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EAN : 9782070393602
255 pages
Gallimard (03/11/1995)
3.96/5   55 notes
Résumé :
Autour de Prokop Poupa, professeur de littérature réduit à l'état de balayeur dans les rues de Prague, évoluent quelques hommes et femmes marginalisés par la dissidence. Chacun, par dérision, imagine qu'un dieu Lare veille sur lui. L'un le situe dans sa cuisine, un autre sur le balcon, au grenier ou à la cave  ; Prokop, lui, place son dieu Lare dans les cabinets qui deviennent un haut lieu de lecture, de méditation et de doutes.
Arrive la révolution. Certains... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
À Prague, au gré de purges, Prokop Poupa est passé d'homme de lettres à homme de ménage. Peu sociable et ravi de rester dans son tout petit appartement, Prokop est surtout heureux dans ses toilettes, minuscule réduit dont il est le dieu tutélaire. « Depuis toujours en effet, Prokop aimait user de ses toilettes comme d'un isoloir et d'un cabinet de lecture. » (p. 21) Mais il est impossible de prétendre vivre si on ne sort pas de ses limites. Tout change quand son jeune fils quitte Prague pour l'Angleterre avec sa seconde épouse. La solitude et le sentiment d'abandon croissent. Prokop évoque alors les figures féminines qui n'ont fait que passer dans sa vie, le laissant toujours plus seul et désespéré : sa mère infatigable jusqu'au bout, sa soeur morte par amour, sa première épouse délaissée et sa deuxième femme qui lui a brisé le coeur. « On ne meurt pas si souvent de ses chagrins, de ses deuils, de ses échecs ou de ses hontes. On ne meurt jamais au moment voulu. On se relève en ahanant, un peu plus vieux et plus pesant, et on perdure tant bien que mal ; on ruse comme on peut pour redresser son coeur tout de guingois. Et on se dit que ça ira à défaut de pouvoir déclarer que ça va. On conjugue le présent au futur indéfini. » (p. 30) Avant de partir, son fils lui a offert la lune et Prokop contemple l'astre nocturne, l'interrogeant et cherchant la réponse à sa solitude. Il a des révélations esthétiques et mystiques, mais se découvre finalement non croyant, privé du réconfort de la foi et de la religion. « Prokop avait le coeur étale et l'âme pétrifiée par l'absence de Dieu. Pire que l'absence – l'inexistence. La grosse calebasse prokopienne sonnait le creux, sentait le fade et le moisi. […] Il y eut même des soirs où l'acidité de sa solitude se fit si aiguë qu'il eut la sensation de mordre dans la mort, de mâcher du néant. » (p. 125 et 126)

Il y a de sublimes pages sur le supplice du Christ et la valeur des larmes. Sylvie Germain parle avec talent et tendresse des esseulés, des perdus et des tristes qui sont violemment confrontés à l'immensité du monde et de l'existence. « L'immensité est si vivement enclose en notre finitude, ses houles y sont si fortes, et si lancinants les chants montés de ses confins, qu'il nous faut bien, vaille que vaille, lui faire en nous une place, lui accorder quelque attention. Cette immensité qui gémit sous le poids de notre paresse d'esprit, de notre avarice de coeur, qui mugit à l'étroit dans notre finitude, est peut-être un appel vers plus qu'elle-même encore, une invitation pour des dérives à l'infini, du côté de l'éternité, par-delà les ténèbres. Il se peut. Quoi qu'il en soit viendra un jour où cette immensité brisera en nous ses amarres et nous emportera. Peu importe la destination, Dieu ou néant ; c'en est assez que les amarres soient vouées à se rompre. » (p. 135)

Avec deux récits enchâssés, Immensités n'en finit pas de s'étendre et de se déployer. On croise une jeune fille adorée et un chien, fidèle compagnon de toute une vie. du réalisme magique à l'absurde, en passant par l'essai métaphysique et le conte philosophique, Sylvie Germain offre ici un très court roman bien plus grand qu'il n'y paraît.
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Brimé par le régime communiste, Prokop passe d'un poste enviable de professeur de Lettres à celui de balayeur. Tandis que gronde au dehors ce qui sera la Révolution de Velours, Prokop vit intérieurement les questionnements d'un homme au carrefour de sa vie. Ses enfants grandissent, sa femme l'a quitté, le voici seul à réfléchir au sens de sa vie, à ce qui mobilise la foi en l'homme. Quand certains croient en leur chien, d'autres en l'action politique, Prokop nous fait partager les petits riens que le fil du temps parsème sur son chemin.
Si cette histoire peut nous permettre de plonger dans l'exploration intime de certaines questions existentielles, elle n'a pas su me tenir en haleine comme dans d'autres romans de Sylvie Germain, et ce malgré sa belle écriture poétique.
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Prokop Poupa et ses amis dissidents, intellectuels comme lui, exercent des petits boulots à Prague. Prof de littérature, Prokop se voit assigné, par le régime communiste et à titre de représailles, à un poste de balayeur.
Divorcé et père de deux enfants, Prokop vit seul et s'accomode de son sort. En fait, il ne vit pas complètement seul, puisqu'il partage son logis et ses lectures avec son dieu Lare, sous l'égide duquel il médite et s'interroge sur tout et rien, la vie, la nature, les hommes et Dieu.

