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Citations de Sorj Chalandon (2556)


Pendant la guerre de 1870, les fantassins bretons réclamaient davantage de pain et de vin à leurs officiers pour mieux botter le cul aux Prussiens. Ces soldats ne parlaient pas français. Et c’est en breton qu’ils revendiquaient du bara frais et des pichets de gwin.
Ils scandaient Bara ! Gwin ! Bara ! Gwin ! prêts à mettre la crosse en l’air.
— Cessez de baragouiner ! hurlaient les gradés.
Depuis Napoléon III la formule était restée. Et le mépris qui va avec. 
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Quelque chose avait changé dans la pièce, dans mon cœur. Une fenêtre invisible s'était ouverte, laissant entrer le vent, l'hiver, le froid, le soulagement, surtout. J'avais la main sur mon inhalateur, mais je respirais normalement. J'avais enfin mis des mots sur mon silence. Et j'avais été entendu..
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À l'heure de dire au revoir à son charbon, la France a oublié de dire adieu à ses mineurs. Le monde qu'ils incarnaient n'existait déjà plus.
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Il a vidé son verre, tête en arrière, l'a claqué sur la table.
Et puis le silence. Celui des mots trop usés pour servir encore. Le silence des fins de phrases, des fins de regard. Le silence des adieux.
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— C'est quoi votre stratégie ?
Je l'ai regardée. Pour la première fois depuis mon arriVée à la clinique, quelqu'un employait un terme militaire. J'ai observé mes jambes ballantes, mes pieds nus, le sol carrelé. Je me suis dit que j'étais en guerre. Une vraie. Une bataille où il y aurait des morts. Et que l'ennemi n'était pas à ma porte mais déjà entré. J'étais envahie. Ce salaud bivouaquait dans mon sein.

Page 19, Grasset, 2019.
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Aller dans un pays de mort avec un nez de clown, rassembler dix peuples sans savoir qui est qui. Retrancher un soldat dans chaque camp pour jouer à la paix. Faire monter cette armée sur scène. La diriger comme on mène un ballet. Demander à Créon, acteur chrétien, de condamner à mort Antigone, actrice palestinienne. Proposer à un chiite d’être le page d’un maronite. Tout cela n’avait aucun sens. Je lui ai dit qu’elle avait raison. Ses remarques étaient justes. La guerre était folie ? Sam disait que la paix devait l’être aussi. Il fallait justement proposer l’inconcevable. Monter Antigone sur une ligne de feu allait prendre les combats de court. Ce serait tellement beau que les fusils se baisseraient.

Chapitre 8 : Jean Anouilh
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Sur mon carnet bleu j'ai écrit : « C'est l'histoire de quatre femmes. Elles se sont aventurées au plus loin. Jusqu'au plus obscur, au plus dangereux, au plus dément. Ensemble, elles ont détruit le pavillon des cancéreuses pour élever une joyeuse citadelle. »

Page 286, Grasset, 2019.
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J ai eu envie de pleurer mais je ne l’ai pas fait. Je me sui assise lentement dans la douche, sous le jet. J'ai ouvert la main droite. La gauche. Mes paumes étaient couvertes de cheveux mouillés. Il y en avait partout sur l'émail, sur mes épaules, mes seins, dans mes yeux, dans ma bouche. Et la bonde refluait. Devant le miroir, j'ai massé le haut de mon cou, mes tempes. J'ai tiré doucement. Entre mes doigts, il y avait assez de crin pour garnir la tête d'une poupée. Nous étions le 17 mars et j'avais 40 ans.

Page 76, Grasset, 2019.
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Je n'ai pas pris le métro. J'ai marché. Ce matin, j'étais une fille rieuse de 39 ans. Cet après-midi, une femme gravement malade. Six heures pour passer de l'insouciance la terreur. Je n'arrivais pas à regarder les autres. J'avais peur qu'ils comprennent que je n'étais plus des leurs. Le temps avait basculé. Tout empestait Noël. Les vitrines, les rues, les visages. Je suis entrée dans une papeterie. Il me fallait un cahier, un épais à spirale pour noter ce qui me serait dit. Comprendre ce que j'allais devenir. Je l'ai choisi avec une couverture bleue. Le bleu du ciel, lumineux et gai. Mon premier acte de résistance.

