Elle soignait ainsi sa bonne conscience, certaine que ses rencontres rendaient sa fin de vie moins pénible.
On doit toujours payer le mal qu'on inflige... Toujours.
On se moque des fauves tant qu'ils sont encagés ; on les nargue au travers des grilles. mais quand les portes s'ouvrent... Sauve qui peut !
La nuit, tout est plus beau... La laideur intrinsèque du monde, la pourriture qu'exhalent ses entrailles, tout cela est mis entre parenthèses le temps d'un songe. Il n'y a que la solitude et les angoisses pour être exacerbées. Plus de bruits parasites, de mots inutiles, d'occupations futiles ou de déguisements dérisoires : face au noir, au silence, tout devient évident. Et intolérable. La nuit nous prépare à la mort, à doses homéopathiques ; un granule tous les soirs.
Vous protéger est devenu instinctif, à présent
J'espère que quand on est mort, on ne souffre plus ; sinon ça voudrait dire que l'enfer existe vraiment.
Morgane replie soigneusement la lettre avant de la glisser dans son sac. Un frisson parcourt sa colonne vertébrale ; l'impression que le mort est là, tout près. Pour un peu, elle se retournerait pour vérifier qu'il n'est pas assis sur la banquette arrière.
Moi, je n'ai que la vie à perdre, c'est si peu de chose... Par contre, toi tu as UNE vie. Un passé, un présent, un avenir...
Progressivement, elle s'habituait au visage d"Aubin. Les cicatrices s'estompaient, elle parvenait à voir au-delà. A le voir comme il devait être avant.
Avant... Qu'elle le défigure. A jamais. Qu'elle l'assassine.
Dans sa tête, des bulles de couleurs, des rêves qui parlent et qui marchent. Aussi réels que des souvenirs.