Pourquoi lire Jean d’Ormesson aujourd’hui ?
Homme de lettres, romancier, philosophe et chroniqueur français, Jean d’Ormesson est un auteur prolifique incarnant à la perfection la figure de l’esprit. Apprécié pour son style limpide et moderne, homme du bon mot et de la répartie, l’académicien occupe une place de choix sur la scène littéraire actuelle.
Issu d’une longue lignée d’aristocrates, le jeune Jean passe son enfance dans le château de sa mère à Saint-Fargeau, alors que son père traverse le monde en tant qu’ambassadeur. Élevé par des nourrices, il suit ses cours par correspondance jusqu’à l’obtention de son baccalauréat en 1943. Cette période de paisible jeunesse, il l’évoque dans son ouvrage
Au plaisir de Dieu, publié chez Gallimard en 1974. A l’âge où les enfants découvrent pour la plupart
Le Grand Meaulnes, Jean d’Ormesson, lui, se passionne pour
Chateaubriand, qui devient rapidement son modèle littéraire. Aujourd’hui, il affirme connaître la vie de l’auteur mieux que la sienne et lui a d’ailleurs consacré des années plus tard une biographie intitulée
Mon dernier rêve sera pour vous : Une biographie sentimental....
Adolescent, Jean d’Ormesson reçoit une éducation privilégiée, dans le respect des valeurs traditionnelles. Focalisé sur ses études, le futur écrivain ne pratique aucune activité pour se distraire et c’est pourquoi il réussit la performance d’intégrer l'École Normale Supérieure dès ses dix-neuf ans, après une hypokhâgne au lycée Henri IV. Conséquence de sa relative solitude enfantine, il confie une fois adulte que son arrivée en classe préparatoire et la découverte de la concurrence des autres élèves a constitué pour lui un véritable choc. Après deux tentatives et contre l’avis de ses professeurs, il obtient l’agrégation de philosophie en 1949 avant de devenir journaliste à
Paris Match. Attiré par les lettres, il n’a alors pas encore le projet d’en faire sa vie, comme il le livrera quelques années plus tard au même magazine “Ne comptez pas sur moi pour jouer la comédie de l'auteur dont la vocation était déjà affirmée à 12 ans. Je m'y suis mis à 30 ans pour épater une fille. Ensuite, je n'ai plus rien su faire d'autre alors qu'auparavant, cette idée ne m'avait jamais effleuré."
Mandaté par un ami de son père, il est nommé secrétaire général de l’UNESCO dont il deviendra président en 1992. Son premier roman,
L`amour est un plaisir est publié en 1956 chez Julliard, après avoir été refusé une première fois par Gallimard. Cet ouvrage, pourtant prometteur selon son éditeur le comparant déjà à
François Sagan, atteint péniblement les 2 000 exemplaires vendus. Il devra en effet attendre 1971 pour connaître son premier succès littéraire avec
La gloire de l`Empire pour lequel il reçoit le Grand Prix du roman de l’Académie française. Qualifié de “premier livre d’histoire-fiction” par
Jacques Le Goff qui en mesure déjà l’immense portée, l’ouvrage est salué par tous ses contemporains. Ce monument d’érudition constitue la chronique d’un royaume imaginaire où le pouvoir demeure des siècles durant entre les mains de deux familles rivales, menacées par les Barbares. Pastiche des grandes fresques, Jean d’Ormesson y mêle réflexion sur la fin des civilisations, fausse bibliographie à la
Jorge Luis Borges et réflexions sur le temps qui passe. Dès lors, son ascension ne cesse de progresser. Nommé directeur général du
Figaro,il commence alors à fréquenter les plateaux de télévision, qu’il ne quittera plus, considéré d’ailleurs comme l’un des piliers de l’émission Apostrophes.
