AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Sorj Chalandon (2556)


J'ai de la fièvre. Le jour tarde. J'attends toujours ce lambeau de clarté. J'ai froid de mon pays, mal de ma terre. Je ne respire plus, je bois. La bière coule en pleurs sur ma poitrine. Je sais qu'ils m'attendent. Ils vont venir. Ils sont là. Je ne bougerai pas. Je suis dans la maison de mon père. Je les regarderai en face, leurs yeux dans les miens, le pardon du fusillé offert à ses bourreaux.
Commenter  J’apprécie          410
Elle a ouvert le livre au milieu, au hasard. Elle aime surprendre les phrases sans qu'elles s'y attendent. Les phrases qui paressent, qui pensent qu'elles ont le temps. Qu'il y a tant et tant de pages avant elles, qu'elles peuvent sommeiller à l'ombre des mots clos.
Fauvette a lu à voix haute.
- "Les solitudes d'eau sont lugubres. C'est le tumulte et le silence. Ce qui se fait là ne regarde plus le genre humain."
Commenter  J’apprécie          410
Mon oncle ne buvait plus depuis 10 ans.
Un soir, il avait renversé sa voiture, heurtant un poteau, puis un arbre et roulant dans le fossé. Hilda et lui revenaient de chez le médecin. Les analyses de sa femme n'étaient pas bonnes. Ils n'auraient pas d'enfant, jamais. Rien d'autre qu'elle et lui, chaque matin, chaque soir, tous les jours de la vie. Et il en serait ainsi jusqu'à ce que l'un parte et que l'autre le suive.
En chemin, ils avaient bu pour oublier. Ils avaient traversé la frontière en criant, hurlant adieu aux Brits par la fenêtre ouverte. Et vive la République ! Et revoilà enfin le pays ! Et il a dérapé sur son sol. La voiture s'est retournée. Lawrence a vécu. Hilda est morte.
Depuis, mon oncle avait remplacé l'ivresse par le silence.
Commenter  J’apprécie          412
Les récifs, les courants, les tempêtes. On ne s'évade pas d'une île. On longe ses côtes à perte de vue en maudissant la mer.
Commenter  J’apprécie          400
Éducation correctionnelle, comme ils disent. Ils veulent nous instruire, nous ramener au bien. Pour nous inculquer le sentiment de l'honneur ils nous redressent à coups de trique et de talons boueux. Ils nous insultent, ils nous maltraitent, ils nous punissent du cachot, une pièce noire, un placard étroit, une tombe. Ils nous menacent le jour et la nuit. Ils nous malaxent, nous brisent, nous pétrissent comme de la pâte. Ils concassent les mauvaises graines. Ils nous veulent tendres et lisses comme du pain blanc. À la salle de police les chenapans, les nuisibles, les voyous. À la taloche les dégénérés, les vicieux, les incorrigibles. Au mitard les infâmes. Briser les tout-petits, étrangler les plus grands, les rêves des uns, la colère des autres. Transformer ces gibiers de potence en futurs soldats, puis en hommes, puis en plus rien. Des spectres qui erreront dans la vie comme dans les couloirs d'un bagne, serviles, honteux. Qui iront à l'usine les épaules basses, comme à confesse. Qui jamais ne se révolteront. Qui s'étourdiront au bal du samedi, à la rencontre d'un jupon. Et qui l'épouseront sous le coup du vin, l'urgence d'un ventre plein. Vie en lambeaux, sans grâce, sans lumière. Puis qui mourront, un matin pour rien, avec le masque gris d'un enfant de Belle-Île.
Commenter  J’apprécie          402
