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Citations de Aziz Mohammed (89)


J’ai toujours considéré l’écriture, dans le sens sérieux du terme, comme un labeur pénible ; c’est sans doute le métier le plus dur qui soit comme le dit Hemingway, lui qui s’est engagé dans les guerres mondiales, qui a bourlingué aux quatre coins du monde, qui a pratiqué la boxe et la chasse, s’est attaqué aux glaciers les plus impitoyables et ne reculait devant aucune description selon ses propres dires. Je serais prêt à tous les sacrifices pour écrire comme lui, mais comment m’y prendre ? J’ai dépassé depuis peu le quart de siècle et aucun fait marquant ne s’est produit dans ma vie ni dans celle des gens de mon entourage, rien à signaler non plus dans la ville où j’habite et je n’ai jamais voyagé beaucoup plus loin.
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Les yeux grands ouverts, il regarde devant lui avec détermination et ne bouge plus d’un pouce. Mais il remarque soudain que la fille en face de lui, de l’autre côté de la table ovale, essaie de couvrir ses pieds avec ses mains, les seules parties visibles de son corps outre son visage soupçonneux dirigé vers lui avec répugnance. À cet instant, K. remarque que ses pieds sont enserrés dans des chaînettes argentées (des entraves ?) qui scintillent à chacun de ses mouvements et attirent son regard, il comprend alors qu’il était inconsciemment en train de les regarder. Et quand il baisse les yeux pour lui assurer qu’il n’y avait là rien d’intentionnel ou, du moins, qu’il ne les regardait que distraitement, elle s’imagine au contraire qu’il le fait pour mieux les observer.
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Tout le monde ici est conscient qu’il y a un temps pour la plaisanterie et un temps pour les choses sérieuses et il est rare que quelqu’un place un trait d’humour mal à propos, se mette à rire lors d’un moment sérieux ou encore néglige d’exprimer son hilarité après un mot d’esprit, cas de figure non moins fâcheux que celui qui vous verrait rire à mauvais escient. J’ai d’ailleurs remarqué que l’un d’eux me regarde régulièrement, et d’un air de défiance, car je reste de marbre quand tous les autres trouvent matière à rire.
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Les femmes, quant à elles, ont l’air tout droit sorties d’une pub pour de la lessive, avec leurs abayas colorées, bien repassées, leurs hijabs bien ajustés sur le crâne et les cheveux qui en dépassent juste ce qu’il faut pour montrer qu’ils sont soigneusement coiffés en dessous. Leurs visages sont rayonnants, ils étincellent de tous les feux les plus insoupçonnés du maquillage moderne. La façon dont elles se sont installées autour de la table donne l’impression qu’elles ne sont pas moins représentées que leurs homologues masculins, à croire qu’elles se sont entendues sur cette distribution dans la salle avant d’entrer. Il se dégage une forme de complicité bienveillante entre elles depuis qu’elles sont arrivées, même si elles ne se connaissent pas forcément.
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J’ai toujours été un piètre interlocuteur, surtout quand je ne dis rien. Je me demande d’ailleurs si cette fille, subodorant chez moi ce trait de caractère, n’a pas délibérément laissé un siège libre entre nous. Je ne suis pas le partenaire idéal pour tuer le temps en devisant avant la réunion.
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Je suis un employé relativement nouveau, ce n’est donc pas un hasard si j’ai été rangé dans la catégorie des aspirants winners, la direction partant toujours en effet du principe que c’est nécessairement par le travail que l’employé cherche à s’épanouir. Tous ces gens assis autour de moi sont arrivés un quart d’heure avant le début de la réunion, ce qui viendrait plutôt corroborer ce principe.
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J’ai toujours eu l’impression que lire de la littérature était une activité à laquelle il fallait s’adonner en toute discrétion, sans doute du fait que, dans l’imaginaire collectif, elle évoque la sensibilité, les élans passionnés et l’émotivité, tous concepts qui ne font pas mais alors pas du tout partie de mes attributs.
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À l’âge de neuf ans, j’ai subi une opération douloureuse qui consistait à cautériser le vaisseau à l’intérieur du nez pour qu’il cicatrise et, chaque fois que je demandais au médecin combien de temps ça allait encore durer, sa réponse était invariablement : “Cinq minutes.” C’est la seule opération que j’aie eue de ma vie. Il faudrait peut-être que je la refasse, vu que je saigne de nouveau depuis quelque temps.
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Il n’y a pas moyen de s’entendre. Elle exprime son inquiétude à mon sujet en me dénigrant, un dénigrement que je lui rends bien, pour les mêmes raisons. On manque l’un comme l’autre de délicatesse.
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Je l’ai entendue hier, à son insu, parler de cette voix forte qu’elle a développée dans sa grande maison. “C’est moi qui l’ai choisie, elle disait, une fille de bonne famille, elle va prendre soin de toi.” “Ce n’est plus un gamin – là elle parlait de moi –, il faut le laisser se débrouiller. S’il n’a pas envie de se marier, c’est son choix, mais qu’il en assume seul les conséquences, tu en as assez fait pour lui”, et ma mère de hocher la tête en pleurant.
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Tout chez elle contredisait l’image que j’avais d’elle et qui faisait d’elle ma sœur et non n’importe quelle autre fille devant laquelle je me sentirais troublé.
J’ai essayé de continuer de me comporter avec elle comme je le faisais depuis toujours, mais de toute évidence, mon animosité envers elle avait quelque chose de factice désormais, quelque chose me poussait à la traiter avec davantage de tact, à modérer ma hargne et à lui témoigner plus d’égards, le genre de comportement qu’on attend d’un gentleman en quelque sorte.
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Ma sœur avait du reste immédiatement accepté de le voir. De mon côté, j’avais le sentiment qu’il aurait été plus judicieux de sa part de prétexter quelque empêchement.
