Ce qui semble au début être un recueil de nouvelles - l'oeuvre est effectivement issue d'un remaniement et d'une refonte de plusieurs récits indépendants originellement, est bien un roman, dans ce qu'il possède d'unité thématique dans son développement et dans la récurrence des personnages. On peut à bon droit affirmer que
les Irresponsables, dernier roman d'
Hermann Broch, est l'aboutissement logique et fatal du déclin progressif des valeurs mis en perspective dans le premier opus de l'auteur intitulé
les Somnambules. le présent ouvrage se propose de mettre en scène un certain type allemand, celui du petit bourgeois dépourvu de convictions politiques, aliéné par une indifférence éthique envers son devenir et la condition humaine de ses concitoyens. C'est pour cela qu'ils sont qualifiés d'irresponsables et cet état d'âme communément partagé fut le terreau grâce auquel le nazisme proliféra.
Les Irresponsables baigne dans une atmosphère onirique et symbolique, ce qui lui permet paradoxalement d'évoquer la période préhitlérienne avec plus d'acuité et de justesse que s'il avait adopté les codes du naturalisme. Ce dernier ouvrage est indéniablement l'opus le plus "abordable" des trois grands romans de l'auteur : il n'a ni les dimensions intimidantes des Somnambules, ni la complexité formelle de la Mort de
Virgile. Une introduction idéale dans l'univers du grand écrivain viennois. Au terme de ce cycle de lecture de l'auteur la préférence subjective du scripteur se porte sur
les Somnambules.