Portrait d'un monde cassé: L'Europe dans l'année des grandes élections

En revanche, il est pleinement justifié de se plaindre de la sclérose des grandes institutions internationales, dont le mode de fonctionnement reflète un monde dépassé. On pense au Conseil de sécurité de l'ONU, bien sûr : mais, comme on l'a dit, sa réforme profonde supposerait un accord...entre pays du Sud. Dès lors, l'urgence est sans doute celle de la réforme du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, où les Etats-Unis disposent de 30% des votes alors que les BRICS n'en ont que 15%. Relégitimer l'ordre libéral impliquerait, pour les Occidentaux, d'être en pointe dans ce processus. Accorder toute notre attention à ce sujet n'est pas seulement une question de justice : c'est aussi dans notre intérêt, car c'est en s'érigeant en concurrent de ces institutions financières que la Chine avance ses pions.

Le troisième temps de la valse, c'est quand nous nous rendons compte que nous faisons face à des objectifs antagonistes. Le secteur agricole est parfaitement emblématique de ces cahiers des charges avec des injonctions contradictoires. Nous disons aux agriculteurs de produire avec des moindres coûts pour protéger le pouvoir d'achat des ménages et, dans le même temps, de ne pas utiliser de pesticides. Nous leur disons de ne pas utiliser d'engrais et d'avoir des rendements tels que le prix de la baguette reste au plus bas.

Les trois grandes civilisations du Nord - la russe, l'européenne et l'américaine - s'inspirent dans leur développement politique de l'image de la Pax Romana. La parole du starets Filofej façonne encore inconsciemment la Russie d'aujourd'hui. L'Union européenne s'est donnée pour aïeul Charlemagne, "l'empereur des Romains". La colline la plus célèbre de Washington doit son nom au légendaire Capitole.
Le code source de ces trois métacultures est inscrit dans l'Iliade et dans l'Evangile. Leur parenté est évidente.

Josep Borrell
Quelle est notre capacité à influencer les acteurs de ce drame? Nous sommes le premier fournisseur d'aide aux Palestiniens et en particulier le premier financeur de l'Autorité palestinienne. La Commission européenne vient d'étudier cette aide à la loupe pour vérifier si cet argent pouvait aller au Hamas d'une façon ou d'une autre. Ce n'est pas le cas et j'espère que l'aide européenne aux Palestiniens va être poursuivie à la hauteur des besoins, car sans l'Autorité palestinienne, la situation serait encore bien plus difficile sur le terrain. Il est essentiel en particulier que cette Autorité palestinienne soit en mesure de jouer un rôle central dans la gestion de Gaza à l'issue de la crise actuelle. Nous sommes également le premier partenaire commercial d'Israël, et nous avons avec ce pays un accord d'association qui est le plus étroit que nous ayons dans le monde entier. Donc oui, nous aurions les moyens d'influencer les acteurs du conflit si nous le voulions, mais jusqu'ici nous n'avons pas voulu les utiliser, en particulier en ce qui concerne Israël. Pour ma part, je considère que l'Europe doit s'engager bien davantage dans la résolution du conflit israélo-palestinien et que nous avons trop délégué jusqu'ici aux Etats-Unis la recherche d'une solution à un conflit qui nous touche très directement.

L'identité du roman, comme celle de l'Europe, consiste en sa diversité, en sa capacité à prendre d'autres identités sans jamais cesser d'être soi-même. C'est là, pour le roman comme pour l'Europe, sa force et son avenir.