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EAN : 9782072931314
240 pages
Gallimard (03/06/2021)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Brigitte Lozerec’h raconte ici ses quarante années d’un long et tumultueux compagnonnage amoureux avec Jean-Jacques Pauvert, figure à part de l’édition française. Elle en sera la dernière épouse.

À vingt ans, elle entend parler pour la première fois de cet éditeur qui avait pris la défense d’Albertine Sarrazin, jugée sévèrement par la presse pour s’être prostituée à l’âge de seize ans après son évasion de prison.
«Si j’écris, moi aussi, les l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un livre palpitant et déchirant comme un hommage profond à l'éditeur hors du commun que fut Jean-Jacques Pauvert et parallèlement, une très grande histoire d'amour….unique et des plus atypiques. Pas de voyeurisme. Une ode à l'Amour, aux Livres et aux métiers d'éditeur et d'écrivain !...

Brigitte Lozerec'h raconte avec talent , respect, admiration et sincérité , quarante années d'un tumultueux compagnonnage amoureux et intellectuel avec Jean-Jacques Pauvert... Elle en sera la dernière épouse.

Sans rien savoir de cette publication, j'ai été, dans une premier élan, spontanément attirée à la fois par le jeu de mots du titre et ce dessin éloquent de la couverture, représentant une bibliothèque… et par n'importe laquelle , puisqu'il s'agit de celle de l'éditeur, Jean-Jacques Pauvert… dessinée par l'auteure …

Là aussi , pas une auteure parmi d'autres, mais la dernière compagne de l'éditeur ; Brigitte Lozerec'h, qui le connut à l'âge de 30 ans, lui apportant son premier texte, qui se trouvait être un texte des plus délicats, retraçant des secrets familiaux honteux, au sein d'une famille nombreuse, bretonne, catholique, !très rigide quant à la bienséance et aux apparences qu'il faut maintenir à n'importe quel prix, même au prix d'une enfance massacrée.

Brigitte Lozerec'h découvrit le nom de cet éditeur « sulfureux », quand ce dernier publia et défendit Albertine Sarazin…Elle avait vingt-ans… Plus tard, l'auteure proposa son premier texte à trois éditeurs dont J.J. Pauvert !...
Je venais de débuter ma carrière de libraire depuis un plus d'une année lorsque j'ai lu ce premier texte de Brigitte Lozerec'h (1982) avec malaise et révolte… « L'Intérimaire »… Il fut parmi les premiers textes à aborder la tragique réalité de l'Inceste…

Ce que j'apprends, en premier, dans ce récit autobiographique… c'est tout le travail d'accompagnement, de réécriture que fit Pauvert auprès de sa « jeune auteure » à laquelle il croit fortement…
S'ensuivent une histoire passionnelle de sept ans avec la complicité intellectuelle, les discussions sur les livres, les corrections, remaniements multiples à apporter au manuscrit, et enfin, la publication de « L'Intérimaire », un succès énorme de librairie, la promotion de ce livre qui faillit être adapté au cinéma par Maurice Pialat… la séparation ultérieure, avec la venue d'une autre femme.
L'auteure partira en Bretagne… »tenter de se guérir » de cette séparation, même si ils gardent le lien… ils se retrouveront progressivement. L'histoire de cette passion prendra d'autres visages plus apaisés, avec une belle complicité avec la nature, les livres, l'Ecriture… jusqu'à l'accompagnement dans la vieillesse et la maladie de son « Amour-Pygmalion »…

« J'étais à nouveau perdue, mais je voulais continuer à apprendre avec lui [Jean-Jacques Pauvert ] cette langue étrangère de la vie où l'on a le droit d'aimer sans se cacher, où l'on écrit des livres pleins de vérités qu'il fallait taire dans la vie courante (...)
L'avantage était qu'il m'entraînait loin, loin des codes de mon éducation, et je le suivais avec l'entêtement de qui s'avance derrière l'aventurier en terre inconnue. (p. 64)”

Au fil de ma lecture, je retrouve mes souvenirs de l'autobiographie de J.J. Pauvert, « La Traversée du livre »… ses débuts, grâce aux connaissances paternelles…, comme « saute-ruisseau » chez Gallimard , ses débuts d'éditeur, ses procès, les scandales successifs, la publication des écrits d'Albertine Sarrazin, qu'il défendit « becs et ongles »…, sa curiosité insatiable , ses recherches et son étude magistrale sur le marquis de Sade…qui lui prit une très large part de sa vie…

« Comme toujours, il me faisait osciller entre deux sentiments contraires. Son amour pour ses parents était au coeur de ses souvenirs de jeunesse qu'il racontait avec un plaisir plein de tendresse. D'aussi loin que remontait sa mémoire, ils l'avaient soutenu en tout. Renvoyé de l'école ? Qu'à cela ne tienne, il y en a d'autres... Plus d'école à quinze ans ? pas de problème, il y a de l'embauche chez les libraires, puisque la lecture est sa passion. Justement son père connaissait Gaston Gallimard, le créateur, outre la maison d'édition, de la librairie du boulevard Raspail. le vilain petit canard tant aimé de ses parents y était devenu livreur et homme de main. J'enviais un tel fils que le père ne jugeait pas, à qui il accordait sa totale confiance en toute chose, le laissant lire tout ce qui lui tombait sous la main depuis son apprentissage de la lecture. La magie des mots sur le papier, il l'avait sentie immédiatement, me redisait-il. (p. 129)