Pages 20-21, Grasset, 2019.
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J’ai pris peur de l’autre en moi. Je me suis dégoûté. Toute ma vie j’avais recherché les traîtres, et voilà que le pire de tous était caché dans mon ventre. 

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Tout va très vite. C’est l’épouvante. Les militaires enfoncent les portes, arrachent les enfants à la table du petit-déjeuner, fouillent la salle de classe, les combles, sous les lits, les tables, chaque recoin, font dévaler les escaliers aux retardataires et rassemblent la cohorte tremblante sur le perron. Pas de vêtements de rechange, ni valises, ni sacs, rien. Arrachés à la Maison dans leurs habits du matin et cernés sur l’immense terrasse. Tous sont terrorisés. Les grands prennent les petits dans leurs bras pour qu’ils cessent de hurler.
(page 20)
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Pour les gens du bourg, Fauvette et Étienne sont partis ensemble, le 21 novembre, à quatre heures du matin. Tout avait été paisible. C'est tout. Certains ont murmuré qu'on ne meurt pas comme ça, pour rien, à deux dans son lit. D'autres ont dit que la vie avait bien fait les choses, et chacun en est resté là.
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Serge Klarsfeld n’avait pas plaidé. Il n’avait pas jeté ses manches vers les moulures du plafond, n’avait usé d’aucun effet de voix. Il avait parlé avec tristesse. Ce n’était plus un avocat. Lui, le gamin qui avait échappé à une rafle, masqué par le mince rempart d’une armoire à double fond. Lui l’historien, le militant, le chasseur de nazis hanté par les enfants juifs d’Izieu, n’avait fait que prononcer leurs noms, 44 noms sanctifiés, l’un après l’autre, récités dans un silence de mort. De mort, vraiment. Le calme noir du tombeau. Et aussi, plus douloureux encore, il avait lu quelques-unes des lettres qu’ils avaient écrites à leurs parents, avant le 6 juillet 1944.
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Sorj Chalandon
Ecrire un livre, c'est orgueilleux. On s'expose. Et si on donne à lire, il faut comparaître, comme devant un jury. Le lieu naturel de cette comparution, c'est la librairie. Les gens peuvent venir s'ils ont des questions, des accusations, des compliments aussi.
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Une blessure que rien ne pourra cicatriser, a dit le maire de Liévin.
C’était cela. Une blessure ouverte. Et une douleur que le pays n’a jamais partagée. Malgré les déclarations et les promesses, le supplice de notre peuple s’est arrêté aux portes de l’Artois. Notre deuil n’a pas été national. A l’heure de dire au revoir à son charbon, la France a oublié de dire adieu à ses mineurs. Le monde qu’ils incarnaient n’existait déjà plus. Jojo et ses amis sont morts trop tard pour être défendus par la Nation.

p. 114
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- Champagne !
Elle a fait sauter le bouchon, J'ai rentré la tête dans mes épaules.
- C'est compatible avec la chimio ?
Verre levé, Brigitte observait le liquide doré à la lumière de l'applique.
- Rien n'est compatible avec la chimio.
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Personne ne naît tout à fait salaud, petit Français. Le salaud, c'est parfois un gars formidable qui renonce.
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Je ne pensais pas, je ne criais plus. Le réfectoire tanguait. Je voyais à peine. Une furie rouge. Mon cœur entier tenait dans mes poings. Mes tempes étaient douloureuses. Je claquais des dents. Je faisais trois gestes inutiles pour un mouvement nécessaire. Je ne courais pas, je dansais. Je grimaçais dans le tumulte. Je tirais une langue de gargouille. Tout était en train de disparaître. Les insultes, les brimades, les vexations, les humiliations, les coups. Le froid de l'hiver, la brûlure de l'été, l'odeur de nos corps sales, la faim, les punaises, les poux, la gale. Je nettoyais sept ans de bagne à grande eau. À coups de hargne. J'étais enragé. Je respirais. Je vivais.
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Cette armée d’occupation avait été la tienne. Tu avais eu ces hommes pour camarades et leurs crimes en héritage. Toi, Barbie, tous les autres, traîtres français ou fils du Reich millénaire, aviez été camarades de crime contre l’Humanité.
(pages 194-195)
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... il trouvait que l'asthme, c'était comme bégayer de l'air.
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