Je tiens tout d'abord à remercier Babelio et les
Presses de la Cité pour ce formidable roman, reçu dans le cadre de l'opération Masse critique.
Ecrire un roman épistolaire est toujours un exercice quelque peu périlleux, surtout quand on ne s'appelle pas
Choderlos de Laclos. Etant donné le peu de descriptions dans ce genre de romans, les personnages ne sont parfois pas assez tangibles pour le lecteur.
Mais
Jessica Brockmole relève le défi avec beaucoup de talent. Ses personnages et les situations dans lesquelles elle les plonge sont tout à fait crédibles.
Les décors somptueux de l'Ecosse, dont l'auteur nous parle avec beaucoup de talent par le biais des lettres d'Elspeth, se dessinent peu à peu sous nos yeux, aussi "réels" que dans un roman traditionnel. Et Elspeht elle-même prend vie et s'anime de plus en plus au fur et à mesure de ses échanges de correspondance avec
David Graham, un jeune américain qui admire son talent de poétesse.
Chez
Jessica Brockmole, même les personnages "secondaires" de l'histoire d'Elspeth et de David deviennent attachants. Je pense ainsi à Màthair, la mère d'Elspeth. Au fil des lettres, Elspeth nous dépeint sa mère comme une femme profondément aimante et compréhensive, prête à tout pour défendre ses enfants et leur bien-être.
Ainsi, à une époque ou tromper son mari est un péché particulièrement honteux, elle n'hésite pas à encourager Elspeth ; à lui demander de continuer sa relation avec David malgré les commérages des voisins. Màthair voit bien à quel point sa fille est heureuse et, pour elle, c'est tout ce qui importe. Elle est devenue pour moi l'un des personnages les plus intéressant de ce roman.
Finlay, le frère d'Elspeth est également devenu, grâce aux échanges entre David et Elspeth, l'un de mes personnages préférés. Finlay écrit lui aussi dans ce roman (notamment à Margaret, sa nièce), mais ses propres lettres ne s'attardent pas sur lui-même. C'est donc la correspondance d'Elspeth qui nous en apprend plus sur Finlay. Grâce à la plume de sa soeur, on comprend que Finaly était, dans sa jeunesse, un artiste et un rêveur. Mais les difficultés de la vie, qui ne s'est pas déroulée comme il le souhaitait, l'ont transformé en un homme bourru et renfermé. Il faut dire que Finlay a participé à la Première Guerre mondiale et en est revenu mutilé physiquement et abîmé moralement.
La guerre... Un sujet récurrent dans ce roman, qui suit deux histoires parallèles. La première démarre en 1912 et se poursuit jusque 1919 et nous entraîne donc au coeur des conflits. David, qui s'est également engagé (dans l'American Field Service, un service d'ambulances) raconte, dans ses lettres à Elspeth, toute l'horreur de ce conflit au cours desquels les hommes sont devenus fous au point de s'entretuer. La seconde histoire, celle de Margaret, commence en 1940, avec la participation de la jeune fille au processus d'évacuation des enfants (qui étaient "placés" dans des familles à la campagne afin d'éviter les bombardements dont souffraient les grandes villes anglaises). Là aussi, les détails sont nombreux, dans les lettres de Margaret et dans celles de Paul (le fiancé de la jeune fille) et l'on comprend à quel point cette période a dû être traumatisante pour ceux qui l'ont vécue.
"
Une lettre de vous" est donc loin de la simple romance épistolaire. le roman aborde des sujets sérieux. Certaines lettres sont très émouvantes, d'autres révoltantes.
Mais heureusement, l'histoire d'Elspeth et de David se termine bien.
Une excellente découverte !