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sur 1008 notes
N°1568 - Août 2021

Clair de femmeRomain Gary – Gallimard.

C'est l'histoire d'une rencontre. Lui, Michel, commandant de bord, un peu paumé parce qu'il vient de perdre sa femme, Yannick, d'un cancer, laquelle a choisi de se donner la mort, pour partir en beauté à tous les sens du terme, c'est à dire avant que les ravages de la vieillesse et de la maladie ne soient visibles sur son corps (ne pas vieillir était une préoccupation de Gary). Il veut partir pour Caracas. Elle, Lydia qui vient de perdre sa fille dans un accident de voiture que conduisait son mari. Il n'est plus qu'un survivant dans un service de psychiatrie. C'est un peu le hasard qui les met en présence l'un de l'autre, au sortir d'un taxi, Michel bouscule sans le vouloir Lydia. Ils ont à peu près le même âge, la même peine, la même désespérance , une même envie de mourir, mais aussi de vivre ensemble une sorte d'expérience qui serait d'une nature particulière car basée sur cette volonté d'unir deux vies détruites qui individuellement demandent du secours. Ils feront un petit bout de chemin ensemble mais sans oublier leurs souvenirs propres, sans pouvoir jamais déposer le fardeau que le destin a mis sur leurs épaules , sans omettre qu'ils sont fragiles, qu'il sont mortels.
Il y a aussi le personnage du Señor Galba qui est loin, à mon avis, d'être secondaire, cet artiste de Music-Hall, vieux dresseur de chiens et de singes, fataliste, désabusé, désespéré qui symbolise lui aussi, mais à sa manière, le côté transitoire, dérisoire et pathétique de la vie qu'il combat par un alcoolisme militant. Comme en scène, il aura le dernier mot.
En réalité c'est une longue réflexion sur le couple, les espoirs qu'on met en lui au début et aussi les illusions de durée, de sincérité, de fidélité, toutes choses qui ne peuvent exister qu'idéalement puisque nous ne sommes que des hommes, mortels et imparfaits, seulement usufruitiers de notre propre vie. Nous faisons semblant de croire que cette réunion d'un homme et d'une femme incarne le bonheur, que cette fusion est une nouvelle naissance, une rupture avec le passé, mais c'est oublier que le malheur est une constante de la condition humaine à laquelle nous sommes tous assujettis, que l'amour est une chose consomptible mais peut aussi être dévorante, que la vie est une comédie où chacun s'efforce de jouer un rôle acceptable jusques et y compris en se mentant à lui-même et aussi en mentant aux autres. Michel et Lydia viennent avec leur propre histoire, leurs obsessions, leurs espoirs déçus par cette vie qui n'a pas tenu ses promesses, c‘est à dire des illusions dont, enfants, ils l'ont, comme nous tous, unilatéralement chargée sans qu'elle soit le moins du monde responsable de leurs fantasmes. C'est à l'aune de ces résultats que nous décidons si elle a ou non été réussie. Michel ne cesse de penser à Yannick et la fait revivre, selon le propre voeux de celle-ci, dans la personne de Lydia qui sera son « Clair de femme », comme un clair de lune éclaire le noir de la nuit. La quarantaine qui est un de leur point commun leur permet d'envisager un avenir dans un nouvel amour, mais ses cheveux déjà blancs malgré la quarantaine et ses rides sont un rappel de la réalité. Chacun d'eux à ses fantômes qui seront ses compagnons intimes et le resteront jusqu'à la fin et peut-être feront-ils ce choix d'un saut dans l'inconnu, ou peut-être pas ? Pour eux chaque jours sera un combat entre Éros et Thanatos, une de ces luttes où chacun apportera sa part d'amour pour l'autre en connaissant le fragilité de cette communion. Lydia est très consciente de l'état d'esprit de Michel et lui propose un temps de réflexion avant de choisir, une sorte de période sabbatique, soit parce qu'elle craint de ne pas être à la hauteur de ses attentes, soit parce que la solitude est aussi une réponse pour chacun parce qu'elle invite à la méditation, soit parce que Michel devra compter sur le temps, beaucoup de temps, pour s'arracher à son passé.
C'est un truisme que de dire qu'il y a toujours un peu de l'écrivain dans ce qu'il écrit, quoiqu'il en dise lui-même et ce même s'il inscrit sa création dans la plus proclamée des fictions. Ici, il y a beaucoup de connotations avec la vie même de Romain Gary, cette permanence de l'amour pour une femme qui perdure malgré toutes celles qui peuvent suivre dans sa propre vie, son impuissance face à l‘adversité, symbolisée ici par la maladie, son attitude face à la mort (Il se suicide comme, avant lui, Jean Seberg qui fut son épouse), son parti-pris d'écrire pour exorciser ses obsessions et peut-être aussi le sentiment d'échec face à cette relative impossibilité...
Romain Gary n'a évidemment rien d'un être du commun, tout chez lui est exceptionnel, sa jeunesse, son parcours, sa culture, ses engagements, sa créativité, son style, son phrasé simple, accessible, poétique, mais néanmoins plein de sens et de sensibilité, d'analyses des sentiments et des choses de la vie qui sont pour nous tous pleines d'espoirs et de contradictions. Il n'a jamais caché l'intérêt qu'il portait à « la femme » (non pas aux femmes), cet être un peu mystérieux et idéalisé par ses soins (et par nous aussi sans doute), compagne complice et néanmoins secrète, proche et étrangère à la fois qui forme avec l'homme choisi quelque chose de durable et d'éphémère, qui porte en lui des espoirs d'immortalité et des craintes d'échecs. Il y a du romantisme chez lui mais ce que je retiens, à titre personnel, c'est à la fois la solitude de l'homme et la difficulté pour l'écrivain de mettre des mots sur ses maux. Je ne suis pas un spécialiste de l'oeuvre de Gary, mais il me semble me souvenir que dans la lettre qu'il laissa lors de son suicide figurent ces mots « Je me suis enfin exprimé entièrement ».


