- N'aie pas peur.
Il se place derrière elle, lui bande les yeux.
- Je ne veux pas t'infliger ça. T'obliger à voir ce que tu as fait de moi...
Oui, elle aurait pu annuler ce rendez-vous. Ne l'a pas fait. Comme s'il n'y avait qu'à lui qu'elle pouvait confier l'indicible... Cet étranger qui la fascine, malgré elle. Cette épaule et ces bras qui l'attirent. Ce visage qui l'écoeure.
Tout le monde parle de ce qui aurait pu être le crime parfait. Tuer après sa mort, pour ne jamais risquer d'être condamné...
Il était obligé de t'engager. Moi, il avait envie de m'engager, nuance...
Enfin, il se réveille, s'étire, la contemple en souriant.
Ce fameux sourire. Qui a séduit tant de proies.
- J'ai faim.
Premières paroles.
Un prédateur a toujours faim.
- Vous n'y êtes pour rien, poursuit Sevilla en l'invitant à le suivre. Que voulez-vous, les dernières volontés d'un mort ne se discute pas !
On dit que la déception est toujours à la hauteur de l’espoir.
On ressent tout, dès qu'on est sur cette terre. De plein fouet. On ingère tant de souffrance ; la sienne, celle des autres. Celle qu'on reçoit, celle qu'on inflige.
Ces remous, ces lames de fond qui emportent ma raison dans un océan en furie. Voilà ce qu'est ma tête : un chaos noirâtre de douleur et de démence où je me noie. Un entrelacs d'images atroces, de bruits intolérables. Un manque absolu, une soif jamais comblée, une faim jamais calmée. Un monstre, voilà ce que je suis. Tout ce que je peux être.
Encore un blanc, chargé des mille couleurs silencieuses de l'amour.