Vous aimez les séries sur Netflix, Amazon, Disney et autres plateformes télévisuelles ?
Oui, bien sûr.
Alors vous aimez les feuilletons, vous savez, ces histoires à rallonge, pas toujours crédibles, écrites dans un style peu académique, mais qui vous intéresse et vous tient en haleine de bout en bout.
Oui, mais ce n'est pas de la littérature !
Eh non, je sais, la BD non plus, vous aimez la BD ?
Bien sûr.
Et vous aimez le rap, sans doute ?
Oui à l'occasion.
C'est de la musique ?
Bien sûr.
Comme Mozart, alors, ou les Beatles, ou
Georges Brassens. Ce que je veux vous faire comprendre c'est qu'il ne sert à rien de faire des catégories : la littérature, c'est la boîte : dedans il y a les livres (toutes les sortes de livres, la BD et tous les nouveaux supports), le terme littérature est un terme générique, pas forcément synonyme de qualité : il y a de la bonne littérature et de la mauvaise littérature, de la bonne BD et de la mauvaise BD, idem pour la musique, idem pour les arts, idem pour les séries télé et les films. Et d'ailleurs tout est subjectif, il y a ce qu'on aime et ce qu'on n'aime pas. Ma belle-soeur disait : Beau n'est pas beau, beau est ce qui plaît. Ce qui sous-entend que ce qui plaît à beaucoup de gens peut très bien ne pas vous plaire à vous.
Les « Aventures de Boro, reporter-photographe », sont une série de huit romans, que le style, l'intrigue, et le rythme trépidant raccordent au genre « feuilleton ». Il ne faut pas chercher l'excellence stylistique, la cohérence absolue, l'authenticité historique que réclamerait une « vraie littérature » (entre parenthèses, Hugo,
Balzac, Dumas, Sand étaient de grands auteurs de feuilletons, je dis ça, je ne dis rien), mais
Dan Franck et
Jean Vautrin sont de vrais écrivains, tous deux récompensés par des prix littéraires. Et leur entreprise, avec cette série, est tout à fait remarquable :
« La dame de Berlin » est la première aventure de Boro. Blémia Borowicz (dit Boro) est un jeune hongrois, reporter-photographe, venu tenter sa chance à Paris dans les années 30. Courageux jusqu'à la témérité, hardi jusqu'à l'insolence, il ne tarde pas à se mettre à dos certains ennemis (nazis pour la plupart) qui ne lui laissent pas de répit. Parti à la rescousse de sa cousine Maryika, étoile montante du cinéma allemand dont il est amoureux (de sa cousine, pas du cinéma), cet émule de Capa ou Cartier-Bresson, appuyé sur sa canne et le doigt posé sur son Leica, nous entraîne dans toute l'Europe d'avant-guerre, où résonnent les bruits de bottes, où montent les nationalismes et l'antisémitisme, où les passions s'exacerbent dans une ambiance de montée des périls. Nous assistons avec Boro à toutes les convulsions qui bouleversent
la société européenne, la mainmise des nazis sur l'Allemagne, et l'émergence d'une société secrète d'extrême-droite qui ne cache pas ses préférences d'outre-Rhin. Boro, idéaliste et humaniste, et surtout passionné, combine ses motivations personnelles avec son travail de reporter : il est à la fois acteur et témoin de la fin d'un monde, et de la bascule vers un monde nouveau, bien plus inquiétant.
On retrouve ici les ingrédients du roman-feuilleton à l'ancienne : des héros auxquels on s'attache tout de suite, des méchants « de chez méchants », des intrigues à la fois compliquées et passionnantes, des rencontres entre personnages imaginaires, et véritables personnalités historique, un tableau impressionnant de
la société française (ou allemande) dans ce moment précis de l'Histoire, le mélange de destinées entre petites gens et hauts dignitaires, et bien entendu une histoire d'amour qui traverse tout le roman…
Il est certain qu'avec cet exercice, les auteurs n'ont pas visé le Goncourt. Mais ils se sont bien amusés, et c'est pour notre plus grand plaisir, parce que nous, on adore