Prokop nous entaîne dans l'immensité de ses territoires intimes, sa mémoire, ses rêves et ses souffrances. Au risque de s'y perdre et de ne pouvoir, ni de vouloir, prendre le train de l'Histoire. Car la Révolution de Velours couve et les rues de Prague bruissent des revendications des manifestants. Prokop assiste aux événements comme dans un état second. Tout engoncé qu'il est dans ses doutes et sa dépression, il ne sait que faire de sa dignité enfin retrouvée et de cette nouvelle liberté pour laquelle y a lutté.
Pour ne pas sombrer définitivement et résister à la vague consumériste qui balaie le pays, il se raccrochera à la banalité des choses, un chemin de terre, des sculptures, un air de saxo ...

Un roman emprunt de mélancolie et qui colle bien au temps maussade qui plombe nos cieux. C'est donc ma seconde rencontre avec un héros germanien, et je suis encore surprise que celui-ci ne se soit pas suicidé avant la fin du livre ! Mais l'auteur est une désespérée optimiste qui sauve ses personnages grâce à une écriture sensuelle dont elle seule a le secret.


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Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
« L’immensité est si vivement enclose en notre finitude, ses houles y sont si fortes, et si lancinants les chants montés de ses confins, qu’il nous faut bien, vaille que vaille, lui faire en nous une place, lui accorder quelque attention. Cette immensité qui gémit sous le poids de notre paresse d’esprit, de notre avarice de cœur, qui mugit à l’étroit dans notre finitude, est peut-être un appel vers plus qu’elle-même encore, une invitation pour des dérives à l’infini, du côté de l’éternité, par-delà les ténèbres. Il se peut. Quoi qu’il en soit viendra un jour où cette immensité brisera en nous ses amarres et nous emportera. Peu importe la destination, Dieu ou néant ; c’en est assez que les amarres soient vouées à se rompre. » (p. 135)
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L'immensité est si vivacement enclose en notre finitude, ses houles, y sont si fortes, et si lancinants les chants montés de ses confins, qu'il nous faut bien, vaille que vaille, lui faire en nous un peu de place, lui accorder quelque attention. Cette immensité qui gémit sous le poids de notre paresse d'esprit, de notre avarice de cœur, qui mugit à l'étroit dans notre finitude, est peut-être un appel vers plus qu'elle même encore, une invitation pour des dérives à l'infini , du côté de l'éternité, par-delà les ténèbres. Il se peut. Quoi qu'il en soit viendra un jour où cette immensité brisera en nous ses amarres et nous emportera. Peu importe la destination, Dieu ou néant ; c'en est assez que les amarres soient vouées à se rompre.

p. 194
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Accueillir, accepter, consentir : écouter le silence et scruter l'invisible, - tels sont les plus hauts actes de l'attention et de la conscience que doivent accomplir les vivants. Il faut renoncer à l'impatience, au désir de recevoir des signes, à la fébrilité des preuves. Il n'y a que des traces impalpables, disséminées de-ci de-là, et qui parfois affleurent, fugaces, à l'improviste au détour d'un instant. Des traces aussi discrètes que troublantes qui n'octroient aucune certitude, mais assignent sans fin à l'étonnement, au songe et à l'attente.

p. 193
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C'était un don démesuré, total, aux conséquences infinies, comme seuls savent en faire les petits enfants quand ils aiment et qu'ils veulent exprimer leur amour. Alors, comme ils ne possèdent rien en propre, et que de toute façon aucune richesse ne leur paraît à la taille de cette immensité qui leur soulève l'âme, ils vont puiser dans l'univers entier des choses et des mystères et ils vous cueillent l'impossible pour vous en faire offrande, comme s'il s'agissait d'une orange ou d'une pâquerette, avec le plus franc des sourires. Pour eux, ça va de soi. Ils vous donnent à mains nues, sans fioritures ni circonlocution, l'éclat d'airain de l'océan, le passage d'une étoile filante, une fleur de givre ou le chant d'un oiseau dans la nuit.
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Ce fut un choc, une sensation physique; ce qui était écrit avec une si belle densité venait, dans l'instant même de la lecture, de se matérialiser. Chaque mot se faisait grain de pluie, de soleil, de vent, se faisait fleur, fleur de rocaille, lichen et lierre. Et ces mots végétaux, minéraux, granuleux, lui emplissaient la bouche, lui fondaient dans la gorge
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Lecture de Sylvie Germain : une création originale inspirée par les collections de la BIS.
Ce cycle est proposé depuis 2017 par la BIS en partenariat avec la Maison des écrivains et de la littérature (MéL). Un mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé. Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne".
Saison 5 : Jean Lancri, Gaëlle Obiégly, Sylvie Germain et Michel Simonot
Captation, montage et générique par Corinne Nadal
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Sylvie Germain

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