de vide qui m'ont marqué tout au long de ma lecture ont occulté un peu cet amour. Il éclaire pourtant ce vide, de loin en loin. Et il est le fondement même de toute l'histoire. D'ailleurs, il est, comme elle, parcouru d'ombres.
A propos de la femme qu'il aime, le narrateur dit : "Je me suis rapproché d'elle et bientôt son parfum était plus fort que l'odeur de la chambre, un parfum lourd dont je ne pouvais plus me passer, quelque chose de doux et de ténébreux, comme les liens qui nous attachaient l'un à l'autre."
Lien : http://sebastienfritsch.cana..
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Dimanches d'août/Patrick Modiano
C'est un merveilleux et captivant roman que cet ouvrage de Patrick Modiano. Riche en rebondissements, dans une ambiance de mystère, de nostalgie, d'angoisse, ce roman sombre raconte une histoire étrange.
Jean, le narrateur, se souvient de ce qui l'a amené ici à Nice. Son sentiment de vacuité nous interpelle et on attend tout au long du récit l'explication de la clandestinité dans laquelle il vit.
Son mal-être nous semble incompréhensible dans un premier temps et ce personnage de Villecourt qui l'obsède nous déconcerte.
Où est passée Sylvia dont il parle constamment ?
On se demande pourquoi le narrateur a quitté aussi brutalement les bords de la Marne évoqués avec nostalgie avec la belle Sylvia.
D'où vient donc cet énorme diamant, la Croix du Sud qui pend à son cou ?
Ce thriller décapant est aussi une triste histoire d'amour, un amour clandestin et reclus puis perdu.
Dans un style sobre, simple et concis, Modiano nous emmène dans un dédale de mystère de plus en plus haletant au fil des pages.
Excellent roman. Ne le manquez pas. Si vous le commencez, vous ne pourrez plus vous arrêter avant la fin… et encore ! Vous aurez envie de recommencer car la fin appelle le début !
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Ma toute première lecture de Modiano et j'ai été totalement embarqué dans ce roman ! Entre esprit de liberté, secrets enfouis, personnages énigmatiques, le récit nous parachute dans une chambre d'hôtel à Nice où nos 2 protagonistes se cachent suite à un vol entouré de mystères.
On est happé par l'atmosphère, écrasé par la chaleur d'un mois d'août typique du sud, et par ce couple étrange qui ne se dévoile que si peu et qui rend encore plus intrigante leur histoire !
Je l'ai lu quasiment d'une traite tant il est prenant et je n'ai qu'une hâte désormais : découvrir les autres romans de cet auteur que j'avais découvert à La Grande Librairie et qui m'avait beaucoup plu par sa singularité
Lien : https://www.lafilleapanier.c..
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Une énigme, trois personnages, une histoire d'amour, un lieu proche de Paris, une errance, un mal être, des questions, pas de réponse, une écriture épurée mais intense. Modiano quoi.
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Le roman débute à Nice, par une fin d'après-midi venteuse et pluvieuse, alors que le narrateur rencontre un homme, Villecourt, perdu de vue depuis plusieurs années, devenu vendeur de rue, et qu'il méprise profondément. A partir de ces retrouvailles va nous être conté le récit de deux personnes, Sylvia et le narrateur lui-même, qui vont vouloir fuir et vivre un parfait amour, en vain.
Et une fois de plus (comme toujours ?), Modiano convie les fantômes du passé, mêle recherche, quête de la vérité et douleur de la perte. Il y a cette musique propre à l'auteur, qui fait voisiner l'ensemble avec le polar.
Tout ici est trouble et ne semble exister que pour mieux disparaître.
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il faudrait imaginer une expression comme par exemple "prendre un bain de Modiano".
Chaque ouvrage de cet auteur nous plonge dans une atmosphère unique, qui nous enveloppe, et nous protège. C'est comme se pelotonner dans une douce couette, une ombre délicate et vacillante, sous un regard inquiet, mais pas inquiétant.
Le temps de la lecture est une parenthèse en dehors du monde. Toujours la même, à travers tous les livres, mais comme on s'y sent bien, on y retourne.
Comme dans un bain.

