Si je ne l'avais pas reçu dans le cadre d'une opération Masse Critique privilégiée, je ne serais sans doute pas allé vers cette lecture. J'ai besoin qu'une couverture m'attire, ici ce n'est pas le cas : le trait est raide et académique, les couleurs très artificielles, le soleil en forme de coeur me fait craindre la romance cucul-la-praline.
Je vous le dis tout de suite, le contenu n'a pas balayé mes craintes.
Le dessin est effectivement dans le style de la couverture, raide, académique et artificiel, il manque de dynamisme, de personnalité à mon goût. Mais il fait le taf, sans faire de vagues.
Le sujet est intéressant, cela concerne la vie amoureuse, sentimentale et sexuelle d'une autiste Asperger. Émilie, 19 ans, vit à Ustaritz chez sa grand-mère, la santé de cette dernière décline, et elle aimerait bien que sa petite-fille ait un compagnon, parce qu'elle a bien conscience qu'elle n'est pas éternelle.
L'histoire évoque les difficultés pour une autiste de se prêter à ce jeu : peur des contacts, misophonie, manque d'empathie, inaptitude au second degré, aux non-dits, aux mensonges, au jeu des apparences. L'histoire fait le tour des problèmes, et c'est plutôt complet. Elle aborde aussi d'autre sujets, l'homosexualité, le consentement, des thèmes dont l'intérêt est indéniable et qu'on aborde aujourd'hui très souvent dans les publications destinées aux jeunes, tant mieux, il faut faire tomber les tabous.
Mais je trouve que la façon de les présenter ici est assez brève et superficielle.
Concernant l'intrigue, elle souffre de multiples défauts, le personnage de la grand-mère est très ambigu, elle semble désirer jeter sa fille dans les bras de n'importe quel homme, c'est très peu crédible et un peu dérangeant. Ensuite, on ne saisit pas l'intérêt des deux amis pour Émilie, il fallait qu'elle se trouve des amis pour le déroulé du scénario, c'est encore expédié, première rencontre et c'est OK, alors qu'ils n'ont rien en commun.
J'ai eu en tête, pour comparaison “
La différence invisible”, roman graphique de
Julie Dachez illustré par
Mademoiselle Caroline, sur le même sujet, j'ai trouvé ce second bien plus réaliste, on est plus dans le reportage, mais dans “L'amour en équation”, c'est justement le côté fiction que j'ai trouvé bancal, un peu faible pour un public général, bien plus ciblé jeunes ados. Il y a un côté très didactique, très intéressant, sur la façon d'aborder quelqu'un qui nous plait, quand passer à l'acte sexuel, ce qui rend cette bande dessinée tout de suite très ciblée, et je ne suis pas ce public. le final nous ouvre sur une suite promise, mais l'histoire du secret de famille qui vient se greffer à ce moment me semble encore plus artificiel, et me donne l'impression d'un roman graphique calibré, avec des cases à cocher dans le scénario : l'homosexualité, c'est fait, les sites de rencontre, c'est fait, l'ambiance lourde au travail, c'est fait, le secret de famille, c'est fait… et sur moi, ça ne marche plus.
Je ne dirais pas que c'est un mauvais livre, mais si vous n'êtes plus un ado qui découvre la vie, et si vous voulez aborder ce thème avec plus de naturel, d'universalité, de sensibilité, “
La différence invisible” a bien plus de poids et d'impact et est bien plus appréciable par tous publics.