Autant le dire tout de suite, cette histoire ne comporte que deux évènements : la rencontre, début de relation amoureuse platonique entre le narrateur et Louise Amour, et sa fin brutale.
Et pourtant, ces quelques 140 pages, sont une nouvelle plongée extatique dans le monde si particulier de Christian Bobin...Juste la longueur qu'il faut pour ne pas s'ennuyer...Une oeuvre de Bobin, c'est un diamant ciselé, chaque mot est recherché, pesé, assemblé à d'autres plus beaux les uns que les autres pour offrir un joyau.
Louise Amour personnifie les charmes de l'amour, elle est parfumeuse et pour promouvoir sa nouvelle création elle a invité le narrateur, dont elle a repéré dans une revue les talents d'écrivain poète, amateur de théologie.
Nous sommes ici happés, comme engloutis dans une ambiance quasi-onirique, où la beauté et la féminité de Louise Amour sont indissociables du monde saturé de sensualité où elle évolue et où elle entraîne le narrateur, qui s'y perd corps et âme...les fleurs, la nature, couleurs et senteurs sont omniprésentes, sans oublier une spiritualité incarnée par Vézelay (chère à mon coeur d'icaunais d'origine !), où Louise Amour y a une maison en plus de son appartement parisien. Nous sommes invités à plusieurs reprises sur la colline éternelle et ses environs, mais aussi dans une roseraie enchantée de Touraine...
Si je me hasardais à une comparaison avec l'univers pictural, je trouve que l'ambiance de rêve permanent, les couleurs, la quasi-déification de l'image de cette femme, l'amour personnifié, les symboles (la neige noire, image répétée pour le deuil) évoquent précisément le symbolisme d'un Gustave Moreau, ou les ors, couleurs et formes hypnotiques du sécessionniste Gustav Klimt...
Certains n'aimeront pas, pour cause d'ennui ? Pour ma part, j'y ai trouvé un pur plaisir de lecture, de la grande littérature comme on n'en trouve plus aujourd'hui, pour se ressourcer l'espace de quelques heures hors de ce monde de fous...
A quand l'inscription au programme d'étude des collégiens ou lycéens de France ?
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Tout est bon chez Bobin. Les mots, les personnages, les sentiments. À travers l'histoire de ce doctorant en théologie, tombé "en amour" d'une célèbre créatrice de parfums au nom évocateur, c'est une vision poétique du désir amoureux que nous offre cet auteur inspiré, plus de quatre siècles après la "Carte du Tendre". Un plaisir de lecture infini, aux multiples réminiscences, avec un certain parfum de "Nadja", qui ravira les amateurs de beaux livres…
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Ma vie s’était passée dans les livres, loin du monde, et j’avais, sans le savoir fait avec mes lectures ce que les oiseaux par instinct font avec les branches nues des arbres : ils les entaillent et les triturent jusqu’à en détacher une brindille bientôt nouée à d’autres pour composer leur nid.
Dieu,quand il circule à son aise sous la peau d’un visage,quand il se multiplie par les étroits sentiers des veines,fais monter dans les yeux de ce visage un brin de nostalgie,une retenue,une pudeur.
Qu'y avait-il dans cette voix qui me fascina à ce point ? Il y avait un suave mélange de miel, d'ombre humide comme peut en donner le feuillage d'un saule pleureur, et une lenteur aussi, une lenteur qui semblait soustraire celle qui parlait à l'impatience vulgaire de ce monde. La voix de Louise Amour était comme la promesse lointaine - aussi lointaine que les étincelles d'un ciel d'orage - d'une jouissance surabondante. Si les yeux de Louise Amour étaient souvent baissés, c'était par pudeur. Sa voix, sans qu'elle eût jamais besoin de la forcer, promettait des fêtes charnelles à faire rougir les anges.
Les paroles appellent, les visages fascinent, les gestes aimantent et soudain tout ce complot du visible échoue, soudain nous devenons rêveurs c'est-à-dire ramenés à l'essentiel par la vue d'une fleur si pauvre, si proche de la terre qu'il faut presque s'agenouiller pour bien la voir et méditer sa leçon de silence.
(Gallimard, 2004, p. 121)
J'y découvris ce que l'école avait commencé de me montrer : l'horreur absolue de toute société. Il n'y a que le ciel qui puisse nous lier les uns aux autres, jetant sur nos âmes assemblées par le hasard d'une rencontre, un filin de lumière, puis tirant d'un seul coup pour tout ramener dans le grand air des paroles vraies, là où seulement il est possible de respirer.
Avec Catherine Cusset, Lydie Salvayre, Grégory le Floch & Jakuta Alikavazovic
Animé par Olivia Gesbert, rédactrice en chef de la NRF
Quatre critiques de la Nouvelle Revue Française, la prestigieuse revue littéraire de Gallimard, discutent ensemble de livres récemment parus. Libres de les avoir aimés ou pas aimés, ces écrivains, que vous connaissez à travers leurs livres, se retrouvent sur la scène de la Maison de la Poésie pour partager avec vous une expérience de lecteurs, leurs enthousiasmes ou leurs réserves, mais aussi un point de vue sur la littérature d'aujourd'hui. Comment un livre rencontre-t-il son époque ? Dans quelle histoire littéraire s'inscrit-il ? Cette lecture les a-t-elle transformés ? Ont-ils été touchés, convaincus par le style et les partis pris esthétiques de l'auteur ?
Et vous ?
Au cours de cette soirée il devrait être question de Triste tigre de Neige Sinno (P.O.L.) ; American Mother de Colum McCann (Belfond), le murmure de Christian Bobin (Gallimard) ; le banquet des Empouses de Olga Tokarczuk (Noir sur Blanc).
À lire –
Catherine Cusset, La définition du bonheur, Gallimard, 2021. Lydie Salvayre, Depuis toujours nous aimons les dimanches, le Seuil, 2024. Grégory le Floch, Éloge de la plage, Payot et Rivages, 2023. Jakuta Alikavazovic, Comme un ciel en nous, Coll. « Ma nuit au musée », Stock 2021.
Lumière par Valérie Allouche
Son par Adrien Vicherat
Direction technique par Guillaume Parra
Captation par Claire Jarlan
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