C’est fini. La femme de 83 ans a redescendu les marches, Jacob, son mari, un soyeux de Villeurbanne, a été fusillé par la Gestapo de Lyon. Son fils Léon, 14 ans, n’est pas revenu d’Auschwitz. Ses filles, Mina 9 ans et Claudine 5 ans, ont été jetées dans le camion d’Izieu.
(page 226)
Commenter  J’apprécie          400
Vous ne savez pas. Personne ne sait ce qu'est un massacre. On ne raconte que le sang des morts, jamais le rire des assassins.
Commenter  J’apprécie          400
L'ami, c'est celui qui t'ouvre sa porte au milieu de la nuit sans te poser de questions.
Commenter  J’apprécie          390
La dernière fois que nous nous étions vus, c'était pour un problème de dos. Rien du tout. Une douleur de libraire. Le poids des nouveautés, le fardeau des invendus.
Commenter  J’apprécie          390
Fabriquer tellement d’autres vies pour illuminer la sienne. Mentir sur son enfance, sa jeunesse, sa guerre, ses jours et ses nuits, s’inventer des amis prestigieux, des ennemis imaginaires, des métiers de cinéma, une bravoure de héros. Pendant des années, j’ai pensé à sa solitude effroyable, à son existence pitoyable. Cela m’a rendu malheureux.
Commenter  J’apprécie          380
Une fois de plus, je t’en ai voulu. J’étais blessé. Ta vérité n’avais pas plus de sens que tes mensonges.
(page 234)
Commenter  J’apprécie          380
Klaus Barbie, signant le télégramme "travail accompli", après l'arrestation des enfants d'Izieu et de leurs accompagnateurs.
Commenter  J’apprécie          371
Désormais, je ne pourrais partager cette émotion qu'avec trois femmes. Et il me faudrait vivre dans le déni tout le reste du temps. Plus que le hold-up, c'est mentir à la vie qui me hanterait.
Commenter  J’apprécie          370
Sorj Chalandon
■ Des chirurgiens dissèquent le LBD.
Il y a les policiers qui tirent des balles de défense (LBD), les manifestants qui les reçoivent et les médecins qui tentent de recoller les morceaux. Ce fut d'abord une pétition, lancée en janvier par un neurochirurgien, chef de service au CHU de Besançon, pour dénoncer l'usage de ces armes dites 'non létales'. Puis la lettre ouverte au président Macron, un mois plus tard, de 35 ophtalmologues affirmant n'avoir jamais connu « une telle épidémie de blessures oculaires. »
Et voici une tribune signée par des chirurgiens français dans la très sérieuse revue scientifique britannique 'The Lancet' (09/08) pour « alerter sur la gravité des blessures que peuvent provoquer ces armes » ('La Croix', 16/08).
Evoquant 21 patients blessés lors des manifestations de gilets jaunes et soignés depuis novembre 2018 à Paris, les médecins expliquent que les 'fractures graves' constatées chez les victimes au niveau de la mâchoire ou de la pommette sont « les mêmes blessures que l'on retrouve chez des individus qui se sont fait frapper à coups de batte de base-ball. »
Verney-Carron, fabricant du Flash-Ball, considéré comme l'ancêtre du LBD 40, aujourd'hui en activité, renchérit : « L'impact est si fort qu'il est comparable au coup de poing d'un boxeur professionnel. » Et, en bon connaisseur, le fabricant préfère parler de 'létalité atténuée' plutôt que de se risquer sur le terrain du 'non-létal'. C'est en effet plus prudent.

