AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Anne-Laure Tissut (Traducteur)
EAN : 9782330188757
208 pages
Actes Sud (06/03/2024)
3.8/5   354 notes
Résumé :
Pour Sy Baumgartner, auteur et professeur de philosophie à l'université de Princeton, la vie n'a plus la même saveur depuis la mort de son épouse Anna, emportée par une vague à Cape Cod neuf ans plus tôt. Tandis que Baumgartner, désormais âgé de soixante-et-onze ans, continue de lutter pour vivre en son absence, le roman se déploie sinueusement en spirales de souvenirs et de réminiscences, de leur rencontre, étudiants, à New York aux quarante années de leur passion ... >Voir plus
Que lire après BaumgartnerVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (67) Voir plus Ajouter une critique
3,8

sur 354 notes
Egalement scénariste et réalisateur, Paul Auster s'est imposé comme un auteur majeur du post-modernisme. A 77 ans et atteint d'un cancer, il publie ce qu'il annonce comme probablement son dernier livre, un ouvrage dense et court, où la marée des souvenirs assaille un écrivain vieillissant, tourmenté par la perte de sa femme et par les premières défaillances de l'âge.


Dans ce récit, où est le vrai, où est le faux ? Alter ego de l'auteur, Sy Baumgartner est un éminent professeur d'université en même temps qu'un auteur respecté. Mais, à plus de soixante-dix ans, le terme du voyage se fait pressentir. Même si, et pas seulement en esprit, l'homme n'a toujours rien lâché de ses activités, oeuvrant son relâche à son dernier ouvrage, il lui faut bien reconnaître que des détails commencent à le trahir. Veuf depuis dix ans, il a de soudaines absences, se brûle avec une casserole oubliée sur le feu, tombe dans l'escalier de la cave et ne se souvient plus de ses rendez-vous. le mari de sa femme de ménage s'étant accidentellement sectionné plusieurs doigts, le « syndrome du membre fantôme » lui inspire une « métaphore de la souffrance humaine et de la perte ». Ayant perdu la moitié de lui-même, il se voit en « moignon humain », souffrant de tous ses membres manquants.


Alors, irrépressiblement et de plus en plus souvent, les souvenirs éparpillés telles les pièces d'un puzzle envahissent le présent comme dans une tentative de recomposer sa vie : son enfance, l'histoire de ses parents entre Europe et Amérique, et, toujours et surtout, son coup de foudre pour Anna – Blume, comme la narratrice de l'un des premiers romans d'Auster –, leur long mariage heureux mais sans enfant, son admiration pour celle qui, poétesse et traductrice, ne s'est jamais souciée de publier son oeuvre, restée à l'état de manuscrits épars. Tout à son deuil impossible, en même temps qu'il continue inlassablement à plier les vêtements de l'aimée disparue, il rêve, à défaut de pouvoir lui redonner chair, de la faire revivre par l'esprit en faisant connaître ses écrits. Et le miracle se produit : éblouie par le recueil de poèmes qu'il a soigneusement choisis dans les tiroirs d'Anna pour une édition posthume, surgit une étudiante et son projet de thèse, une fille brillante, intellectuellement la copie de la morte, qui pourrait bien devenir une fille spirituelle, celle par qui la mémoire se transmet au lieu de se perdre.


Mettant, comme il sait si bien le faire, son style dépouillé au service d'un enchâssement d'histoires pleines d'incidents et de détails riches de sens, Paul Auster tisse les fils d'un récit poignant, non dénué d'humour, où amour, vieillesse et deuil trouvent, dans l'exploration de la mémoire et dans sa transmission, une continuité pleine de vitalité et d'espérance. Un dernier livre qui s'achève sur une épiphanie : la littérature ne meurt jamais et, à travers elle, ses auteurs non plus.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          12812
Ce roman est le dernier du grand écrivain qui a tiré sa révérence en avril 2024. Atteint d'un cancer, Paul Auster aurait pu nous offrir un roman âpre et désenchanté. Que non ! c'est, au contraire, un récit lumineux, mélancolique et teinté d'humour sur la vieillesse et le deuil d'un grand amour.
Le héros, Baumgartner, est professeur d'université et écrivain, il est né en 1947, tout comme Paul Auster. Alors, faut-il parler de biographie romancée ? Certains éléments le laisseraient penser, comme cette évocation du père, juif polonais. A chaque lecteur de se faire son idée !
La vie de Baumgartner vieillissant n'est pas facile tous les jours. Ce matin, il se brûle avec la casserole oubliée sur le feu puis il chute dans l'escalier.
Son genou resté douloureux après la chute, Baumgartner travaille à son essai sur Kierkegaard et réfléchit à une nouvelle idée. Souvent, ses pensées vont vers Anna Blume, son épouse décédée dix ans auparavant. S'il ressent moins cruellement son absence, elle est toujours très présente et continue à le visiter en rêve.

