C'est toujours une grande tristesse de savoir qu'un écrivain s'en est allé pour un autre monde.
Et quand c'est l'auteur de la Trilogie new-yorkaise, bien sûr, mais aussi de ceux que j'ai préférés personnellement comme «
Dans le scriptorium », «
La nuit de l'oracle », « Brooklyn Folies » ou encore «
4,3,2,1 » - mon préféré ?
Paul Auster est né le 3 février 1947 et est mort le 30 avril cette année à Brooklyn. New York, c'est toute sa vie et toute son oeuvre.
Paul Auster a aussi été marié à
Siri Hustvedt : écrivaine américaine, poétesse, essayiste, chargée de cours en psychiatrie à l'université, elle est l'autrice de «
Un monde flamboyant » (que j'avais chroniqué à l'époque), de « Elégie pour un Américain » ou surtout de «
Tout ce que j'aimais », sans doute mon préféré, un livre qui m'a beaucoup marqué.
Si je fais ce rappel bibliographique, c'est que «
Baumgartner » a beaucoup de correspondance avec sa propre vie.
On découvre le narrateur,
Baumgartner, alors qu'il se tient seul dans sa maison, écrivain plongé dans un essai sur Kierkegaard, veuf inconsolable après le décès de sa femme bien-aimée.
Ce matin-là, il va délaisser son bureau d'écriture pour découvrir qu'il a laissé brûler une casserole ancestrale, datant de l'époque heureuse de sa jeunesse avec sa femme, et il va connaître un accident domestique avec une chute dans l'escalier de sa cave : une chute métaphorique comme souvent sous la plume de
Paul Auster.
Sur le fond, le personnage de
Baumgartner ne parvient à se résoudre à la solitude. Avec sa femme adorée, Anna Blume, il a tout partagé : une carrière universitaire, la lecture des poèmes qu'elle écrivait, mais qu'elle se refusait à publier, la galère des débuts difficiles et l'achat d'un appartement à New York grâce à l'unique cadeau de mariage des parents d'Anna, de riches bourgeois dont Anna ne veut pas dépendre, mais dont elle acceptera néanmoins le coup de pouce pour les jeunes mariés.
Evidemment on joue au jeu des 7 différences : entre Anna Blume, l'épouse adorée de
Baumgartner, et
Siri Hustvedt, l'épouse de
Paul Auster, les correspondances sont fortes.
Mais dans le livre elle a disparu et notre personnage d'écrivain ne s'en remet pas.
Un moment attiré par une autre femme, mais ridiculisé par sa demande en mariage qui échoue totalement, il trouve un exécutoire à sa douleur avec le projet d'éditer un recueil de poésies de son épouse disparue. Et rencontra enfin une jeune universitaire passionnée aussi par l'oeuvre d'Anna Blume : un rayon de soleil final pour éclairer la fin du roman, et la fin de vie de l'auteur vieillissant.
Car de la vieillesse il en est bien question, et de la perte de l'être aimée qui le tourmente comme ses membres fantômes qui tourmentent ceux qui ont l'impression que leur membre est toujours présent.
De la nostalgie, de la mélancolie, mais aussi une réflexion sur la mémoire – passage très émouvant dans lequel
Baumgartner (Auster ?) découvre l'Ukraine, terre de ses ancêtres et fait dans le village natal de ses grands-parents une curieuse rencontre.
On suit le fil des pensées de l'auteur qui dévide son histoire à coup de réminiscence et on le suit sans difficultés. Unique en son genre, on reconnaît instantanément le style Auster, même s'il est ici teinté de nostalgie.
Pour moi ce roman est le pendant direct de « Brooklyn Folies » qui était solaire et lumineux, là où «
Baumgartner » a à voir avec la lune et la mélancolie.
Mais une mélancolie bénéfique qui fait du bien à lire.
Et qui nous donne envie de saluer une dernière fois l'artiste américain : adieu Mr
Paul Auster.