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EAN : 9782902039227
250 pages
Editions Dépaysage (15/10/2021)
3.79/5   17 notes
Résumé :
Kitchike, une réserve fictive où se côtoient des personnages hauts en couleur, tels Noé, vieux farceur à la vessie capricieuse, Roméo, chamane, et son meilleur ennemi Albin, curé émérite, madame Paul, logorrhéique caissière au Gaz Bar ou encore le très corruptible chef Saint-Ours. Sans oublier Pierre Wabush, séducteur compulsif et névrosé, par qui le scandale arrive.
Tour à tour drôles ou absurdes, acerbes ou poétiques, les brefs chapitres de ce roman compos... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Le Québécois Louis-Karl Picard-Sioui, membre du clan du Loup du peuple Wendat, régale son lecteur français ! L'éditeur a fait le choix de ne pas encombrer le texte d'équivalents français, juste un lexique à la fin. Et c'est un vivifiant plaisir que de cheminer dans les « charmants méandres » de la prose vivifiante qui jaillit sous nos yeux. On s'y fait très vite, d'autant que l'auteur écrit de façon très savoureuse, avec une énergie communicative.

Chaque chapitre peut se lire indépendamment, comme une nouvelle, autant de chronique de la vie de la réserve fictive de Kitchike, dans le Sud Québec, autant de personnages hauts en couleur que j'ai adoré rencontrer. Autant de tonalités différentes aussi, qui alternent, avec même des touches de fantastique et d'absurde ( des trous noirs envahissent l'appartement du bien nommé Jean-Paul Paul Jean-Pierre ). Louis-Karl Picard-Sioui butine différents niveaux de langage et de styles et c'est très réussi.

Cela peut donner une sensation de récit désaccordé, vite dissipée par la récurrence des personnages dans les chapitres consacrées aux autres. Ce filon narratif consistant à croiser les personnages rencontrés permet de proposer au lecteur plusieurs points de vue sur eux, de compléter notre façon d'appréhender leur psychologie et leur comportement, notamment quand tous défilent au Gaz Bar sous le regard truculent de Mme Paul, logorrhéique serveuse, qui sait tout sur tout le monde dans ce Clochemerle amérindien.

Derrière cette galerie très incarnée et vivante, le texte laisse apparaître en filigrane une véritable radiographie de cette communauté amérindienne fictive mais qui, au final, sent le réel et glisse vers la satire douce-amère. A Kitchike, deux familles se chicanent pour le pouvoir, et tout cela explose joyeusement dans le dernier chapitre «  La Grande débarque » autour du chef véreux Jack Saint-Ours, dénonçant corruption et favoritisme généralisés. Un autre chapitre ( "Pendant ce temps dans la ville avoisinante" ) épingle brillamment le racisme ordinaire subi par les Autochtones, en l'occurence un petit garçon venu acheter de la viande hachée chez le notable M.Viande.

L'auteur parvient à trouver un équilibre pas si évident entre loufoquerie et satire grinçante grâce à la tendresse et la poésie qui infuse subtilement. Les deux chapitres qui m'ont le plus touchés sont La Cage avec sa douceur mélancolique sur le temps qui passe, et L'Homme qui fait danser les étoiles, irrésistible rencontre autour d'un concert de guitare racontée comme une légende indienne.

A noter, comme à chaque fois avec les éditions Dépaysage, avec sa collection Talismans spécialisée dans la publication d'auteurs autochtones francophones ( merveilleux Michel Jean ), le soin apporté à l'objet livre est remarquable : beau grain de papier, tendres illustrations de couverture ( par l'artiste Olivier Mazoué ).
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Écrire sur la réserve, raconter sans réserve.

« Des siècles durant, on a écrit sur eux. Sans eux. Figures caricaturales d'une histoire fabriquée par les vainqueurs, ils n'avaient que le droit de se taire ». Dans sa collection Talismans, Dépaysage recueille la parole, l'histoire et la vie des peuples autochtones, racontée par ceux qui en sont issus.

Loin des souvenirs familiaux d'un Michel Jean, Louis-Karl Picard-Sioui nous embarque avec Kitchike dans un patchwork littéraire jouissif, où le quotidien d'une réserve fictive du Québec va se trouver chamboulé par un fait divers revanchard. Une intrigue en forme de prétexte pour nous plonger dans l'incroyable galerie burlesque des habitants de la réserve, « fruit du plus ancien gang bang colonial que la terre a connu ».

Dirigée par le grand chef véreux Jack Saint-Ours, le coeur de Kitchike bat essentiellement autour de ses deux lieux phares : l'église (celle des catholiques ou celle des pentecôtistes) et le Gaz Bar station-service-café-bazar où dans la grande tradition de la transmission orale, l'histoire se forge, se raconte et bien souvent, se déforme. Pour le meilleur, le pire, mais surtout, le drôle et le burlesque !

De Jean-Paul Paul Jean-Pierre, l'homme aux multiples prénoms dont la maison est envahie de « trous noirs » se multipliant à toute vitesse, à Roméo Coeur Brisé et Albin Pinancien gardiens des âmes de la nation, en passant par Madame Paul qui joue les aboyeuses pour annoncer avec humour et insolence chaque nouvel entrant au Gaz Bar sans oublier la bande de pieds nickelés associés aux magouilles de Saint Ours, le microcosme de Kitchike est une bombinette en fusion, qu'une étincelle suffira à faire voler en éclat.

Le verbe est haut à Kitchike, car comme le dit Jakob le Vaurien, « faut pas m'en vouloir, l'ironie c'est tout ce qu'on a ici pour pimenter notre vie ». Mais ce ton burlesque et enlevé n'est que le pendant d'une vie quotidienne socialement et économiquement complexe, dans cette réserve où la double peine des passages français et anglais n'a bien souvent laissé que désespoir et corruption.