« Durant les six premiers mois, il a vécu dans un état de confusion si profonde qu'il lui arrivait parfois de se réveiller le matin en ayant oublié qu'Anna était morte. »

Vieillir, c'est perdre peu à peu ses facultés et si l'ancien professeur est toujours absorbé par l'écriture, ce sont les petites vicissitudes de la vie qui sont plus difficiles à maitriser.
Tout en racontant son présent de vieil homme, Baumgartner explore le passé. Il fait revivre pour nous sa rencontre avec Anna et leur grand amour. Il partage avec nous les poèmes d'Anna qu'il a fait publier, raconte ses projets d'écriture. Entre ses souvenirs se glissent des passages du journal d'Anna.
Une rencontre va bouleverser le vieil homme et le sortir de sa solitude, celle avec Bebe Coen désireuse d'écrire une thèse sur l'oeuvre d'Anna Blume.

« Une parfaite inconnue il y a deux mois à peine, elle est maintenant devenue la personne la plus importante dans sa vie. Ils ne se sont toujours pas rencontrés et ne se sont vu qu'en photo et sur les écrans numériques, mais la vérité est que Baumgartner l'aime déjà autant que la fille qu'il aurait eue avec Anna si cela avait été possible. »

Une nouvelle page s'ouvre pour Baumgartner que le lecteur ne peut qu'imaginer.

Empreint de mélancolie et de douceur, ce roman nous entraine dans la vieillesse de ce personnage solitaire qu'est Baumgartner mais toujours habité par le souvenir bien vivant d'Anna. La vie est faite de hasards et de concours de circonstances, et c'est ce fils que nous suivons tout au long du récit qui suit les pensées sinueuses du héros
Je me suis très vite prise d'affection pour le vieil homme car Paul Auster a su mettre le lecteur dans une complicité immédiate et c'est avec regret que je l'ai quitté à la page 200.
Un roman que j'ai beaucoup aimé, tant pour le style que pour le thème abordé.


Commenter  J’apprécie          951
C'est avec une infinie tristesse que j'ai appris la mort de Paul Auster, ma seule consolation c'est qu'alors qu'il rendait son dernier soupir, il était dans sa bibliothèque au milieu de livres, et moi j'étais avec lui en achevant son dernier livre: Baumgartner.
Son dernier livre ne déroge absolument pas au monde de Paul Auster qu'il a tissé au cours du temps et de tous ses livres
L'évocation d'un univers nostalgique, des lieux intemporels et d'autres qui n'existent plus que dans la mémoire, à la magie de la vie, aux méandres labyrinthiques de nos mémoires, à la force et le pouvoir fabuleux d'aimer et d'être aimé.
Baumgartner, ce vieux monsieur qui tente de survivre à la perte irrémédiable de son amour, de son alter ego: Anna.
C'est avec tellement de délicatesse, de pudeur qu'il nous plonge dans ce deuil ,que nous entendons encore Anna taper sur sa machine à écrire.
Les mots de Paul Auster sont bouleversants, poignants, ils nous touchent car ils nous concernent, nous parlent.
Un après-midi, alors qu'il est très mal installé dans un transat, il nous embarque dans l'histoire des siens, nous parle de son père, de sa mère, de son voyage qui le conduit " à travers les terres baignées de sang d'Europe de l'Est, au centre de la scène d'horreur des massacres du XXe siècle et si l'homme -ombre qui a donné son nom à ma mère n'avait pas quitté cette partie du monde au moment où il le fit, je ne serais jamais né"
Le hasard, la chance, un moment infinitésimal comme le dira plus tard Jankélévitch et tout est joué ou déjoué.
Paul Auster et l'un de mes plus grands amis littéraires avec Proust, Gide et Makine.
Commenter  J’apprécie          8610
C'est toujours une grande tristesse de savoir qu'un écrivain s'en est allé pour un autre monde.

