Éclair d'été

Il avait un tel talent et un tel désir de se faire un nom, afin de pouvoir prouver à son père à quel point celui-ci s’était trompé ! Si seulement ils avaient pu rester à Londres et trouver un mécène !

Toutes les femmes avaient des nausées matinales ; sans doute les siennes étaient-elles un peu plus sévères à cause du voyage. La douleur qu’elle éprouvait au côté provenait probablement des coups de pied qu’elle avait reçus quelques mois auparavant, et quoiqu’il lui soit parfois difficile de dormir, elle se sentait un peu mieux. Le bébé bougeait bien. Cet inconfort disparaîtrait bientôt, tout comme les ecchymoses. Elle se faisait du souci pour rien.

Ralph était un bon mari. Elle ne savait pas comment elle pourrait survivre sans lui. Il lui avait appris à s’habiller, à se comporter en société, bref, à devenir une hôtesse presque parfaite. En outre, il l’avait initiée au fonctionnement de la banque et lui avait offert une maison et un style de vie pour lesquels d’autres femmes auraient tout sacrifié. Généreux sur le plan financier, il ne discutait jamais ses achats et l’encourageait à suivre son régime alimentaire, ne cessant de lui répéter à quel point elle était ravissante.

Dans des moments tels que celui-là, Louise détestait cette opulence, qui lui donnait le sentiment d’être bloquée dans un hôtel de luxe. En fait, elle n’avait jamais considéré cette demeure comme son foyer mais plutôt comme une maison témoin. Peut-être, s’ils avaient eu des enfants, tout aurait-il été différent, mais Ralph avait maintes fois fait valoir ses arguments, selon lesquels ils ne pourraient alors plus conserver le même mode de vie et seraient contraints de sacrifier les relations mondaines qui contribuaient à leur position sociale.

Non seulement il s’était montré distant toute la soirée, mais ils avaient fait le trajet de retour dans un silence total. Ce n’était pas bon signe ; quand il était de mauvaise humeur, il pouvait ne pas lui adresser la parole pendant plusieurs jours. Pourtant, comme d’habitude, elle n’avait aucune idée de la raison pour laquelle il se comportait ainsi.

Même lorsqu’elle était petite, Fiona n’avait jamais été attirée par les bibelots et les fanfreluches ; la vaste étagère qui couvrait un pan de mur ne comportait que des livres bien alignés, et les deux tables basses ne s’ornaient que de quelques photos de famille. Un petit nombre de ses propres clichés s’étalaient sur les murs, à côté du prix encadré qu’elle avait gagné l’année précédente pour une série de portraits d’enfants aborigènes.

Sa chambre à coucher, avec salle de bains attenante, s’ouvrait sur un petit patio qui, lui-même, donnait sur la piscine. Des rideaux de mousseline filtraient doucement la lumière du soleil qui pénétrait généreusement par les hautes et larges baies vitrées occupant presque un mur entier. Au bout du couloir se trouvait une autre chambre, elle aussi munie d’une salle de bains.

Il était si facile d’être attirée par un être comme lui, affectueux et amusant, sachant écouter et faire du quotidien une aventure chaque jour renouvelée. Pourtant, leur relation s’était révélée un désastre. Elle avait rapidement compris que les nombreux voyages de son compagnon, dus à sa profession de grand reporter, exigeraient beaucoup d’abnégation de sa part et reconnaissait que son propre métier réclamait un grand investissement personnel. Toutefois, ce qu’elle reprochait surtout à son ex-petit ami, c’était de ne jamais la prévenir quand il devait partir en mission. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle s’était attendue à le trouver chez lui et où, quelques jours après avoir constaté son absence, elle recevait un coup de fil de Mongolie ou de quelque autre endroit aussi reculé du globe.

Allons, un peu de patience ; il suffisait de la jouer fine. Le fait que le jeune homme n’ait pas de pièce sur lui ne signifiait rien, car les riches donnaient toujours à leurs enfants assez d’argent pour s’installer dans leur nouvelle vie.

Aujourd’hui, respirant les arômes enivrants des épices en provenance de pays exotiques, il observait ce qui se passait autour de lui, pressé de commencer une nouvelle vie. Il éprouvait le sentiment confus d’avoir su saisir sa dernière chance. Impatient d’embarquer, il se tournait maintenant vers l’avenir, se demandant à quoi ressemblait l’autre côté de la terre.

La vie promettait d’être beaucoup plus intéressante qu’auparavant. Il pourrait oublier les horreurs de Londres et, au cours des six mois qu’il leur faudrait pour atteindre l’Australie, aurait le temps de planifier leur avenir.