J'ai profité de l'été pour lire l'une des plus belles plumes contemporaines :
Jean-Philippe Toussaint.
J'ai voulu lire son premier roman "
La salle de bain", oeuvre qui montre déjà l'étendue du talent de l'auteur : sa plume magnifique, ses petites touches d'humour, ses personnages aux noeuds au cerveau infinis et une construction originale. En effet, le récit se compose des paragraphes numérotés sans que l'on sache trop pourquoi et avec une narration "déstructurée", parsemée des petites touches d'absurde. C'est vraiment une oeuvre singulière ! On ne remerciera jamais assez le grand éditeur
Jérôme Lindon de l'avoir découvert.
Mais de quoi ça parle ? de tout et de rien. de la crise existentielle du narrateur qui s'enferme dans sa salle de bains pour échapper à sa propre monotonie, à l'ennui qu'il alimente tout seul. Mais ce n'est qu'une phase, on voit l'avant et l'après salle de bain avec des petites anecdotes. Que ce soit des travaux de peinture dans son appartement ou d'un voyage à Venise, on finit par accompagner le narrateur dans une quête pour combler le vide qui le sidère.
Mon avis : Lire
Jean-Philippe Toussaint est un régal ! Il a un don pour raconter ces petites choses de la vie et leur donner un aspect comique, acide ou absurde. En le lisant, je me suis figuré ce narrateur comme dans un film de Jacques Tati. Il y a ce côté comique qui survient sur des actions très simples, ordinaires. Pour rester dans le domaine cinématographique, ce roman m'a aussi fait penser aux films de
Wes Anderson, réalisateur que j'admire, et qui réussit comme personne à transcrire l'ennui ou la lassitude de ses personnages. Enfin, pour clôturer les comparaisons cinématographiques (je me lâche, tant qu'à faire !), j'ai aussi pensé à un film d'un réalisateur polonais, Krzysztof Zanussi, "L'impératif", avec le génial Robert Powell et une ravissante
Brigitte Fossey. Dans ce film, le héros pique aussi une crise existentielle et spirituelle et s'enferme non pas dans une salle de bains, mais dans son mutisme. Mais pour sa mère fantasque, jouée par
Leslie Caron, ce n'est qu'une passade et ne lui accorde pas beaucoup d'importance, contrairement à sa compagne désabusée, jouée par
Brigitte Fossey. Dans le roman, lorsque le narrateur décide de s'installer dans
la salle de bain, sa compagne s'offusque et appelle la mère du narrateur, qui tout naturellement vient lui rendre visite dans sa salle de bain avec des pâtisseries, comme s'il ne se passait rien. C'est pile ce moment qui m'a fait penser à ce film.
Mais il n'y a pas que des comparaisons cinématographiques, il y a aussi un voyage à Venise où l'auteur nous épargne toute description et envolée lyrique sur la Sérénissime (et on l'en remercie !). Au contraire, il en profite pour illustrer le caractère casse-pied (mais tellement attachant) du narrateur par des petites réflexions et anecdotes. Par exemple, il prend plaisir à demander des renseignements à des gens pressés ou se réjouit de participer à l'engloutissement de la ville. Il y a également de belles et profondes réflexions artistiques, le tout pour appuyer l'état mental du narrateur.
Bref, un OLNI, comme on dit pour tout ce qui est original, mais finalement un très bon
Jean-Philippe Toussaint. le premier d'une belle oeuvre ! Jusqu'ici je n'ai pas été déçue ! Un très beau style grinçant, comique, absurde, original. Tout ce que j'aime !