Des multitudes de moments magiques, de complicités, de silences, de travaux jardiniers et forestiers dans les collines méditerranéennes, ainsi que les indispensables échanges sur leurs lectures, dont le conseil accentué de Pauvert pour que sa compagne, curieuse de « Correspondances et de biographies », découvre et se lance dans la monumentale Correspondance de Flaubert, qui va en effet, l'emporter et l'enthousiasmer, alors qu'elle appréciait médiocrement « le romancier » !!!

Hormis les derniers moments des plus éprouvants de Jean-Jacques Pauvert que Brigitte Lozerec'h, décrit, sans doute pour conjurer la colère et l'indignation massives éprouvées à cette période ( que je n'aurais pas eu envie de connaître)… Brigitte Lozerec'h a évité tout voyeurisme et tout goût pour le « croustillant »….dans la narration de la vie personnelle et professionnelle de cet éditeur « sulfureux », hors –pair, et toutefois le plus censuré
***[ même si j'ai quelques pensées pour un autre « mauvais garçon » de l'édition, Eric Losfeld ] , l'auteure s'attache à rendre une image aussi fidèle et contrastée de l'homme et l'éditeur, à la fois. Ce dernier était, comme tous les grands personnages, complexe, ambivalent, avec des failles… avec au fond de lui, une tragédie, et une solitude immense vécues à partir de la mort prématurée de son fils adoré…

Des images surgissent à ma mémoire : dans les années 1990, je me trouvais , rue Bonaparte, dans le quartier de Saint-Sulpice, je revois la silhouette de Jean-Jacques Pauvert, un oeil malicieux, attentif, taiseux, avec une réserve certaine…, il venait en voisin, fouiner dans la librairie ancienne où je travaillais et rédigeais le catalogue [Librairie –édition Picard ], comme j'allais, à mon tour, pendant ma pause –déjeuner fouiner dans d'autres "antres livresques » dont sa librairie, aux hauts plafonds , belles étagères et mobilier en bois…Un lieu à l'image de son propriétaire, comme hors du temps….Ces images me reviennent en force, lorsque Brigitte Lozerec'h évoque ce quartier de Saint-Sulpice, où ils se retrouvaient pour « travailler » son manuscrit !

Hommage vibrant et subtil à un très grand bonhomme de l'édition… sans oublier les « anecdotes » , les rencontres captivantes nous offrant le miroir et l'ambiance du monde littéraire et éditorial de ces années …des années 60 aux années 90 (& plus)…Je retiens aussi les rencontres loin de la capitale , dans les Cévennes, chez Jean Carrière… lors de la préparation de publication de « La Caverne des pestiférés »; chez Dali pour la publication de son texte à partir de l'Angélus de Millet…les rencontres avec la chercheuse et auteure complice, Annie le Brun [auteure des « Châteaux de la subversion » ]…etc.

Sans omettre la très exceptionnelle histoire d'amour, d'admiration de Brigitte L. pour son mentor, ce qui ne lui enlève en rien son esprit critique, qui reste toutefois, en toutes circonstances, bienveillant et élégant, jusqu'au bout de leur « compagnonnage » :

« Malgré les heures d'ennui profond au creux des matins mous, je savourais quelque chose de nouveau dont j'avais été assoiffée toute ma vie : l'harmonie, les libres conversations avec l'homme que j'avais espéré rencontrer un jour de mes vingt ans et qui se livrait tout à fait au fil du temps, harmonie d'un partage que je n'aurais su définir. D'accord ou pas d'accord, même douloureux, les mots avec lui n'étaient pas contournés. Il n'avait jamais eu de complaisance, mais je n'avais pas su reconnaître naguère son invitation à cette liberté puisque je n'avais connu que l'enfermement moral qu'imposent l'Eglise et l'éducation des petits-bourgeois. Nos échanges touchaient maintenant à l'essentiel. (…) Ce n'était plus l'élan de la jeunesse avide d'étreintes, et je me demande si ce n'était pas maintenant que je connaissais l'amour. « (p. 175)

Un très, très beau livre, ainsi qu' un vrai et grand coup de coeur !!!


********En parenthèse, j'ajouterai ma curiosité envers les écrits de l'auteure, dont un qui m'intrigue « fichtrement », celui concernant un « perdant magnifique », explorateur du « Pôle sud» tenace, entreprenant, mais malchanceux , auquel elle s'est intéressée : Ernest Shackleton…[au début du 20e]
Brigitte Lozerec'h a été directeur scientifique de l'exposition « SURVIVANTS DES GLACES / Avec Shackleton vers le pôle Sud », inaugurée le 10 décembre 2006 à La Corderie Royale de Rochefort-sur-mer.