Puis elle était arrivée, plantureuse, la démarche chaloupée, le geste plus gracieux que jamais, le regard empli de pudeur, elle révélait là un supplément de beauté qu’elle avait probablement passé sa vie à cacher jalousement, dans l’unique but de créer la surprise quand enfin elle la dévoilerait à une occasion comme celle-ci. Ce jour-là, je ne m’étais pas senti moins étranger à elle que l’autre qui la voyait pour la première fois, ce sentiment avait même été si fort que je m’étais cru devant une pub à la télévision. Toute cette situation était gênante, j’étais assis là, tête baissée, évitant de regarder dans sa direction, mi-fasciné par sa beauté, mi-repoussé par la soudaineté de celle-ci, et il ne m’avait pas fallu plus d’une minute pour m’extraire de la pièce avec la sensation de n’avoir plus rien à faire là.
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Ma sœur fait partie de ces femmes qui subjuguent tout le monde par leur beauté et que tout le monde cherche à satisfaire. Et peu importe que vous soyez leur père ou leur frère, cette emprise est sans doute même plus forte encore si vous êtes liés par le sang. Ce n’était évidemment pas le cas durant notre enfance et, jusqu’à ses fiançailles, je m’en fichais pas mal.
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Certaines refermeront leur abaya au milieu de la conversation ou relèveront leur vêtement pour cacher leur décolleté, même s’il n’a jamais été visible et qu’il s’agit bien souvent d’un malentendu résultant du simple fait que vous évitez de regarder les gens dans les yeux quand vous leur parlez. Et j’imagine que, dans le cas de figure où je serais parfaitement innocent, elles verraient dans cette maladresse quelque chose d’attendrissant et trouveraient peut-être même un certain charme à mon embarras, si bien qu’elles chercheraient à le dissiper en dédramatisant et en passant à autre chose, même s’il serait pour elles évident que cet embarras dissimule quelque chose de malsain, d’obscène, une curiosité concupiscente et une propension à nourrir d’étranges fantasmes.
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Elle est toujours élégante, pimpante, comme si elle cherchait à prouver quelque chose, elle porte souvent de grandes boucles de perles, du genre qui s’arrache de votre oreille quand vous raccrochez le combiné. Lorsqu’elle est au téléphone ou qu’elle discute avec ma mère, elle garde toujours les jambes croisées, puis se rue soudain sur sa fille de deux ans pour la moucher et la réprimander, l’air de vouloir lui faire comprendre qu’elle se doit d’être aussi élégante qu’elle, avant de retourner s’asseoir sur le canapé à côté de ma mère et de reprendre la conversation, les jambes croisées de nouveau, mais sur un ton qui donne l’impression qu’elle s’adresse encore à sa fille.
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L’argent a toujours été un problème récurrent de toute façon. Notre famille a beau vivre confortablement, la peur du lendemain est constamment présente, et de façon particulièrement marquée depuis que mon frère parle de se marier. Aux dernières nouvelles, le plan est que ma mère aille vivre avec lui et que la maison soit vendue et remise à son nouveau propriétaire l’hiver prochain juste après la cérémonie. C’est ce qui a été décidé, même si ça n’a pas fait d’emblée l’unanimité et que ma sœur a dû recourir à des trésors d’ingéniosité pour parvenir à ses fins.
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Elle s’empresse d’ajouter que je suis en train de sombrer dans un monde de fables et d’illusions et que je me coupe de la réalité avec toutes ces idées venues d’ailleurs. Elle se tourne vers la bibliothèque en quête de preuves, et son regard est immédiatement attiré par une étagère qui supporte toute une collection : dix-huit volumes à la couverture identique mais au titre différent. Elle en sort un et se met à lire : “Dou-stouy-efski”, avec cette prononciation fautive mais si exquise à l’oreille, puis elle lève la tête vers moi dans l’attente d’éclaircissements, comme si le nom constituait en soi un chef d’accusation.
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Quand je me relisais et que le résultat me paraissait bien pauvre et sans relief en comparaison de mes lectures, je mettais toujours cela sur le compte de circonstances pour l’heure trop peu propices à un destin de vicissitudes. J’avais encore devant moi une longue existence pour acquérir les compétences et l’expérience nécessaires, pensais-je.
Bien entendu, ma mère s’est forgé son point de vue sur ces nouvelles orientations, d’autant plus négatif qu’elle les voyait m’accaparer chaque jour davantage. Tout au long de mes études à l’université et jusqu’à la veille de mon entrée dans le monde du travail, j’ai passé le plus clair de mon temps à la maison, plongé dans les livres.
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Après ce roman, j’ai enchaîné avec un autre. Quand j’ai su que l’auteur sans le sou de La Faim avait été influencé par le personnage de Raskolnikov, je me suis plongé dans la lecture de Crime et châtiment, qui a eu sur moi un effet considérable, j’ai subi de plein fouet l’influence de ce héros fidèle à ses idéaux et prompt à se jeter corps et âme dans l’expérience, au point que j’en suis venu à imaginer commettre un meurtre au hasard, uniquement pour endurer les mêmes épreuves que lui et éprouver à mon tour ses luttes intérieures.
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Quand je faisais lire certains de mes poèmes à ma mère, elle avait l’air ravie, c’est que dans le cadre de la compétition qui l’opposait à mes tantes quant à savoir laquelle avait le fils le plus doué, mes productions ineptes pouvaient s’avérer utiles. Ces poèmes ont eu tôt fait de passer de main en main et désormais, quand je saluais mes oncles, il y en avait toujours un pour m’appeler “le poète”, un autre pour me demander si j’avais quelque chose de nouveau et un autre encore pour se mettre à déclamer mes vers à la métrique fautive.
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