Et quand c'est l'auteur de la Trilogie new-yorkaise, bien sûr, mais aussi de ceux que j'ai préférés personnellement comme « Dans le scriptorium », « La nuit de l'oracle », « Brooklyn Folies » ou encore « 4,3,2,1 » - mon préféré ?
Paul Auster est né le 3 février 1947 et est mort le 30 avril cette année à Brooklyn. New York, c'est toute sa vie et toute son oeuvre.
Paul Auster a aussi été marié à Siri Hustvedt : écrivaine américaine, poétesse, essayiste, chargée de cours en psychiatrie à l'université, elle est l'autrice de « Un monde flamboyant » (que j'avais chroniqué à l'époque), de « Elégie pour un Américain » ou surtout de « Tout ce que j'aimais », sans doute mon préféré, un livre qui m'a beaucoup marqué.

Si je fais ce rappel bibliographique, c'est que « Baumgartner » a beaucoup de correspondance avec sa propre vie.

On découvre le narrateur, Baumgartner, alors qu'il se tient seul dans sa maison, écrivain plongé dans un essai sur Kierkegaard, veuf inconsolable après le décès de sa femme bien-aimée.

Ce matin-là, il va délaisser son bureau d'écriture pour découvrir qu'il a laissé brûler une casserole ancestrale, datant de l'époque heureuse de sa jeunesse avec sa femme, et il va connaître un accident domestique avec une chute dans l'escalier de sa cave : une chute métaphorique comme souvent sous la plume de Paul Auster.


Sur le fond, le personnage de Baumgartner ne parvient à se résoudre à la solitude. Avec sa femme adorée, Anna Blume, il a tout partagé : une carrière universitaire, la lecture des poèmes qu'elle écrivait, mais qu'elle se refusait à publier, la galère des débuts difficiles et l'achat d'un appartement à New York grâce à l'unique cadeau de mariage des parents d'Anna, de riches bourgeois dont Anna ne veut pas dépendre, mais dont elle acceptera néanmoins le coup de pouce pour les jeunes mariés.

Evidemment on joue au jeu des 7 différences : entre Anna Blume, l'épouse adorée de Baumgartner, et Siri Hustvedt, l'épouse de Paul Auster, les correspondances sont fortes.
Mais dans le livre elle a disparu et notre personnage d'écrivain ne s'en remet pas.

Un moment attiré par une autre femme, mais ridiculisé par sa demande en mariage qui échoue totalement, il trouve un exécutoire à sa douleur avec le projet d'éditer un recueil de poésies de son épouse disparue. Et rencontra enfin une jeune universitaire passionnée aussi par l'oeuvre d'Anna Blume : un rayon de soleil final pour éclairer la fin du roman, et la fin de vie de l'auteur vieillissant.

Car de la vieillesse il en est bien question, et de la perte de l'être aimée qui le tourmente comme ses membres fantômes qui tourmentent ceux qui ont l'impression que leur membre est toujours présent.

De la nostalgie, de la mélancolie, mais aussi une réflexion sur la mémoire – passage très émouvant dans lequel Baumgartner (Auster ?) découvre l'Ukraine, terre de ses ancêtres et fait dans le village natal de ses grands-parents une curieuse rencontre.

On suit le fil des pensées de l'auteur qui dévide son histoire à coup de réminiscence et on le suit sans difficultés. Unique en son genre, on reconnaît instantanément le style Auster, même s'il est ici teinté de nostalgie.

Pour moi ce roman est le pendant direct de « Brooklyn Folies » qui était solaire et lumineux, là où « Baumgartner » a à voir avec la lune et la mélancolie.

Mais une mélancolie bénéfique qui fait du bien à lire.
Et qui nous donne envie de saluer une dernière fois l'artiste américain : adieu Mr Paul Auster.
Commenter  J’apprécie          5114
Je lis Paul Auster depuis que j'ai 18 ans, cela fait un bail. J'ai lu tous ses romans, je les attends toujours avec impatience. le petit dernier n'a rien d'exceptionnel mais je l'ai savouré avec délectation.

