C'était le vent lavé par les distances, les vent des hautes régions qui ne tombe pas en volute sur les vallées, qui file droit et, par-dessus les montagnes, va brasser, au-dessus des mers, des mers de nuées parallèles et profondes. Un vent sans odeur, sans parfum, purifié de tous les atomes qui rappellent son passage sur la pente où fleurit le genêt, sur la combe aqueuse où sifflent les ruches, sur la roche limée qui se délite et lance un parfum minéral. Un vent que sa vitesse prive de toute autre qualité, un vent comme un choc.
La route, bloquée sur la crête, exhaussée par des monolithes de granit, s'enfonçait dans ce silence violent. Piste naturelle devenue route de conquête, ordonnée, élargie, remaniée au temps de la guerre des Cévennes, elle suivait le tracé de la draille gauloise, et, sous la poussée de la lande, suivie seulement par les troupeaux en transhumance, abandonnée au profit de la nouvelle route, elle redevenait une piste primitive, à peine protégée par endroits par son dallage ou par le lit de roches vives sur lequel elle avait creusé deux longues ornières. Trois maisons désertes, vides, crevées par les ans, la jalonnaient à peine sur près de quinze kilomètres.
André Chamson au musée Cévenol.