« Ainsi, avec ce « Dadé », la relation était d'une nature à part. Des grands-parents aux petits-enfants, des petits-enfants aux grands-parents, se crée parfois un lien miraculeux, qui tient au fait que, par une sorte de courbe existentielle, les aînés reviennent, du haut de leur vieil âge, aux sentiments de leur prime jeunesse et saisissent, mieux que quiconque, le printemps de la vie. »
Les yeux de Mona,
Thomas Schlesser @editionsalbinmichel #rentreelitteraire #recensionphusis
Où vont les couleurs quand tombe la nuit ?
Où va la lumière quand le jour s'enfuit ?
Que reste-t-il du monde qui nous entoure quand nos yeux sombrent dans une nuit perpétuelle, quand on perd la vue ?
La petite Mona, âgée de 10 ans, en fait l'expérience douloureuse quand elle se retrouve privée de ce sens pendant soixante-trois minutes.
Une crise qui effraie ses parents certes, mais interpelle surtout son grand-père maternel, Henry Vuillemin, surnommé « Dadé », qui songe aux conséquences désastreuses qui s'ensuivraient si la petite perdait définitivement la vue à son jeune âge.
« Henry faisait le constat affligeant que le temps de l'enfance est, par commodité, majoritairement imprégné d'objets futiles et laids. Et Mona n'échappait pas à la règle. La beauté, la vraie beauté artistique, n'entrait que clandestinement dans son quotidien. C'était absolument normal, notait Henry, l'affinement du goût, la construction de la sensibilité viendraient plus tard. À ceci près – et cette pensée l'étrangla – que Mona avait bien failli perdre la vue et que, si les yeux s'éteignaient définitivement dans les jours, les semaines ou les mois à venir, elle n'emporterait avec elle, dans les confins de sa mémoire, que le souvenir de choses clinquantes et vaines. Une vie entière dans le noir, à composer mentalement avec ce que le monde produit de pire, sans échappatoire pour les souvenirs ? C'était impossible. C'était terrifiant. »
Alors germe cette idée fulgurante dans l'esprit du grand-père : chaque semaine, il ira au musée le mercredi après-midi voir une oeuvre, une seule oeuvre, avec sa petite-fille adorée afin de l'initier à l'art, à ce que l'humain produit de plus merveilleux, à « toute la beauté du monde ».
Le Louvre, Orsay, Beaubourg, de la Renaissance avec Botticelli à l'art contemporain avec Soulages qui clôt le voyage, « Dadé » ouvre le coeur et l'esprit de l'enfant, lui transmet ses connaissances et, au-delà de cette passation artistique, opère une transmission humaine faite de leçons de vie, de culture et de philosophie.
L'essence même du roman réside dans cet échange intergénérationnel qui fleurit entre les deux personnages, le grand-père partageant son savoir mais se nourrissant également des réponses et des réactions de sa petite-fille.
Suite de la recension disponible sur le site de @phusis_revue dans la rubrique recensions
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