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sur 1541 notes
1956. En Angleterre Lord Darlington vient de vendre le domaine de Darlington Hall à un millionnaire américain.

Attaché plus que tout à la tradition, le dévoué Mr Stevens s'enorgueillit d'être un majordome pointilleux qui a passé toute sa vie dans le domaine. Sa fierté professionnelle tient lieu de colonne vertébrale à sa vie et il reste fidèle à son ancien maître au passé trouble durant la seconde guerre mondiale. Il accepte avec difficulté les changements qui s'imposent à lui… Qu'il était bon le temps où il dirigeait dix-sept domestiques avec l'aide de Miss Kenton, l'ancienne gouvernante.

Souhaitant proposer à Miss Kenton de reprendre du service à ses côtés, il traverse la compagne anglaise en automobile et part à sa rencontre.
Chemin faisant, il se souvient de toutes les étapes de sa vie. Mr Stevens a rendez-vous avec la femme qu'il n'a pas su aimer…

Leur rencontre dans un salon de thé sera bouleversante.

Dans un style fluide et empreint de mélancolie Kazuo Ishiguro lève un voile pudique sur la vie de ce domestique. Par petites touches, il décrit subtilement le quotidien du domestique, ses maladresses touchantes. Ainsi lorsqu'il n'est pas auprès de son père vieillissant, bientôt mourant, envers lequel il ne s'autorise aucune empathie de peur de faillir à son devoir… Miss Kenton et lui sont amoureux, tout le dit et pourtant rien ne se passe.

« Les vestiges du jour » est le livre magistral des rendez-vous manqués, un livre qui interroge chacun d'entre nous.
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C'est un voyage dans la vieille Angleterre que nous propose ici Kazuo Ishiguro. Un voyage dans le West Country, mais aussi, en quelque sorte, un voyage dans les souvenirs et le passé d'un homme.
Mr. Stevens, le narrateur, commence son récit en juillet 1956, alors qu'il est majordome à Darlington Hall, au service d'un riche américain, Mr. Farraday, qui s'est offert le domaine, ainsi que le majordome, après la mort de l'ancien propriétaire, Lord Darlington.
Mr. Stevens, sur les conseils de Mr. Farraday, prend la route vers Weymouth. Il espère convaincre Miss Kenton, ancienne gouvernante à Darlington Hall, de reprendre du service, comme par le passé.
Au fil des kilomètres, au fil des paysages, Mr. Stevens se remémore des épisodes de sa vie, sa loyauté sans réserve envers Lord Darlington, ses échanges avec Miss Kenton.
C'est aussi une sorte de bilan de vie, le questionnement d'un homme qui a consacré toute sa vie à en servir un autre, les yeux fermés... un homme qui roule dans cette belle campagne anglaise vers une femme qu'il continue à appeler Miss Kenton, alors qu'il sait pertinemment qu'elle se nomme à présent Mrs Benn...
J'ai été touchée par ce Mr Stevens, qui partage avec nous ses souvenirs, mais qu'on doit deviner à demi-mot, parce que tout ne peut pas s'exprimer... cet homme qui réalise que les choix qu'il a fait ont entraînés de lourds sacrifices et qui se demande si ça en valait réellement bien la peine.
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Dernièrement, j'ai remonté le temps. Je me suis rendue dans les années 35-36, dans le domaine de Lord Darlington.


Je me suis immiscée dans cette prestigieuse maison. J'ai accompagné Stevens lors de son déplacement que le nouveau propriétaire, Monsieur Farraday, lui a imposé. Il lui apparaissait inconcevable que Stevens n'ait jamais quitté le domaine depuis le temps qu'il y exerçait son art et surtout, qu'il n'ait quasiment pris aucun congé.

Je me suis faite aussi petite que possible et suivi Stevens dans ses activités, ou plutôt, chose incroyable, dans son esprit.