Seymour Baumgartner est un septuagénaire qui est veuf depuis une dizaine d'années. Sa femme, Anna Blume (comme le personnage d'un autre roman), s'est tuée lors d'une baignade en mer. Il va raconter leur vie mais pas de manière chronologique. le fleuve de la mémoire peut se perdre parfois dans des détails évanescents.

On y retrouve des références austériennes comme le baseball, cela m'a donné envie de revoir « Une équipe hors du commun » (Penny Marshall, 1992) sur une ligue féminine de baseball. Anna était très douée à ce jeu réservé aux garçons à partir d'un certain âge.

L'auteur parle de la mort et du deuil. La perte de certaines personnes donne l'impression d'avoir été amputé et il associe l'absence à la sensation du « membre fantôme ».

La vie est dangereuse mais il faut la vivre, nous n'en avons qu'une. Elle nous réserve parfois des surprises.

J'ai beaucoup aimé les petites histoires dans l'histoire dont celle de Frankie Boyle.

Je n'ai pas compris la fin mais elle est ouverte et laisse la place à l'imagination.




Challenge multi-défis 2024 (31)
Commenter  J’apprécie          543


critiques presse (17)
LesEchos
03 juin 2024
Le grand écrivain new-yorkais met en scène un professeur de philo septuagénaire qui ne peut faire son deuil de la femme qu'il a tant aimée. On y retrouve Anna Blume, l'un des premiers personnages austériens.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LeSoir
02 mai 2024
L'ultime roman de Paul Auster, paru en mars dernier, concluait brillamment une oeuvre monumentale.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Culturebox
30 avril 2024
L'été dernier, son épouse Siri Hustvedt annonçait que l'écrivain se battait contre un cancer. Elle présentait aussi "Baumgartner" avec ces mots : "C'est un petit livre tendre et miraculeux." La lecture du roman lui donne raison. Mais sera-t-il le dernier livre de Paul Auster
Lire la critique sur le site : Culturebox
LaPresse
30 avril 2024
Roman qui arrive comme un cadeau précieux puisqu'on sait que Paul Auster est atteint d'un cancer, Baumgartner aurait pu être un récit triste et crépusculaire. Mais ce serait compter sans la finesse de l'humour, la lucidité parfois terrible, parfois amusée, et bien sûr l'intelligence aussi élégante que redoutable.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LaLibreBelgique
29 avril 2024
Le grand écrivain américain publie ce qui pourrait être son dernier roman, sur le deuil, l'écriture et l'amour.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
SudOuestPresse
29 avril 2024
Dans son nouveau roman, Paul Auster prouve qu'il reste un écrivain de premier plan capable de s'engouffrer dans les petits riens de l'existence pour en tirer le meilleur parti.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LePoint
19 mars 2024
Dans Baumgartner, roman bref et profond, l'écrivain américain dresse le bilan d'une existence, offrant a l'être aime la première place.
Lire la critique sur le site : LePoint
RevueTransfuge
19 mars 2024
Formidable roman que ce Baumgartner de Paul Auster, personnage vieillissant entre désir de vie et remémoration.
Lire la critique sur le site : RevueTransfuge
LaTribuneDeGeneve
18 mars 2024
Entre deuil et mémoire, le dernier roman de l'auteur américain multiplie les pistes sur lui-même.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
LeFigaro
08 mars 2024
Dans son nouveau roman, l'écrivain américain a perdu la virtuosité de la Trilogie new-yorkaise. Reste la bonne vieille métafiction, les références littéraires et une prose qui traîne les pieds.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeMonde
08 mars 2024
La magie de la première phrase, des premiers paragraphes… Auster en est décidément un des maîtres. En quelques mots, il plonge le lecteur dans le grand bain du récit, et formule une ou plusieurs énigmes qui seront peut-être résolues à la fin du texte.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeMonde
08 mars 2024
Le grand écrivain américain livre un roman bouleversant sur la souffrance, le deuil et l’amour, où s’entremêlent souvenirs fictifs et autobiographiques.
Lire la critique sur le site : LeMonde
OuestFrance
07 mars 2024