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C'est à la fin des années 70 que Brigitte Lozerec'h va rencontrer celui qui avait été décrit lors d'un diner de famille comme "le diable de l'édition française" : Jean-Jacques Pauvert. Celui là même qui, à quinze ans, quittait une école qui ne voulait plus de lui pour devenir commis à la librairie Gallimard - parrainé par Gaston lui-même! -, la librairie dans laquelle il va faire ses premières armes comme "vendeur" et où il rencontre Jean Genet encore inconnu mais curieux de tout et qui y vole des livres ! "Au diable Pauvert" c'est l'histoire d'une rencontre, celle de Brigitte et Jean-Jacques, l'histoire d'une écrivaine en devenir à qui Pauvert fait retravailler des années durant son manuscrit pour qu'il soit enfin publié au début des années 80 - avec un certain succès. Elle sera l'amie, puis l'amante de Pauvert : "l'éditeur avait ma vie entre ses mains et je m'y cramponnais avec terreur". C'est que Brigitte Lozerec'h lutte contre ses propres démons et un passé familial qui la hante. Les années passant, tout s'apaise et c'est le portrait d'un "vagabond qui n'avait voyagé que dans les livres" qu'elle nous dresse là en parallèle avec le sien, celui de l'écrivaine balancée par les courants, celui d'une femme émancipée aussi. Un livre extraordinairement tendre et touchant, surtout sur la fin ; rédigé dans une langue soignée et originale, pudique et intime, libre et attentionnée. Une publication bien (trop) discrète que les happy few apprécieront à sa juste mesure.
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Malgré les heures d’ennui profond au creux des matins mous, je savourais quelque chose de nouveau dont j’avais été assoiffée toute ma vie : l’harmonie, les libres conversations avec l’homme que j’avais espéré rencontrer un jour de mes vingt ans et qui se livrait tout à fait au fil du temps, harmonie d’un partage que je n’aurais su définir. D’accord ou pas d’accord, même douloureux, les mots avec lui n’étaient pas contournés. Il n’avait jamais eu de complaisance, mais je n’avais pas su reconnaître naguère son invitation à cette liberté puisque je n’avais connu que l’enfermement moral qu’imposent l’Eglise et l’éducation des petits-bourgeois. Nos échanges touchaient maintenant à l’essentiel. (…) Ce n’était plus l’élan de la jeunesse avide d’étreintes, et je me demande si ce n’était pas maintenant que je connaissais l’amour. (p. 175)
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Comme toujours, il me faisait osciller entre deux sentiments contraires. Son amour pour ses parents était au coeur de ses souvenirs de jeunesse qu'il racontait avec un plaisir plein de tendresse. D'aussi loin que remontait sa mémoire, ils l'avaient soutenu en tout. Renvoyé de l'école ? Qu'à cela ne tienne, il y en a d'autres... Plus d'école à quinze ans ? pas de problème, il y a de l'embauche chez les libraires, puisque la lecture est sa passion. Justement son père connaissait Gaston Gallimard, le créateur, outre la maison d'édition, de la librairie du boulevard Raspail. Le vilain petit canard tant aimé de ses parents y était devenu livreur et homme de main. J'enviais un tel fils que le père ne jugeait pas, à qui il accordait sa totale confiance en toute chose, le laissant lire tout ce qui lui tombait sous la main depuis son apprentissage de la lecture. La magie des mots sur le papier, il l'avait sentie immédiatement, me redisait-il. (p. 129)
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Il parle de sa relation singulière avec cet objet qu'est le livre: feuilles de papier imprimées qui véhiculent des phrases creuses d'un auteur qui n'avait rien à dire ou bien qui vous ouvrent à un univers singulier habité par des forces et des pensées puissantes qui bousculent le repos de l'esprit. D'autres nous apprennent à regarder ce que nous ne savons pas voir, mais qui est autour de nous. Cet objet a gouverné sa vie (...) (p. 170)
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L'hypocrisie de la censure autorisait l'impression de livres licencieux , mais en interdisait la publicité, l'affichage et l'exposition sur les présentoirs ou dans les vitrines. C'était assurer ainsi la mort des livres, dont Histoire d'O qu'il a publié au mitan des années cinquante. Quand ce livre connaîtra le succès, les éditions Hachette auront acheté sa maison d'édition et récolteront la petite fortune qu'il rapportera. Pourvu seulement que son nom reste attaché à l'aventure de la publication originale, supplié-je le Grand Manitou. (p. 158)
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L'envie de tuer ne m'est pas passée. Mieux vaut le faire dans un livre, c'est plus prudent. Encore que même les mots peuvent assassiner...autant ne pas naître. Cela éviterait les défaites de la vie, la médiocrité qui nourrissent la rancune. Pourtant , les cancres, les paumés, les vaincus, les déshérités devraient se rappeler qu'au moins une fois dans leur vie, ils ont été gagnants. (...)
Toujours la course. Chacun, riche ou misérable, a donc été en tête au moins une fois dans le mouvement infini de la création. (p. 13)
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