Il faut dire que Stevens est majordome. Attention, pas n'importe quel Majordome. Un majordome qui s'efforçait d'acquérir les qualités nécessaires pour mériter de faire partie des membres de la Hayes Society, association qui ne comptait que des majordomes « de tout premier ordre ». Et sur lequel il se posait bien des questions. Que voulait dire « de tout premier ordre » ? Et dignité ? Quel sens donnons-nous à ce mot ?

Je pensais qu'il allait me dévoiler les secrets de cette maison, les histoires de domestiques, les travers de la famille Darlington.

Que nenni !!!! Ce fut tout à fait autre chose. Stevens est un majordome à l'ancienne, d'un loyalisme sans bornes envers son employeur. Cela ira jusqu'au renoncement de lui-même. le service avant tout ! Oh, il a été à bonne école Stevens, avec son père qui travaillera jusqu'à son dernier souffle, mais lui a eu un fils. A aucun moment, Stevens ne se démettra de son quant-à-soi, bien qu'il se soit trouvé quelquefois dans des situations délicates.

J'ai voyagé en sa compagnie dans la campagne anglaise, j'ai apprécié sa façon de me parler de lui et de sa fonction, car il n'est question que de cela. Je n'étais pas toujours d'accord avec lui, loin de là et de temps en temps, j'aurai voulu le gifler. Mais voilà, c'est son ressenti, alors je n'ai rien dit et continuer à l'écouter.

J'ai pensé, un moment, au début, à laisser tomber. Mais petit à petit, je suis complètement rentrée dans le livre. D'autant plus que l'écriture de Kazuo Ishiguro est très « So british », surannée. Il nous entraîne dans un monde qui n'a plus lieu d'être aujourd'hui. Un monde révolu où la lutte des classes est passée par là. Une telle abnégation n'existe plus… ou si ?

J'ai beaucoup apprécié également le personnage de Miss Kenton et justement, c'est là le point fort de ce livre. Mais je ne vais pas tout vous dévoiler n'est-ce pas ? Les échanges entre Stevens et Miss Kenton sont… très, comment dire ? très fairplay ? Enfin bref, à vous de le découvrir.

Un livre foisonnant, que je vous recommande chaudement.

Tant que j'y suis, je reprendrais bien un thé, moi. Stevens ? Stevens ? Mon thé, s'il-vous-plaît. Ah ! zut, ça ne marche pas…

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Il est des livres qui sentent bon la campagne anglaise.
Il est des livres qui donnent la parole à ceux qui ne peuvent généralement pas la prendre.
Il est des livres qui amènent calme, sérénité au milieu d'un quotidien trop chargé.
Il est des livres qui posent une empreinte de beauté indélébile sur un chemin chaotique.
Il est des livres qui dépaysent et font du bien.
Les vestiges du jour en fait partie.
Je ne savais rien de ce livre si ce n'est les chroniques dithyrambiques de certains de mes amis.
Je n'ai pas été déçue.
Kazuo Ishiguro a une plume lumineuse et une manière poétique de décrire la vie quotidienne et la plongée dans les souvenirs de Mr. Stevens, majordome attitré du Domaine Darlington.
Ce roman m'a emmenée dans un autre temps, dans une Angleterre encore inconnue, sur les traces de ces êtres souvent invisibles, ces travailleurs de l'ombre qui donnent tout pour leur Seigneurie et qui font la réputation d'une maison et de son propriétaire. Un bel hommage à une profession souvent méconnue, parfois disparue.
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Un roman de l'auteur Ishiguro qui a reçu le Nobel de littérature 2017, une oeuvre primée du Man Booker Prize et adaptée au cinéma.

Détrompez-vous, malgré la consonance du nom de l'auteur, ce roman est tout à fait britannique puisqu'il s'agit de l'histoire d'un genre d'individu bien particulier, le majordome anglais du siècle dernier.