Partant d’un écrivain veuf de 70 ans à peu près reclus, l’auteur américain parvient à bâtir un roman fourmillant d’histoires et d’idées sur le passé, le présent, la nature de l’existence et même celle de l’au-delà !
Lire la critique sur le site : OuestFrance
LesEchos
05 mars 2024
Dans « Baumgartner », le grand écrivain new-yorkais sonde la mémoire d'un prof de philo septuagénaire qui ne peut faire son deuil de la femme qu'il a tant aimée. On y retrouve Anna Blume, l'un des premiers personnages austériens.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LesEchos
05 mars 2024
Dans « Baumgartner », le grand écrivain new-yorkais sonde la mémoire d'un prof de philo septuagénaire qui ne peut faire son deuil de la femme qu'il a tant aimée. On y retrouve Anna Blume, l'un des premiers personnages austériens.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LesEchos
05 mars 2024
Dans « Baumgartner », le grand écrivain new-yorkais sonde la mémoire d'un prof de philo septuagénaire qui ne peut faire son deuil de la femme qu'il a tant aimée. On y retrouve Anna Blume, l'un des premiers personnages austériens.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LesEchos
05 mars 2024
Dans « Baumgartner », le grand écrivain new-yorkais sonde la mémoire d'un prof de philo septuagénaire qui ne peut faire son deuil de la femme qu'il a tant aimée. On y retrouve Anna Blume, l'un des premiers personnages austériens.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (65) Voir plus Ajouter une citation
Pour le moment, tout s’est arrêté. Baumgartner a écrit la dernière phrase du dernier paragraphe du dernier chapitre des Mystères de la roue, et à présent, durant le mois qui vient environ, il doit oublier que le livre est achevé ou qu’il a même jamais entrepris de l’écrire. Baumgartner se réfère à cette période de post-composition comme l’effondrement ou Mrs Dolittle pompette, ou pour faire écho au slogan de la vieille pub Coca-Cola de son enfance, la pause fraîcheur. C’est l’étape fondamentale vers l’achèvement d’un livre, car après avoir vécu avec le livre en cours chaque jour et chaque nuit, parfois pendant quelques années, voire de nombreuses, on en est si proche quand on s’arrête d’écrire que l’on n’est plus capable de le juger. Et surtout, les mots vous sont devenus si familiers qu’ils sont morts sur la page, et les regarder maintenant vous plongerait dans des spasmes de dégoût si intenses que vous pourriez être tenté de détruire le manuscrit dans un accès de colère ou de désespoir. Dans l’intérêt de votre santé mentale, et dans celui de ce qui peut être sauvé du désastre que vous avez vous-même causé, il faut vous forcer à prendre du recul et laisser ce fichu livre tranquille jusqu’à ce qu’il soit complètement détaché de vous, au point que quand vous oserez le reprendre, vous ayez le sentiment de le découvrir pour la première fois.
Commenter  J’apprécie          240
Après que Baumgartner a rêvé ce rêve, quelque chose commence à changer en lui. Il a parfaitement conscience que le téléphone déconnecté n’a pas sonné, qu’il n’a pas entendu la voix d’Anna, que les morts ne continuent pas à vivre dans un état de non-existence consciente, et pourtant, tout irréel qu’ait été le contenu du rêve, il en a fait l’expérience réelle, et les choses qu’il a vécues dans son sommeil cette nuit-là n’ont pas disparu de ses pensées comme le font la plupart des rêves. Six jours se sont écoulés depuis. C’est court, néanmoins Baumgartner a le sentiment d’avoir été précipité dans un nouvel espace intérieur, et que les circonstances de sa vie ont été modifiées. Il n’est plus prisonnier d’un caveau sans fenêtre mais se trouve quelque part à la surface du sol, toujours coincé dans une pièce, peut-être, mais au moins celle-là a une fenêtre à barreaux en haut du mur extérieur, ce qui signifie que la lumière s’y répand pendant la journée, et s’il s’allonge sur le sol et place la tête selon le bon angle, il peut regarder les nuages en l’air et en étudier le cours dans le ciel. Tel est le pouvoir de l’imagination, se dit-il. Ou, tout simplement, le pouvoir des rêves. De la même façon qu’une personne peut être transformée par les événements imaginaires narrés dans une œuvre de fiction, Baumgartner a été transformé par l’histoire qu’il s’est racontée en rêve. Et si la pièce jadis sans fenêtre en a une à présent, qui sait si un jour ne viendra pas, dans un avenir proche, où les barreaux auront disparu et où il pourra enfin, en se traînant, sortir à l’air libre.