1973 est l’année de son élection à l’Académie Française, au fauteuil 12, à la suite de
Jules Romains disparu quelques mois auparavant. Installé, il sera le grand artisan de l’entrée sous la Coupole de
Marguerite Yourcenar, la première femme admise dans l’illustre compagnie quelques années après lui. Le discours de réception qu’il rédigea à l’époque est resté dans les annales, qualifiant l’entrée de sa collègue de “révolution pacifique et vivante”, discours où il évoque d’ailleurs un questionnement toujours d’actualité concernant les mots sans déclinaison féminine, tels qu’écrivain, ministre ou mannequin. Devenu Immortel, il tente au travers de ses écrits de transmettre à la nouvelle génération ses réflexions philosophiques optimistes envers l’avenir bien que souvent teintées de nostalgie. Mais c’est suite à sa démission du
Figaro en 1977 qu’il décide de se consacrer plus pleinement encore à l’écriture. En effet, cette période est celle de la rédaction de nombreux romans souvent très détachés des conventions établies pour le genre. Entre humour et érudition, Jean d’Ormesson propose une sorte de parcours méditatif sur le temps qui passe, comme le montre par exemple Dieu, sa vie, son oeuvre, face auquel il parvient malgré tout à demeurer léger. Ces ouvrages, à la frontière entre le récit et l’essai et souvent forts de leurs bons mots, comportent une indéniable dimension autobiographique.
Plus les années passent et plus la reconnaissance s’invite sur le chemin de Jean d’Ormesson. Après l’Académie Française, c’est la prestigieuse collection de
La Pléiade qui lui ouvre ses portes en 2015, alors que l’écrivain est âgé de 89 ans. Quatre de ses romans sont alors publiés en un unique volume. Cette publication n’est pas sans déclencher une forte polémique autour de l’écrivain qui, comme toujours, sait prendre les devants sur les anicroches et profiter du débat public pour faire entendre sa voix.
Spectateur émerveillé du miracle de l’existence, Jean d’Ormesson invite ses lecteurs à contempler à ses côtés la beauté du monde ainsi qu’à entrevoir l’avenir comme une espérance. Tel un poisson dans l’eau, l’écrivain aux yeux pétillants occupe une place de choix au coeur de l’actualité et navigue sans vertige entre les multiples apparitions médiatiques qu’il offre sans relâche à un public toujours plus divers et plus grand.
Le saviez-vous ?
• Jean d’Ormesson a vécu dans l’appartement de ses parents jusqu’à l’âge de 37 ans
• Ses opinions sur la guerre du Viêt Nam lui valent des paroles très dures de la part de
Jean Ferrat dans la chanson
Un air de liberté
• Il a effectué son service militaire chez les commandos parachutistes à Vannes
• Persuadé d’être l’un des derniers, il écrit encore ses textes à la main
• Il est le dix-septième auteur à rentrer à la
Pléiade de son vivant
• Julien Doré s’est tatoué le nom de Jean d’Ormesson sur le bras gauche
• Il est le doyen de l’Académie française depuis la mort d’
Henri Troyat en 2007
• Il a joué le président François Mitterrand en 2012 dans le film
Les Saveurs du palais de Christian Vincent, avec Catherine Frot.
Chronologie
16/06/1925 : Naissance de Jean d’Ormesson à Paris
1943 : Il obtient son baccalauréat après un échec l’année précédente
1944 : Il intègre l'École Normale Supérieure afin d’y étudier les lettres et l’histoire
1949 : Jean d’Ormesson obtient après deux tentatives l’agrégation de philosophie
1950 : Il est nommé secrétaire général du Conseil International de la Philosophie et des Sciences Humaines à l’UNESCO
1956 : Publication de son premier roman,
L`amour est un plaisir1971 : Publication de son premier succès,
La gloire de l`Empire, pour lequel il obtient le Grand Prix du Roman de l’Académie Française
1973 : Jean d’Ormesson est nommé à l’Académie Française
1974 : L’écrivain devient directeur général du Figaro
1981 : Publication du roman
Dieu, sa vie, son oeuvre1992 : Il accède au siège de président de l’UNESCO
2012 : L’homme de lettres devient homme de cinéma en interprétant le Président François Mitterrand dans le film
Les Saveurs du Palais de Christian Vincent
2014 : Il est fait Grand Officier de l’Ordre de la Légion d’Honneur et publie
Comme un chant d`espérance2015 : Jean d’Ormesson fait son entrée dans
La PléiadeIls ont dit de Jean d’Ormesson…
François Mitterrand : “Bon lecteur de Jean d'Ormesson, je ne cacherai pas que prête davantage attention à ses gammes littéraires qu'à ses exercices politiques”
Marc Lambron : “Il est un
Roger Nimier sans sortie de route”
Jean-Marie Rouart : "C’est quelqu'un d'assez seul, n'aimant rien tant que se promener à poil sur un chemin corse, au milieu des chèvres, en regardant un beau paysage"
René-Henri Julliard : ”Le frère de Françoise Sagan”