Le héros du roman est fier d'avoir travaillé pour sa « Seigneurie », d'avoir servi la soupe à Churchill, d'avoir été proche des cercles du pouvoir. Il a consacré sa vie à son travail, sa conception de la « dignité » est telle qu'il continue de servir le whisky pendant que son père se meurt à l'étage! Il ne se sent pas le droit d'avoir une opinion, seule compte la voix de son maître…

Un roman fascinant, qui démonte les ressorts psychologiques d'un homme qui passera à travers les bouleversements de guerres mondiales tout en veillant à garder sa « dignité ». Si le majordome et l'attachement à la hiérarchie héréditaire britannique semblent tout à fait surannés, on aimerait parfois un peu plus de cette « dignité » de la part de personnalités politiques actuelles…
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J'avais vu, revu, aimé le film de James Ivory, et été bouleversé par les personnages de Miss Kenton (Emma Thomson) et Mr Stevens (Anthony
Hopkins).
Je savais aussi que Kazuo Ishiguro a reçu le Prix Nobel de Littérature, et que cette distinction s'accompagnait de l'appréciation très spéciale du Comité Nobel pour un auteur qui avait révélé « l'abîme de l'illusion que nous avons de notre relation au monde ».

Mais il a fallu que je lise les commentaires éminents (comme toujours, me direz vous) de quelques-unes et quelques-uns de mes ami.e.s babeliotes, et non des moindres, un grand merci à elles et eux, pour être incité à lire Les Vestiges du jour, et que j'y découvre une pure merveille.

Car ce roman est un vrai diamant taillé, et ses différentes facettes m'ont absolument ébloui.

Le thème du roman (repris en grande partie dans le film, je crois) en est pourtant simple.
Après la seconde guerre mondiale, Mr Stevens, majordome d'un riche américain, Mr Farraday, mais qui fut avant la guerre au service d'un Lord influent, Lord Darlington, dans la grande demeure dénommée Darlington Hall, rachetée par Mr Farraday, sent qu'il a des difficultés à assurer ses fonctions, fait « quelques petites erreurs », et, en fin de compte les attribue, à l'insuffisance quantitative et qualitative de personnel en service dans Darlington Hall.
Il saisit l'opportunité que lui offre Mr Farraday de prendre quelques jours de congé en empruntant sa voiture, pour former le projet de visiter une partie de l'Angleterre avec comme l'objectif plus ou moins incertain de revoir, et de faire revenir à Darlington Hall, Miss Kenton, qui y fut intendante plusieurs années, qui s'est mariée il y a un peu plus de vingt ans, et qui vient de lui écrire, lui faisant de sa nostalgie des années passées à ses côtés dans cette grande demeure.

Le roman est la narration de ces quelques jours de voyages, et je dois dire que j'ai eu le coeur de plus en plus serré au fur et à mesure de la lecture.
Chemin faisant, Mr Stevens mêle ses impressions de voyages avec ses opinions sur le métier de majordome et la notion de « grandeur » et de « dignité », ses souvenirs des grands personnages politiques de l'entre-deux guerres qu'il a côtoyé dans le cadre de son service, et de ses rapports difficiles avec son père vieillissant recruté comme majordome adjoint, et enfin, de sa relation compliquée, en dents de scie, avec l'intendante Miss Kenton.