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Première parution en 1977.
Qu'est-ce qu'un couple? Qu'est-ce qui le soude ou le désagrège? Comment sommes-nous prisonnier de la douleur et du bonheur qui se tissent entre deux personnes qui s'aiment? Deux personnages, Michel et Lydia. Ils se rencontrent. Meurtris par la douleur de la relation qu'ils ont dû abandonner et pour laquelle ils souffrent encore. Ils cheminent ensemble. On ne sait dans quelle direction, mais à chaque pas se révèle la profondeur et la douleur de la relation qu'ils ont dû quitter. C'est un hymne à l'amour, à la passion. J'aime beaucoup cet écrivain. Je suis fascinée par son drame intérieur.

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Je n'avais pas encore lu Romain Gary. Je ne connaissais que son destin particulier par ouïe dire et reportages.
Élégance, distinction, éloquence, tels sont les mots qui me viennent à l'esprit pour décrire la qualité de cette écriture. Quelle hauteur, quelle littérature !
L'homme, la femme, le couple, la vie, les rencontres, les drames sont dévoilés avec sens, intelligence et raffinement comme seul un écrivain génial, angoissé, exalté et minutieux peut le faire.
Il y a de la pathologie dans le déroulement de l'histoire, dans la perfection de la formulation, dans l'allure trépidante de cet ouvrage, dans la soif d'amour, dans la rage de vivre, et c'est sublime.
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J'allais mettre 4* mais ce n'est pas très honnête.
Oui mais c'est Romain Gary et comment mettre moins alors que c'est si bien écrit, les phrases sont toujours aussi belles et le style éblouissant.
Par contre, cette petite histoire d'un homme qui sait que sa femme va se suicider la nuit même est bien trop étrange pour moi.
Il y a trop d'alcool, de névroses, de drames, de personnages atypiques.
C'est tragique et, cette fois-ci, Romain Gary "s'écoute" un peu trop pour que j'adhère.
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Une pure merveille, de sentiments de texte, une force. L'amour, le deuil, l'espoir, la vie ?? A LIRE ABSOLUMENT
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J'avais lu Clair de femme de Romain Gary il y a plusieurs années. Je me souvenais que j'avais été marquée par cette histoire… Toutefois, j'aurais été incapable de rédiger un billet sur cette dernière et de partager mes émotions par rapport aux personnages. Alors, je viens de la terminer. Ce récit aborde, entre autres, à travers la vision du couple, l'amour, la mort et l'entraide.

