"Les manants du roi" est ce que
Jean de la Varende appelle une "suite romanesque.
C'est un recueil de nouvelles.
Il est sûrement celui qui, dans son oeuvre, rapproche le plus l'homme de l'auteur.
Jean de la Varende se veut un gentilhomme, un terrien, un manant du roi.
Il lui revient de prendre soin de la terre, de son château comme d'une personne vivante.
"Les manants du roi", sous-titré "leur drame", est la chronique d'une noble famille des temps anciens, celle des Galart.
Elle est composée de onze textes qui sont pour la plupart très réussis, finement écrits et faits d'une littérature très élégante.
Je ne parlerai pas de trois d'entre eux que, manquant de contexte, je n'ai pas bien compris et qui me sont apparus comme un galimatias politique et religieux.
Il s'agit de "l'enterrement civil", "la procession" et "le hobereau".
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"Comment ils surent..."
Le 22 janvier 1793, Nicolas de Galart se prépare à une longue promenade sur ses terres.
L'hiver semble devoir être chassé par un soleil timide.
Le temps était bleu et calme pourtant soudain la sonnerie aux morts, relayée par les clochers, passe lugubrement d'un village à l'autre....
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"La Favillana" - décembre 1799 -
Un homme, pas encore un vieillard, est venu sonner à la "soirante", un vielleux en "redincote".
Il a sonné à la grande porte. Il a demandé après Mr le comte.
Il a quémandé un morceau de pain.
Se croyant seul, Il a joué pour les portraits du salon.
Les "par-chemins" d'aujourd'hui ne sont plus les gueux d'antan.
Celui-là aurait peut-être été plus à l'aise dans la salle qu'aux cuisines ?
Peu importe.
Le croquant sera fêté où le gentilhomme traqué reprendrait courage....
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"La course au roi" - août 1830
François Galart et son ami, le marqui René Ghauville, se lancent dans une saine et joyeuse cavalcade pour venir en aide au roi, qui ayant voulu détruire la sale charte, a mis tout Paris en l'air.
Une année de fermage, 1200 louis sur le torse, deux pistolets en poche, deux aux fontes, le couteau de chasse à la selle, le rire au coin de la bouche, les adieux sont faits aux uns, les recommandations aux autres et en route !....
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"Fidélité" - 1850 -
Mr et Mme de la Haye, parents éloignés des Galart, ayant confié leur fils à une vieille parente sans héritier, décidèrent, après six mois, d'embarquer à Granville, vers les îles anglaises, pour l'aller voir.
La malchance aidant, les parents essuyèrent une terrible et soudaine tempête de juin, qui durant 36 heures, les maintint en mer.
De peur d'affronter le retour, ils décidèrent de rester à Jersey.
Ils y moururent ,quarante ans plus tard, sans en avoir bougé sauf pour l'atroce voyage qui est raconté ici....
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"Les frères ennemis" - 1883 -
Jean et Pierre de Ghauville sont deux frères.
L'un, l'aîné, avait Ghauville, un beau château
Louis XIV, transformé à l'intérieur sous
Louis XVI, avec plus de six cent hectares autour.
Le cadet, Pierre, se contentait de la Commanderie, un aimable pavillon Louis XV.
Enfin, vinrent les mariages.
Si les partages n'avaient été réglés, eussent-ils parus aussi faciles ?....
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"Les derniers chouans" - 18 février 1906 -
Le jeune Jacques Galart s'occupe d'Histoire et d'Archéologie.
Introduit par l'abbé Heulant, sur un hululement de chouette qui troubla l'air en plein jour, il fait connaissance de Beliphaire Gohier qui lui présente son petit domaine, sa collection d'armes anciennes et lui raconte les histoires anciennes du pays....
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"La fugue" - 1926 -
Jacques de Galart semble pris d'une folie empreinte d'hystérie toute politique et religieuse.
Il se lance dans une course effrénée à travers la presqu'île du Cotentin.
De la vallée de la Touques vers Lisieux, là on tourne vers Caen
De la vallée de la Dives à St Etienne, où Guillaume est inhumé, jusqu'à Carentan où commence la presqu'île
On marche nord sur Valognes.
S'orientant sur l'est franc pour traverser le Val de Saire, il reste dix-huit kilomètres à franchir.
Devant lui, se dressent les fortifications de Tatihou et à droite, la forteresse de la Hougue.
La marée basse n'a lieu qu'à cinq heures cinquante, la plus forte marée "découvrante" de l'année....
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"La mort du chêne" - 1959 -
Mr de Ghauville était maintenant très vieux.
La pauvreté et la solitude avaient posé sur lui leurs mains inexorables.
Pourtant une dernière peine l'attendait au petit matin d'une de ces tempêtes terribles dont la force est doublée par le seuil d'Ecouves, le saut dans l'Orne, pour remonter l'immense déclivité rase du plateau.
Le chêne de Ghauville, le plus vieux du pays, est foudroyé, déraciné....