Mais peu à peu, le lecteur que je suis a ressenti, avec une grande tristesse, derrière la façade d'un homme bien comme il faut, imprégné de l'importance que son service a eu pour son Maître et pour les « grands » qu'il a servi, les multiples failles que cet homme se cache à lui même, et ne veut pas exprimer.
Dans son métier, la sensation, inavouée, de la perte de son importance au service des « Maîtres » dans un monde qui a changé; et aussi au cours de son voyage et de sa relation aux gens qu'il rencontre, la difficulté de se définir.
Et puis, on découvre l'opprobre qui a frappé son Maître, Lord Darlington, après la guerre, en raison de son absence de clairvoyance à l'égard du régime nazi, lui qui recevait l'ambassadeur von Ribbentrop dans l'espoir de resserrer les liens de la Grande-Bretagne avec l'Allemagne de Hitler. Dans sa façon de déclarer qu'il n'y est pour rien et qu'il a fait tout ce qu'il estimait utile à son niveau, j'ai ressenti, en creux, le sentiment d'échec d'avoir servi avec zèle un homme politique qui s'est fourvoyé, voire a mal agi.
Et puis, il y a sa relation professionnelle avec Miss Kenton. On ne peut que ressentir à quel point cet homme corseté dans ses principes, la vision de son métier, est passé à côté de sa vie, n'exprime les choses passées sans jamais avouer ses sentiments ( par exemple sa lâcheté dans l'affaire du renvoi des deux employées juives).
Et même lorsque, à la fin du roman, arrivé au bout de son voyage, le majordome a un entretien de deux heures avec Miss Kenton devenue Mrs Benn, entretien dans lequel on le sent prêt à craquer, suite à l'aveu à peine voilé de Miss Kenton, rien ne se passera, et Mr Stevens ne lui proposera même pas de revenir travailler à Darlington Hall.
Apres avoir passé un jour de plus au terme de son voyage «aller », et contemplé les « vestiges du jour » au bord de la mer, et pleuré sans qu'il s'en rende compte, le majordome reprendra la route du retour.
Et les deux dernières pages du livre, dans lesquelles Mr Stevens évoque son retour à Darlington Hall, avec un objectif de s'améliorer dans l'emploi de la badinerie, m'ont paru tristes et pathétiques.

« Pourquoi, Mr Stevens, pourquoi, mais pourquoi faut-il toujours que vous fassiez semblant? » dira Miss Kenton à Mr Stevens.
Oui, c'est cela. Mr Stevens est la caricature de celles et ceux qui ont plongé dans « l'abîme de l'illusion que nous avons de notre relation au monde ».

Et pourtant, ce roman fait, mine de rien, transparaître l'effort, même inachevé, qu'un homme, prisonnier de ses principes, fait pour essayer de mettre au clair son passé.

Et finalement, que d'êtres humains, (à commencer par soi-même, quand on y réfléchit), se sont ainsi enfermés dans un rôle, se sont bercés de fausses idées, de faux espoirs.
Que d'êtres humains acceptent d'être dans un asservissement choisi et assumé à un chef, un parti, une religion, une idée….
Et que d'êtres humains, cette fois ceux qui sont (ou se pensent) supérieurs, pensent qu'il y a eux qui savent et les inférieurs qui ne savent pas.
Et que d'humains sont ainsi passés durant tout leur parcours terrestre à côté d'eux mêmes, de la vraie vie.

Le roman est écrit d'une façon admirable, les descriptions des paysages aussi sont magnifiques. C'est un vrai bijou de concision, il n'y a pas un mot de trop, mais il nous appelle aussi à savoir lire entre les lignes, et cela aussi en fait un chef-d'oeuvre.
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Troisième roman de son auteur, paru en 1989, c'est peut-être le roman le plus célèbre du prix Nobel : couronné par le Booker Prize, porté à l'écran par James Ivory, avec son efficacité habituelle, servi par des grands comédiens, le film a sans doute énormément fait pour permettre à Ishiguro de rencontrer un très large public.

Le roman est un récit à la première personne de James Stevens, un majordome dans une grande maison, un peu le haut du panier de sa profession. Suite à l'invitation de son employeur, et d'une manière exceptionnelle pour lui, il fait un voyage de quelques jours, pour aller revoir une femme, qui a été intendante dans la même maison que lui il y a fort longtemps, et qu'il se propose d'essayer de faire revenir dans la propriété où le personnel qualifié manque. Mais ce voyage sera en réalité une occasion de se souvenir, de faire le bilan de sa vie, professionnelle, de sa vie tout court, tant les deux sont imbriquées, et tant Stevens semble avoir choisi de s'identifier complètement à sa seule vie professionnelle. Les petits incidents du voyage, les rencontres, les regards qui se posent sur lui, et la rencontre avec celle qu'il s'obstine à appeler Miss Kenton, alors qu'elle est marié et mère de famille et bientôt grand-mère, tout simplement le temps libre dont il dispose du jour au lendemain, vont l'obliger à se voir, à reconsidérer sa vie et les choix qu'il a fait.

