(Billet écrit en avril 2011)
Une jeune femme seule sans emploi qui n'entretient plus aucune relation suivie avec ses semblables et traîne jours et nuits sa lassitude dans la ville, s'en remettant au hasard des rencontres ponctuelles pour brièvement soulager sa solitude mais ne cherchant pas réellement à la combler. Elle remplit ses pensées d'improbables scénarios construits autour des individus qu'elle croise ; la mort et notamment le suicide y sont assez souvent présents.
L'auteur explore l'univers mental d'une personne qui hautement consciente de la vacuité de l'existence, aurait basculé dans ce qui chez la plupart des gens peut être un fantasme fugace : renoncer à s'insérer dans un quelconque moule social et se couper du reste du monde. Et je pense que c'est là aussi le propos de Jauffret, une de ses obsessions récurrentes : Sa protagoniste n'est pas si loin de nous, elle s'est juste laissée aller à sa névrose et a basculé de l'autre côté d'une lisière que nous frôlons parfois, celle de la folie ordinaire.
J'ai aimé. Comme les autres romans de Jauffret que j'ai pu lire c'est déroutant, absurde, profondément pessimiste et pas toujours agréable à lire, mais à lire quand même.
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Elle erre, elle cherche sa place dans ce monde qui ne semble pas vouloir d'elle, elle vit, elle veut mourir, parfois elle est heureuse, le plus souvent elle est triste... Qui est-elle? On ne le sait pas, une femme comme tant d'autres, perdue au milieu de la foule, qui voudrait aimer et être aimée, avoir un boulot, un quotidien rassurant, être tout simplement quelqu'un.
Jauffret nous conte avec finesse, crudité et mélancolie la quête existentielle de cette femme anonyme, miroir de personne et de tout le monde à la fois. Un beau livre, un peu froid, sur l'insatisfaction et le désir de s'accomplir.
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Lent, long, dans un style à peu près illisible (tout le roman est au conditionnel), sans surprise... au moins jusqu'à la page 30, à partir de laquelle j'ai refermé le livre.
Cette femme s'ennuie.. nous aussi.
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Sa mère lui en voudrait d’avoir attenté à ses jours, elle refuserait d’aller la voir à la morgue. Elle déchirerait ses photos et mettrait en pièce une vieille poupée que sa fille avait trainé toute son enfance et qu’elle gardait jusqu’alors comme une relique. Le jour de son incinération elle organiserait une petite fête dans son appartement exigu. Ses invités seraient choqués par sa haine. Elle regretterait même de ne pas l’avoir battue quand elle était gamine, et bouclée adolescente dans un placard à balais. Elle lui reprocherait cette façon inadmissible de fausser compagnie, de laisser les autres se débattre. Elle aurait voulu pouvoir se venger, lui infliger un demi-siècle de vie obligatoire et sûre. Elle lui souhaiterait même la vie éternelle qui l’aurait soustraite pour toujours au repos, au mol oreiller du cercueil, à la fraîcheur de la tombe. Elle vivrait encore seize années, et jusqu’au bout elle ne pourrait se résoudre à lui pardonner. Les derniers temps elle se convertirait même à une religion qui lui promettrait l’au-delà, afin de pouvoir la traquer tout au long de l’éternité et lui faire expier son suicide à jamais. Elle mourrait en été, sa gardienne assisterait à son enterrement. Malgré les promesses qu’on lui aurait faites, sa mort ne déboucherait sur rien, et les retrouvailles avec sa fille n’auraient par conséquent jamais lieu.
Elle sentait qu'elle perdait peu à peu sa place dans la société, même à l'intérieur de son esprit elle vivait à l'écart comme une vagabonde à qui aucune porte ne s'ouvre plus depuis longtemps. Pour s'orienter, elle en était réduite à se fier à des indices, à faire des déductions. Mais parfois la réalité se dérobait, et son isolement était absolu.
Augustin Trapenard accueille Tatiana de Rosnay pour "Poussière blonde", roman qui raconte la rencontre entre une femme de chambre et Marilyn Monroe, paru chez Albin Michel. A ses côtés, Sonia Kronlund présente "L'Homme aux mille visages", l'histoire d'une extraordinaire imposture éditée chez Grasset, François Garde évoque "Mon oncle d'Australie", paru chez Grasset. Régis Jauffret publie, lui, "Dans le ventre de Klara", aux éditions Récamier, et Julia Malye, âgée d'à peine 18 ans, présente son premier roman, "La Louisiane", paru chez Stock.