"Tu es mort. Enfin."
C'est le cri de soulagement de la narratrice après l'écoute de son répondeur, un matin.
Ce père n'était pas un bourreau, aucun coup n'a accompagné ses colères et ses insultes, mais la terreur qu'il faisait régner sur ses trois enfants les a détruit à tout jamais, un huit- clos familial où pointent l'ironie et le ressentiment sur ce tyran domestique.
Nelly Alard ose enfin lui dire ce qu'elle a sur le coeur, à ce père, avec qui le dialogue était rompu depuis l'enfance!
Un beau coup de coeur, cet ouvrage! narquois, acide, nerveux, tempêtueux, intelligent, profond, plein d'humanité, de naturel, de bienveillance et de vie, digne, presque enjoué!
Le ton y est drôle,l'humour souvent noir, toujours présent,aucun pathos, pas de règlement de comptes ni de ton revanchard, comme trop souvent!
De plus,
Nelly Alard, à l'intérieur de chaque chapitre enchâsse des citations de "
la légende de la mort chez les Bretons Armoricains" d '
Anatole le Braz, ce qui ajoute de la beauté à la Bretagne mystérieuse et à ses rites et donne un supplément d'âme à ce récit bouleversant !
Elle dénonce le drame sans fin dont elle a été la victime, une violence des "mots", plus sournoise, plus subtile et insidieuse qui sauve les apparences car " la famille c'est sacré"...
Elle minimise la gravité de ce qu'elle subit:"il y a des gens dont le père est un serial killer ou un Nazi."
"Il y a des enfants violés ou battus. On ne va pas se lamenter."
C'est l'avis de renaissance pudique et droit d'une fille après la mort de celui qui n'a jamais su lui prodiguer la moindre bienveillance.
Une écriture pressée, urgente et enjouée qui frappe par son rythme houleux, bref,rageur et dense!
Un livre sur le deuil, très loin de la complaisance, de l'enjolivement et du pardon,une adresse à ce père totalement naturelle. L'auteur fait de la loyauté le moteur de son écriture et colle à la vérité pour vivre enfin en paix!
Un livre remarquable qui fait du bien!