C'est vraiment un très beau livre, plein d'une forte charge émotionnelle, d'une grande sensibilité. Stevens a passé sa vie à se construire une carapace, à refuser de voir ce qui le gênait, ce qui ne rentrait pas dans sa façon de catégoriser le monde. Etre majordome, comme son père l'a été avant lui, a été le choix central, celui à quoi tout le reste a été conditionné. Cela signifiait pour Stevens, du moment qu'il s'est choisi un maître selon son coeur, de s'oublier complètement au service de ce maître, ne plus avoir de choix à faire, ne plus avoir à penser en quelque sorte : il suffisait de servir. Et s'il se trouve déstabilisé dans le livre, c'est que son nouveau maître, un Américain, lui reste en partie incompréhensible, peut-être parce que ce dernier s'attend à être en face d'un être humain et non seulement en face d'un domestique particulièrement efficace. Or Stevens ne sait plus être une personne, autre chose qu'un majordome. Son récit nous montre à quel point il a refoulé ses aspirations personnelles, à quel point il a refusé à se laisser aller à des sentiments que l'on pourrait considérer comme les plus naturels chez un être humain : l'attachement familiale, l'amour, ont été étouffés, niés. Au moment de l'approche de la vieillesse, au moment aussi où son travail se vide de son sens dans de nouvelles conditions, quelque chose comme un regret semble surgir.

Mais Stevens a passé tellement de temps à refouler ses ressentis, à se mentir à soi-même, que ce regret se devine plus qu'il ne s'exprime ouvertement. Tout l'art de Kazuo Ishiguro consiste à suggérer, à laisser parler son personnage, et à laisser deviner petit à petit, les mensonges, les sentiments jamais exprimés, la véritable histoire de son maître qu'il continue à admirer alors qu'il a gravement failli. Mais l'admettre, serait avouer sa propre faillite, et Stevens ne peut se résoudre à la prononcer. Derrière les vantardises et l'expression policée d'une auto-satisfaction revendiquée, le personnage se lézarde de plus en plus et apparaît dans une poignante solitude.

Une grande réussite, je regrette simplement d'avoir vu le film avant d'avoir lu le roman, qui comme souvent, est beaucoup plus fin et subtile que le film, plus riche.
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Attention chef d'oeuvre !
Le majordome d'un manoir anglais effectue un voyage en voiture dans l'Angleterre des années 1950.
Il se remémore les grands événements survenus à Darlington Hall dans les années 1920 et 1930 alors que son maître cherchait à oeuvrer en faveur de l'Allemagne, estimant que les termes du traité de Versailles étaient trop rigoureux.
Ce personnage, Stevens, affiche une rudesse et une froideur qui de prime abord le rendent antipathique au lecteur. Pourtant, les émotions qui le traversent au cours de ce périple, révèlent un homme dont l'engagement professionnel suprême s'est manifesté dans l'effacement de sa propre personne. Il refuse l'expression de ses émotions au nom de la grandeur de sa tâche.
L'adaptation cinéma de James Ivory rend très bien l'atmosphère délicatement surannée qui plane dans le roman et qui imprègne le personnage principal.
Superbe, magnifique
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Cet ouvrage ne manquera pas de plaire aux amateurs du bien parler. Maîtrise de la grammaire et usage d'un vocabulaire choisi, mais pas seulement pour ce qui concerne le métier de Mr Stevens dans Les vestiges du jour. L'exercice auquel doit se livrer quotidiennement le majordome d'une maison prestigieuse est selon lui de faire preuve, en toutes circonstances, de la plus grande dignité. Vertu dont Mr Stevens tente de nous faire entrevoir les contours. Parmi lesquels la maîtrise de ses propres instincts pour exercer avec succès une profession somme toute très anglaise, et pour laquelle la dignité n'est bien souvent que le linceul de la trivialité d'autrui.