Tout d'abord, Michel et Yannick sont amoureux depuis des années. Cependant, la maladie terrasse Yannick et cette dernière décide de mourir dans la dignité. Elle est atteinte d'un cancer et elle dit à Michel :




“Je suis obligée de te quitter. Je serai une autre femme. Va vers elle, trouve-la, donne-lui ce que je te laisse, il faut que cela demeure. Sans féminité, tu ne pourras pas vivre ces heures, ces années, cet arrachement, cette bestialité que l'on appelle si flatteusement, si pompeusement : «le destin». J'espère de tout mon amour que tu vas la rencontrer et qu'elle viendra au secours de ce qui, dans notre couple, ne peut pas, ne doit pas mourir. Ce ne sera pas m'oublier, ce ne sera pas «trahir ma mémoire», comme on dit pieusement chez ceux qui réservent leur piété à la mort et au désespoir. Oh non! Ce sera au contraire une célébration, une permanence assurée, un défi à tout ce qui nous piétine. Une affirmation d'immortalité. (p. 28).”

En ce sens, Yannick confie sa dernière volonté à Michel et elle lui demande de rendre leur amour immortel.

Michel laisse seule Yannick et respecte sa volonté. Il quitte leur appartement pour la nuit afin qu'elle puisse mourir. Il fait alors la rencontre de Lydia. Lydia, pour sa part, est la femme d'Alain. Elle a perdu sa petite fille dans un accident de voiture il y a 6 mois et c'est son époux qui conduisait l'engin. Ce dernier, à la suite de l'accident, souffre d'aphasie. Lydia le laisse aux bons soins de sa belle-mère car elle doit vivre son deuil.

Michel et Lydia passent une nuit ensemble et ils apprennent à se connaître en tentant de s'appuyer l'un sur l'autre. Ces désespérés font l'amour, se retrouvent dans un bar où travaille le Señor Galba, le dresseur de caniches… Puis, ils vont à la fête organisée par Sonia, la belle-mère de Lydia. Au petit matin, ils finissent auprès du corps inerte de Yannick. Michel mentionne alors à celle qu'il aime :


“Tu vois, elle est là. Elle t'a apporté des fleurs. Comme tu l'as voulu. Nous allons essayer de te rendre heureuse. […] Tu savais bien que je ne pourrais jamais vivre sans toi, et c'est ainsi que tu lui as fait beaucoup de place. Je ne lui parlerai plus jamais de toi, comme je te l'ai promis, parce que tu ne voulais pas l'encombrer d'une autre, tu ne voulais pas lui imposer tes goûts, tes habitudes, tu voulais qu'elle soit libre de toute référence. Je cacherai toutes les photos et tous les objets que tu as aimés, je ne vivrai pas de mémoire. Il me suffira toujours de voir les forêts, les champs, les mers, les continents, le monde, pour aimer le peu qui me reste de toi. (p. 161)”

Lydia retrouve grâce à Michel le «sens du possible». Ces deux écorchés s'aident l'espace d'une nuit à amorcer une traversée de leur désert…

Michel, comme le fait remarquer Lydia, est un bâtisseur de cathédrale… il voue un culte à celle qu'il aime… c'est sa façon d'aimer… Comme il le stipule :


“Lorsqu'on a aimé une femme de tous ses yeux, de tous ses matins, de toutes les forêts, champs, sources et oiseaux, on sait qu'on ne l'a pas encore aimée assez et que le monde n'est qu'un commencement de tout ce qui vous reste à faire. Je ne vous demande pas d'entrer en religion avec moi, je sais que vous avez seulement voulu aider une femme, rendre sa mort plus douce. Nous nous sommes parlé toute la nuit, mais je ne vous ai presque rien dit, parce que ce sont vos lèvres qui me parlaient d'elle. (p. 140-141).”