▪️ article dans Le Canard enchaîné du 21/08/2019
Commenter  J’apprécie          370
Etienne regarde sa femme. Elle est belle. Elle est là, dans leur nuit, tout près, attentive à ses riens.
Commenter  J’apprécie          370
L’air était malsain, fétide, lourd comme un fruit corrompu. Partout, aux carrefours, des amas d’ordures finissaient de brûler. Aux odeurs fermentées, le feu ajoutait son écœurante fumée grise. Des enfants aux pieds nus pataugeaient dans ce jus. Ils couraient après notre voiture rouge et blanche en riant. Marwan les chassait de la main.

Chapitre 11 : Imane
Commenter  J’apprécie          360
Dans la rue, un crieur de journaux vendait le Belfast Telegraph. Il hurlait des centaines de morts, un millier de blessés. Moi, j'ai vu un bras. Je n'ai pas pleuré. J'ai fait comme tous ceux qui passaient. Mon index et mon majeur sur mon front, ma poitrine, mon épaule gauche, mon épaule droite. Au nom du père et de tous les autres. J'avais décidé de ne plus être un enfant.
Commenter  J’apprécie          360
La plainte du vent était revenue. Le souffle de la mer. Le vieux Palestinien s’est retourné sur le flanc, coude à terre et la joue dans la main. Il m’a observé. J’ai secoué la tête. Non, je ne pleurais pas. Je n’avais plus de larmes. Il m’a dit qu’il fallait en garder un peu pour la vie. Que j’avais droit à la peur, à la colère, à la tristesse.
(...) Sous sa moustache usée, il avait les lèvres ouvertes. J’ai cru qu’il allait m’embrasser. Il m’a observé. Il cherchait quelque chose de moi. Il est devenu grave.
— Tu as croisé la mort, mais tu n’as pas tué, a murmuré le vieil homme.
Je crois qu’il était soulagé. Il a allumé une cigarette, s’est assis sur ses talons. Puis il s’est tu, regardant la lumière fragile du dehors.
Et je n’ai pas osé lui dire qu’il se trompait.
Commenter  J’apprécie          360
Pourquoi as-tu fait ça, Tyrone Meehan? Pourquoi fait-on ça, Tyrone Meehan? Qu'est-ce qui se brise en nous? Dis-le-moi, Tyrone Meehan. Il vient d'où, ce poison? De la tête? Du cœur? Du ventre? C'est une bataille ou un renoncement? C'est quoi, trahir, Tyrone Meehan? Ca fait mal? Ca fait du bien? Ca pourrait arriver à n'importe qui? (...)On croit qu'on va tenir, on le dit, on vit avec cette certitude et quelque chose arrive à l'âme qui est plus fort que tout? Et après? Comment fait-on après, lorsqu'on est traître, pour effleurer la peau des autres? Celle de ta femme, de ton fils, de tes amis, de tes camarades, des vieilles dames qui t'applaudissent sous la pluie quand tu honores la République.
On fait comment pour embrasser la joue d'un trahi? Ca fait quoi, Tyrone Meehan, de tenir une épaule devant un lac noir, de serrer la main que l'on trompe, de vendre l'amitié, l'amour, l'espoir et le respect?
(...)

Et notre amitié? Un traitre est-il traitre tout le temps? La nuit? Le jour? Et quand il mange? Quand il rit? Quand il cligne de l'œil? On est traitre aussi quand on respire? Lorsqu'on regarde un soleil couchant? Lorsqu'on passe la porte d'une église? Lorsqu'on salue quelqu'un dans la rue? Lorsqu'on dit qu'il va pleuvoir en regardant le ciel? On est traitre quand on remonte le col de sa veste pour avoir moins froid?
Commenter  J’apprécie          362
L'océan, encore et toujours. Depuis le premier jour à la colonie, il ne m'avait jamais quitté. Même après avoir fait le mur. Lorsque je pêchais dans sa houle, la mer ne me portait pas, elle m'encerclait. Sa fureur hantait mes jours, mes rêves. Quand j'ouvrais les yeux, elle me barrait l'horizon. Lorsque je les fermais, elle me submergeait. J'étais devenu une île. Une prison ancrée au milieu de l'eau. Je n'avais pas réussi à m'évader. Je tournais en rond comme une mule sur le chemin côtier.
Commenter  J’apprécie          350



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs de Sorj Chalandon Voir plus

Quiz Voir plus

Sorj Chalandon

Combien de romans a écrit Sorj Chalandon jusqu'à présent (mars 2014) ?

2
4
6
8

11 questions
104 lecteurs ont répondu
Thème : Sorj ChalandonCréer un quiz sur cet auteur

{* *}