Après la disparition de son maître, Mr Stevens est parvenu à un stade de sa vie professionnelle où il peut faire quelques entorses à l'autre grande qualité du métier : la discrétion, la confidentialité. Dans le périple qui le conduit vers une de ses anciennes collaboratrices, il revient sur ces moments entre les deux guerres au cours desquels son maître, Lord Darlington, essayait de sauver la paix. Pressentant bien que l'humiliation, que l'Allemagne ne pouvait manquer de ressentir à l'issue du traité de Versailles, allait précipiter cette dernière dans les velléités revanchardes.

La maîtrise des émotions qui préside à chacune des circonstances du métier l'a en contre partie conduit à étouffer ses sentiments. On comprend alors que la visite qu'il s'apprête à faire à celle qu'il appelle encore Miss Kenton, bien que mariée, lui laisse comme un arrière goût d'échec dans une vie consacrée au service des autres. L'impression d'être passé à côté de quelque chose. Amertume qu'il s'efforce de dissimuler avec la même maîtrise que celle qui a prévalu tout au long de sa carrière.

Lecture onctueuse que celle de cet ouvrage. Plaisir de lire que ne gâche pas la traduction de Sophie Mayoux fort réussie pour restituer dans la langue de Molière quelques tournures bien senties à n'en pas douter dans celle de Shakespeare.

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Si j'ai bien aimé le film de James Ivory je ne m'attendais pas à un tel coup de coeur en lisant "Les vestiges du jour" de Kazuo Ishiguro.
J'étais restée sur l'histoire d'un butler, Mr. Stevens, majordome au service de sa seigneurie Lord Darlington dont la maîtrise de soi propre aux anglais lui permet une certaine dignité revendiquée dans sa vie professionnelle et personnelle.
Pour autant, le roman montre une intensité dans le portrait d'un homme qui refuse de montrer ses sentiments et permet aussi de mieux comprendre les enjeux politiques et le rôle des aristocrates dans l'entre-deux guerres.
Je trouve le roman très bien construit, au rythme du voyage que fait Mr. Stevens en 1956 avec la Ford qui lui a laissé Mr. Farraday le nouveau propriétaire de Darlington Hall. Il va voir Miss Kenton, l'intendante avec qui il a travaillé avant la guerre pour lui proposer d'y revenir après avoir reçu une lettre qui lui rappelle le passé. Son périple en voiture dans la campagne anglaise est ponctué des souvenirs qu'il garde et l'on comprend qu'une passion aurait pu naître entre eux.
Mais la question qui le taraude est surtout Qu'est-ce qu'un grand majordome ?
Il est obsédé par la dignité qui lui permet de rester de marbre en toutes occasions et par la grandeur qui, pour lui, est liée à l'affiliation d'une maison réellement distinguée.
Ne s'intéressant pas à ce qu'il appelle le babillage, il va vivre des moments historiques sans jamais prendre parti y compris quand il doit organiser en 1923, une conférence internationale officieuse pour envisager les moyens d'obtenir une révision des termes du traité de Versailles en faveur de l'Allemagne.
Il décrit en quelque sorte ce qu'est le lobbying des puissants et leur implication dans la montée du nazisme.
La servilité de Mr. Stevens vis à vis de son employeur est terrifiante et pourtant on ne le déteste pas, conscient qu'il fait partie de la classe des dominés.
Et puis, quand il retrouve Miss Kenton on a envie qu'il la prenne dans ses bras quand elle lui dit qu'elle aurait pu vivre avec lui de façon plus explicite que dans le film. Il ne le fera pas car c'est avant tout l'histoire d'un amour impossible qu'écrit majestueusement Kazuo Ishiguro.


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