Nous sommes tous des Grecs d'aujourd'hui et pas seulement d'hier : ce qui a fait entrer la Grèce dans l'UE ; ce qui les plombe et nous est dékà arrivé ou va le faire. Il faut lire
Christos Ikonomou d'urgence, et pas seulement pour ces raisons dites. Ikonomou raconte les vies de Grecs piégés par les multinationales avec les mafias, et nos vies avec une force et une lumières peu communes.
"Le monde est ainsi fait qu'il libère chacun de nous du devoir de faire son bien à lui. Chacun de nous est libre de faire le mal de mille façons mais le bien est oujours l'affaire de quelqu'un d'autre. Dans nos sociétés, le bien est un monopole d'Etat. Pour qu'une société fonctionne plus ou moins l'Etat doit avoir le monopole de la violence - mais il est encore plus important pour une société que l'Etat ait le monopole du bien." (page 79)
Les ellipses çà et là renforcent le propos, car elles demandent au lecteur la confiance totale, celle qui permet d'avancer, avancer toujours, comme le font les Grecs piégés de "
Le Salut viendra de la mer" : en prime une leçon de lecture ;) Pas mal, non ? Ah, j'oublie la leçon de souffle. la ponctuation est soignée, elle vous dit quand cavaler avec la comprenette au coin de l'oeil et quand ralentir.
Cet ouvrage est aussi un ensemble de récits en puzzles mosaïques (pour ne pas dire christiques, de Christos I.) dont je ne dévoilerai pas la fin, si belle et si dépouillée que le ciel et la mer ensemble peuvent à peine vous consoler de la fin du livre. Alors, on regarde la couverture.
De l'histoire de Tassos qui ne renonce jamais, à celle de Chronis, ou Lazaros, Stavros [désolée, je ne peux placer les accents toniques sur les voyelles], nous sommes avec l'aventure de vivre qui est là leur, pardon : la nôtre.
Les images se succèdent, flamboient, la parole déferle vague après vague, parfois pensive, souvent éruptive, juste toujours souvent éruptive, juste toujours, venue de cette île imaginaire à la toponymie terrible.
Deux extraits :
[ce que dit le Grec qui a émigré en Allemagne et réussi] : "Vous, là-bas, disait-il à Stavros. Vous là-bas ceci, vous là-bas cela. Vous là-bas il vous faut apprendre à travailler. Arrêter de pleurnicher et voir comment vous débrouiller tout seuls. Personne ne vous doit rien, tout est de la faute de vos cervelles tordues. Deux cents ans ont passé et vous ne savez toujours pas si vous voulez être en Europe ou non. Mais enfin, pour qui vous prenez-vous ? Hein ?
Il avait toute une théorie. Il disait que ces dernières années la Grèce avait été le théâtre du crime parfait. Auteur : les politiques. Instigateur : les électeurs. Modile : l'achat des consciences. Arme : l'argent - argent étranger, argent sale, argent facile. Victime : le pays.
C'est à peu près ce qu'il disait. Et Stavros avait un tas de choses à répondre, mais à chaque fois il s'écrasait." (pp 145-146)
Stavros avant d'aller rejoindre la "petite sirène", Artemi :
"Le fil roulé à la main, il se dit qu'il aimerait avoir, il en meurt d'envie, un pied d'acier dans une botte en acier pour chasser d'un coup de pied la douleur et l'amertume, pour chasser à chaque fois la trahison, le désespoir, les méchants, les cruels qui taillent l'amour à leurs mesures et non aux mesures de l'amour, qui lundi te disent je t'aime et mardi ne te regardent plus, qui te disent lundi je ne peux pas vivre sans toi et mardi je ne te supporte plus, lundi on va s'en tirer ensemble et marci il faut que tu sois indépendant, chacun doit se débrouiller tout seul, lundi je veux vivre avec toi pour toujours et mardi qu'est-ce que ça veut dire que je suis entré dans ta vie, que j'ai bousillé ta vie et que maintenant je m'en vais comme si de rien n'était, qu'est-ce que tu veux dire, je ne comprends pas - je t'aurais trompé sans le savoir - [...]" (pp 162 et s.).
Un livre à garder.