Pour moi, c'est Yannick qui sculpte le devenir de ce roman. Ainsi, elle demande à Michel :


“Je ne veux pas partir comme un voleuse; il faut que tu m'aides à rester femme; la plus cruelle façon de m'oublier, ce serait de ne plus aimer. Dis-lui… (p. 142-143)”

Ce petit roman de 178 pages s'avère poignant… L'auteur nous entraîne dans un univers sombre et lumineux à la fois… Deux êtres vivent une rencontre; celle qui permet de retrouver un semblant d'espoir, celle qui soulève un vent de vérité, celle qui tente de donner un sens au néant… Deux êtres déroutés, seuls, attendent que cela passe…. Chacun a son chemin de croix à parcourir…

J'ai aimé tout particulièrement le sentiment d'entraide soulevé au fil des pages. L'entraide entre Michel et Lydia est admirable… Tout comme celle entre Michel et le Señor Galba. Cet éleveur de chien m'a beaucoup émue… Je ferme les yeux et j'imagine le caniche rose danser avec le chimpanzé et je trouve cela beau, burlesque, mystique… L'entraide entre le Señor Galba et son vieux chien apparaît également frappante…ils vivent fusionnés et ils sont angoissés par la perte de l'un ou de l'autre… D'ailleurs, le chien meurt quelques heures avant son maître…

Je suis un peu perturbée par cette lecture… c'est rare… je ne me souvenais pas de la force de ce texte… je vous encourage d'ailleurs à le lire.

De surcroit, Milan Kundera a participé à la rédaction du scénario basé sur ce roman. Romy Schneider et Yves Montand ont incarné les personnages principaux.

Bien à vous!
Lien : https://madamelit.wordpress...
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Deux solitudes, deux désespoirs face à face.
Un homme a connu plusieurs années d'une union de véritable amour mais la maladie rend inéluctable la mort de son épouse. Or cette femme veut choisir elle même le jour de son départ et le vivre dans la solitude. Mais elle lui a enjoint de la retrouver dans une autre. L'homme erre donc pendant une nuit, et croise une femme, elle même détruite par la mort de sa petit fille.

J'ai malheureusement peu adhéré à ce livre, que j'ai trouvé bavard et n'ai pas toujours compris.
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C'est magnifique. J'adore cet auteur. C'est une oeuvre profonde sur l'amour entre un homme et sa femme. Le style est poétique, puissant, drôle...tout ce que j'aime.
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J'ai pour principe de ne jamais relire un livre. Parce qu'on prend toujours un risque: celui de la désillusion. J'aurai voulu garder de "Clair de femme" cette magie du premier instant, celle qui me faisait dire que c'était le plus beau roman d'amour jamais écrit.
Bien sûr, j'ai retrouvé ces passages que j'avais tant aimé et que j'avais jalousement conservé, tel un petit trésor de beaux mots...Vous savez, ces mots réconfort, ceux qui font se sentir vivant et dont on espère, peut-être ,qu'un jour, on nous les murmurera à l'oreille...Je les connais presque par coeur mais je les ai redécouvert aujourd'hui dans un autre contexte que celui de ma mémoire...Romain Gary était un excentrique, un philosophe peut-être...Ce roman est un tourbillon où se mêle l'absurde, l'amour, la mort et l'infini. Quel que soit le moment, l'âge, où on le lit, on n'en sort pas indemne dès qu'on y plonge ou replonge...Les raisons sont différentes mais l'impact demeure...Si je n'avais qu'une conclusion à faire sur cette relecture, c'est que j'ai grandi...
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Je ne sais pas comment ça marche pour vous, mais si je sors d'une lecture avec le sourire aux lèvres, c'est que c'est bon signe pour le livre en question. Clair de Femme est de ceux-là.

L'histoire ne prête pourtant pas vraiment à sourire, car Michel et Yannik, couple amoureux autant qu'il est possible d'aimer, va bientôt être séparé par la maladie de Yannik. La preuve de l'amour de Yannik se trouve dans ses dernières volontés, car contrairement à la mère de Peau d'Âne, qui oblige son mari à trouver une femme plus belle qu'elle, le poussant ainsi au célibat puis à l'inceste, cette femme malade souhaite que Michel retrouve l'amour.
Yannik va donc mettre fin à ses souffrances durant la nuit et Michel doit partir loin d'elle, rencontrer cette femme, cette autre qui sera aussi un peu elle. Ce sera Lydia. Lydia partagera cette nuit tellement étrange qu'elle en devient hors du temps, et dont on a l'impression qu'elle a plus de leçons à donner que des années entières...

Cette nuit sera donc émaillée de rencontres et de réflexions sur la vie, sur l'amour, sur la mort. Un livre qui restera toujours un peu en moi et que je vous recommande absolument !
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