Commenter  J’apprécie          150
Pour le moment, tout s’est arrêté. Baumgartner a écrit la dernière phrase du dernier paragraphe du dernier chapitre des « Mystères de la roue », et à présent, durant le mois qui vient environ, il doit oublier que le livre est achevé ou qu’il a même jamais entrepris de l’écrire. Baumgartner se réfère à cette période de post-composition comme « l’effondrement » ou « Mrs Doolittle pompette », ou pour faire écho au slogan de la vieille pub Coca-Cola de son enfance, la pause fraîcheur.
C’est l’étape fondamentale vers l’achèvement d’un livre, car après avoir vécu avec le livre en cours chaque jour et chaque nuit, parfois pendant quelques années, voire de nombreuses, on en est si proche quand on s’arrête d’écrire que l’on n’est plus capable de le juger.
Et surtout, les mots sont devenus si familiers qu’ils sont morts sur la page, et les regarder maintenant vous plongerait dans des spasmes de dégoût si intenses que vous pourriez être tenté de détruire le manuscrit dans un accès de colère ou de désespoir. Dans l’intérêt de votre santé mentale, et dans celui de ce qui peut être sauvé du désastre que vous avez-vous-même causé, il faut vous forcer à prendre du recul et laisse ce fichu livre tranquille jusqu’à ce qu’il soit complètement détaché de vous, au point que quand vous oserez le reprendre, vous ayez le sentiment de le découvrir pour la première fois.
Commenter  J’apprécie          140
Il est vrai néanmoins que toutes les heures n’étaient pas perdues en distractions insensées, et en poursuivant son étude des manuscrits non publiés des deux cent seize poèmes écrits par Anna au cours d’une quarantaine d’années, il compris que ce travail était plus qu’assez bon pour être diffusé. Pas tout peut-être, mais les quatre-vingts ou cent meilleurs feraient un beau livre, aussi Baumgartner se lança-t-il dans le projet de publier un recueil de poèmes d’Anna, qui fut la seule chose tangible qu’il accomplit durant ces mois de perdus et informes, puisque le livre finit par paraître dans une maison d’édition de petite taille mais de bonne réputation dans les milieux d’avant-garde, Redwing Press, dotée d’un distributeur assez efficace pour vendre le premier tirage en dix-huit mois et aussitôt lancer un deuxième tirage suivi d’un troisième quatre ans plus tard. Les chiffres étaient réduits, bien sûr, mais étant donné que la poésie n’était pas une planète mais un minuscule astéroïde errant parmi les espaces célestes de la littérature américaine, Anna avait trouvé sa propre petite place au firmament.
Commenter  J’apprécie          160
La solitude tue, Judith, et petit bout par petit bout, elle te ronge jusqu'à ce que ton corps entier soit dévoré.Une personne n'a pas de vie sans relation à d'autres, et si on a la chance d'avoir une relation profonde avec une autre personne, si profonde que l'autre est aussi important à tes yeux que tu ne l'est toi-même,alors la vie devient plus que possible,elle devient bonne.
Commenter  J’apprécie          393

Videos de Paul Auster (51) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Paul Auster
C à vous en intégralité https://bit.ly/CaVousReplay C à vous la suite en intégralité https://bit.ly/ReplayCaVousLaSuite — Abonnez-vous à la chaîne YouTube de #CàVous ! https://bit.ly/2wPCDDa — Et retrouvez-nous sur : | Notre site : https://www.france.tv/france-5/c-a-vous/ | Facebook : https://www.facebook.com/cavousf5/ | Twitter : https://twitter.com/CavousF5 | Instagram : https://www.instagram.com/c_a_vous/ L'Oeil de Pierre Lescure - Paul Auster : New York et la France le pleurent
autres livres classés : vieillesseVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (856) Voir plus



Quiz Voir plus

Paul Auster

Sous quel pseudonyme a-t-il publié un roman ? (indice : ce pseudonyme est également le nom de certains de ses personnages)

Paul Dupin
Paul Retsua
Paul Benjamin
Paul Palace

10 questions
295 lecteurs ont répondu
Thème : Paul AusterCréer un quiz sur ce livre

{* *}