Patrick Modiano est un peu magicien.
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Nice, sa promenade des Anglais, ses passants désoeuvrés errant le long d'avenues bordées de palmiers, ses cafés ouverts sur la mer, abritant toute une faune un peu paumée attendant Dieu sait quoi. le narrateur est de ceux-la. Il vit chichement dans un hôtel. Bien que seul, il ne peut se résoudre à quitter cette ville, car la figure de la femme aimée et perdue continue de le hanter ici. Huit ans auparavant il fuyait les bords de la Marne en compagnie de Sylvia. Les amants se retrouvaient à Nice, avant de sortir de France. Mais auparavant il leur fallait écouler un précieux diamant, la « Croix du sud », qu'il était trop risqué de conserver. Ils ne connaissaient personne, ils étaient tout l'un pour l'autre et seul leur amour donnait du sens à leur existence. Ils passaient leurs journées à se promener, à s'asseoir dans les cafés et à lire des policiers dans leur meublé qui sentait le renfermé (que de « é » !). Et puis un couple fatal croisa leur route : les Neal… Américains, riches apparemment, propriétaires d'une villa en ruines. Que cherchaient-ils donc en se liant au jeune couple ? Simplement l'amitié, le désir de les aider en rachetant le diamant, une forme d'oisiveté ? Les retrouvailles du narrateur avec Villecourt, un homme de leur passé à tous, va le pousser à revenir sur cette histoire simple mais tragique.
Modiano manie le clair-obscur avec génie, et particulièrement dans ce mince roman : la lumière intense de la Méditerranée se conjugue avec les ombres du mystère qui plane sur le destin de Sylvia et l'identité des Neal ; le narrateur lui-même est un ancien photographe d'art fasciné par les « plages fluviales » de la Marne ; les images employées par l'auteur/le narrateur font souvent référence à la lumière, jusqu'à la description du fameux diamant miroitant contre le pull noir de Sylvia. Quelle scène bouleversante celle où les deux amants se retrouvent dans leur minable chambre louée à Nice, qui sent mauvais donc, dans laquelle les stries de lumière des volets viennent zébrer le visage de la femme aimée. Au fait, je sors cette scène de ma mémoire, peut-être n'est-elle pas exactement racontée ainsi : je fais ma Modiano, moi aussi j'extrais des souvenirs déformés par le temps.
C'est un roman presque gothique, sombre et lumineux, angoissant, nostalgique… Un dosage parfait des divers ingrédients employés par l'auteur, roman après roman.

Alors certes, les personnages ont une consistance à peine moins légère qu'une plume, on les croit volontiers capables de s'évaporer un beau jour dans la nature, il n'empêche, voici une déchirante histoire d'amour qui se lit d'un trait, de la Côte d'Azur aux abords bourbeux de la Marne, du vide de l'absence à la fulgurance de la rencontre…
Lien : https://ellettres.wordpress...
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Modiano le grand Gardien de la Mémoire. Mémoire des lieux. Mémoire des gens. Ses personnages sont des machines à ressasser, à brasser les souvenirs avec obsession. On rembobine jusqu'au point de bascule, jusqu'à l'instant où tout s'est arrêté. Tout, c'est à dire leur vie!

Une plongée dans un passé mystérieux, dominant, omniprésent oserais-je même dire. Le passé est l'assassin. Celui qui a tué le présent. Et il court toujours, tout au long du livre. Le présent n'est que la somme des illusions perdues, il est devenu insupportable aux personnages, temps de la déchéance, du ressassement et du sentiment de vide.

Quant à l'avenir... Pas même un rôle de figurant. Inexistant, jamais envisagé. Parce que les personnages avancent à reculons, sans ne jamais se retourner.

Merci Modiano pour ce livre magnifique.
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Voyage intérieur sous les ombres crépusculaires des palmiers de Nice ...
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