Pierre Benoit, on le sait, est un grand voyageur. Quand ce n'est pas personnellement, c'est avec sa plume qu'il promène ses héros et ses héroïnes (dont le prénom commence invariablement par un A) tout autour de la planète. Aujourd'hui, c'est en Irlande qu'il nous emmène, une Irlande moins touristique qu'aujourd'hui, plus âpre et surtout en période d'insurrection latente qui amènera à l'indépendance (de l'Eire) en 1922, non sans passer par des phases dramatiques comme les évènements tragiques de Pâques 1916, autour desquels s'articule le roman. C'est donc à la fois un roman d'aventure et de romance, dans la manière habituelle de
Pierre Benoit, mais ici l'exotisme est relatif, remplacé par une évocation historique récente (le roman paraît 6 ans après les évènements) :
En 1894, à Aix-les-Bains,
François Gérard fait la connaissance d'Antiope, une adolescente irlandaise de son âge, et tous deux, le temps d'un été, deviennent amis. le temps passe, la guerre avec son cortège d'horreurs et d'atrocités, Gérard est blessé et démobilisé. Un malentendu bizarre va changer sa vie. Il est un jour abordé par un homme qui lui propose une mission en Irlande. En fait, l'homme pensait s'adresser à un autre
François Gérard, professeur de langues, partisan de l'indépendance irlandaise. Quand François (le nôtre) apprend que son contact en Irlande sera le comte d'Antrim, le père d'Antiope, il n'hésite plus et accepte d'endosser la personnalité de son homonyme… avec tous les dangers que cela suppose.
La Chaussée des Géants est un site naturel volcanique sur le côté nord de l'Irlande, dans le comté d'Antrim (tiens donc) à 93 km au nord de Belfast.
Compte tenu du contexte, et notamment de la richesse historique du sujet, on aurait pu penser que
Pierre Benoit donnerait une dimension plus épique, voire plus politique au récit. Il s'en est tenu à sa manière habituelle, mélange d'aventure et de romance, avec parfois une touche (très) légère d'érotisme (pas tellement dans cet ouvrage-ci) … C'est sans doute dommage, on pouvait espérer mieux. Question de lectorat, sans doute. Ou bien d'éditeur, allez savoir. Cela n'empêche pas pour autant, le roman d'être très agréable à lire, avec de l'action, des rebondissements, des personnages bien campés… tout ce qu'on aime.
Ne croyez pas que
Pierre Benoit, futur président de la Société des Gens de Lettres (en 1929), et futur membre de l'
Académie Française, (en 1931), soit quelqu'un de guindé bardé dans des idées étriquées. Depuis ses débuts, il faisait les choux gras des journalistes qui se délectaient de ses aventures galantes, et de ses canulars : Pour accompagner la sortie en librairie de «
La Chaussée des Géants », il simula son propre enlèvement par des agents du Sinn Fein. Je doute que ce genre de plaisir ait aujourd'hui le même accueil.
Quoiqu'il en soit, même si «
La Chaussée des Géants » n'est pas aussi pleinement réussi que
Koenigsmark ou
l'Atlantide, ou les romans « métropolitains » de l'auteur, comme «
Mademoiselle de la Ferté » (que beaucoup regardent comme son chef-d'oeuvre), ne boudez pas votre plaisir. Avec
Pierre Benoit, vous êtes toujours assuré, ou assurée, d'en avoir pour votre argent, en plaisir de distraction et de dépaysement.