J'ai découvert bien récemment cet auteur discret,
Kazuo Ishiguro, comme de nombreux lecteurs je pense...Le comité d'attribution du
Prix Nobel 2017 l'a mis en pleine lumière, de même que son roman "
Les Vestiges du jour", son titre phare, mentionné par tous les médias. J'ai immédiatement souhaité le lire mais le titre n'était pas référencé, parmi les ouvrages de la médiathèque qui me donne mes instants de bonheur, ni disponible dans les librairies locales. C'est grâce à Recyclivre, association récupérant des livres dont les lecteurs veulent se séparer, que j'ai pu me le procurer.....il valait à l'origine 120F TTC...! une antiquité datant de 1990. Merci à ce lecteur anonyme qui a donné une deuxième vie à cet ouvrage qui va dorénavant continuer son voyage dans des boites à livres ou chez des amis
Si j'avais lu la quatrième de couverture, je l'aurais sans doute reposé : le thème ne m'attirant que peu...la vie, les réflexions d'un majordome anglais, son voyage au coeur de l'Angleterre des années 50.. Comment remplir plus de 250 pages en restant entre les quatre murs d'un domaine sans lasser certains lecteurs ?
Et dès les premières pages je me suis rendu compte que je serais passé à coté de grands instants de plaisir littéraire, de cette finesse d'écriture, de ce charme.
Mr Stevens est majordome du domaine de Darlington Hall, un domaine qui vient d'être récemment acquis par un riche américain, qui en achetant les murs, a aussi acheté les meubles et conservé une partie du personnel...Mr Stevens a servi pendant plus de 30 ans le diplomate Monsieur Darlington. Il parle de lui en le nommant "Sa Seigneurie".
Devant s'absenter quelques jours, Monsieur Lewis Farraday, son nouveau maître, lui permet d'utiliser à son gré sa Ford, notamment pour aller rendre visite à Miss Kenton, l'ancienne gouvernante de Darlington Hall. Elle a en effet transmis à Mr Stevens une lettre ambiguë, laissant supposer qu'elle aimerait reprendre du service à Darlington Hall, qu'elle avait quitté pour se marier.
Pendant six jours de voyage sur les routes désertes de l'Angleterre, nous sommes en 1956, Mr Stevens va nous parler de son métier, et surtout de sa conception de la fonction de majordome. Exemples à l'appui il va expliquer ce qu'est un grand majordome, ce que sont la dignité et la grandeur indispensables pour occuper cette fonction, ce sacerdoce imposant une disponibilité et une discrétion de tous les instants. Toute une éducation et des principes rigides qui nous paraissent bien désuets aujourd'hui. Un mode de vie et une raideur qui ne lui permettent pas de comprendre la moindre plaisanterie. Il découvre le badinage avec Monsieur Farraday. Old England VS America
Sa fonction lui imposa d'organiser et de servir des conférences discrètes réunissant en 1923 à la fois des représentants des pays vainqueurs lors de la première guerre mondiale et un représentant allemand, afin d'examiner ensemble et en toute discrétion les possibilités d'assouplissement des conditions imposées à l'Allemagne par le traité de Versailles, conditions qui génèrent chômage, difficultés économiques et tensions politiques : la fonction de majordome comme prétexte d'un roman avec
L Histoire en toile de fond. Sans nous en dire plus, discrétion oblige nous apprenons qu'il a servi aussi à d'autres époques aussi bien
Churchill, Georges
Bernard Shaw, Lord Halifax, Herr Ribbentrop rendant visite à Sa Seigneurie
Tout son passé va défiler au cours de ces six jours, les rencontres importantes ou non ne pouvaient correctement dérouler uniquement si fourchettes et cuillères ne présentaient aucune trace d'oxydation, si les chambres avaient bien préparées, si tout était impeccable, si le personnel avait été correctement informé... Il devait veiller à tout, tout anticiper. Alors même que son père rendait l'âme dans les étages, il préféra, fonction oblige, répondre aux demandes d'un invité qui souffrait des pieds. Sourires du lecteur quand Mr Stevens nous raconte comment il tenta d'expliquer la sexualité au fils d'un important invité. Flegme anglais et devoir professionnel...
Il travailla longtemps avec Miss Kenton qui était gouvernante. Les éventuelles tensions dues aux observations qu'il lui adressait, s'apaisaient autour d'une tasse de chocolat à l'heure du tea-time. Ils appréciaient ces moments de calme, dont il se souvient avec nostalgie et qui lui manquèrent quand elle quitta le domaine. Et quand il écoutait, oreille collée à la porte, Miss Kenton pleurer après une remarque, il en était perturbé...
Merveilleuse écriture toute en finesse et en subtilité pour nous parler des ces occasions manquées, ces occasions qui auraient pu donner un autre sens à sa vie, moins de solitude..
Il a donné toute sa vie, une vie de solitude, de principes et de rigueur à Sa Seigneurie. Mais sa vie fut-elle réussie? Sans doute pas, lorsqu'on reprend ses propos :"Les années qui me restent à vivre s'étendent devant moi comme un long désert".
Cette nostalgie que chacun de nous peut éprouver au soir de sa vie...
La tasse de thé prise en commun par Miss Kenton et Mr Stevens et clôturant le roman nous en dira plus...
Superbes moments de lecture, mais je suis certain qu'une deuxième lecture me délivrerait d'autres messages.
Et je n'ai pas mentionné d'autres points qui m'ont plu ou heurté.
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