Heureusement, il reste l'histoire et la tradition indienne, riche en imaginaire et en spiritualité, qui se poursuit et permet à l'auteur de superbes chapitres où l'esprit s'envole, où la lumière apparaît, où la musique révèle sa force cosmique et où la poésie embellit et réécrit sous un angle différent un quotidien souvent trop sombre, marqué par le souvenir de Diane au destin autrefois tragique.

Un dernier mot sur la langue, pour partie conservée dans sa rédaction originelle, qui surprend au début mais à laquelle on s'habitue très vite et qui devient alors un élément indispensable du plaisir comique jubilatoire de cette grande comédie où Louis-Karl Picard-Sioui se lâche sans aucune réserve !

Cette chronique t'a donné envie ? Câlisse ! Ne sois pas un grand crisse de blanchon-de-marde et que tes bottines suivent tes babines ! Fais pas ton pêteur de coches : file asteur et dépense quelques piasses pour Kitchike. Sûr qu'tu vas l'caler c'te fin de semaine avec plaisir !
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Kitchike est une réserve fictive dans laquelle les personnages de Louis-Karl Picard-Sioui vont nous donner un aperçu de la situation actuelle des peuples autochtones du Québec.

Sur un fond politique très morose dans lequel la perversion du capitalisme et la soif de pouvoir ont corrompu l'organisation originelle beaucoup plus intuitive des Premières Nations, l'auteur laisse la parole à plusieurs personnages. Derrière les rideaux de l'espièglerie et d'un humour caustique, se dévoilent des individus désirants, agités par leur soif d'authenticité, leur faim d'ailleurs, l'immensité des possibles qui frissonne sous leurs sentiments. Nous découvrons dans de courts chapitres les petites histoires des uns et des autres, leurs pensées les plus intimes, les légendes locales qui les accompagnent et celles plus imposantes qui leurs viennent de temps plus anciens, quand les frontières n'existaient pas.

Le roman est rédigé dans de courts chapitres, comme autant de tableaux que l'ont pourrait situer entre le théâtre et la littérature traditionnelle.
J'ai beaucoup aimé cette alternance des genres, juste suffisamment désaccordés pour incarner la diversité des habitants de Kitchike, mais toujours subtilement imbriqués dans l'unité intrinsèque de la communauté.

En point d'orgue de tout cela, un vrai petit joyau, un chapitre aussi lumineux que vertigineux et qui m'a conquise au plus haut point : "L'homme qui fait danser les étoiles". Je suis sûre qu'il vous embarquera très loin vous aussi.

Merci aux éditions Dépaysage pour l'envoi de ce roman, une maison d'édition formidable que je retrouve toujours avec plaisir et qui propose une exploration plurielle du vécu et de la mémoire des cultures autochtones.
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J'attends dorénavant avec impatience chaque nouvelle parution de la collection Talismans des Editions Dépaysage et le moins que je puisse dire c'est que je n'ai pas été déçue par ce 5ème roman. Quel savoureux roman !

Un roman qui prend la forme d'une collections d'histoires liées les unes aux autres et qui nous amène dans une réserve autochtone du Québec. A travers une galerie de personnages gouailleurs, l'auteur nous fait partager une tranche de vie de cette communauté. Il y a les désenchantés, les poètes, les mystiques, les corrompus, les farceurs, les séducteurs, les justiciers…
C'est Clochemerle outre Atlantique! Une incursion mémorable dans un univers où se côtoie les traditions et la politique, le désopilant et la mélancolie.

En s'appuyant sur la verve québécoise, l'auteur alterne les styles et les niveaux de langages pour donner corps à chaque personnages avec des dialogues qui sont des petites bombes. Ça donne un livre d'une grande vitalité, rafraichissant et un brin désespéré. Car la farce ne manque pas de fond. Derrière l'ironie, il y a la radiographique d'une société humaine et l'occasion de caricaturer avec beaucoup de goguenardise tous les travers de ses membres et du système.

Heureuse d'avoir découvert un écrivain à la si plume piquante. J'en redemande.
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A Kitchike se côtoient des personnages tous très différents. La communauté est traversée par l'influence de l'église mais aussi par le poids des traditions. Roméo,, le chamane se mesure à Albin le curé tandis que Pierre Wabush drague à tout va et apporte le scandale qui secoue la réserve. le chef Saint-Ours s'en trouve ébranlé et rien n'échappe à la très loquace Madame Paul, caissière du Gaz Bar. En périphérie, il y a la ville et le regard emprunt de condescendance et de curiosité des blancs. Les deux mondes vivent côte à côte sans réellement chercher à se comprendre.

Le roman prend des allures de recueil de nouvelles. Chaque chapitre fait entendre la voix d'un personnage et raconte une histoire presque indépendante des autres. Ce sont des tranches de vie souvent intimiste qui nous sont racontées. Suivant les narrateurs ou les points de vue, le ton change, la langue se fait mouvante. Parfois écrit dans un français très littéraire ou parfois émaillé de termes québécois, le texte nous immerge dans le coeur battant d'une communauté autochtone québécoise. A Kitchike on ne s'ennuie pas, il y a toujours une anecdote à se raconter au gaz bar ou la sortie de l'église. Reliés par des souvenirs et des traditions communes, tous vont être secoués quand le scandale va retentir.

J'ai beaucoup aimé la langue de ce livre que j'ai trouvé très inventive et vivante. On sent le soin accordé par l'auteur aux mots. Louis-Karl Picard-Sioui est un poète et un membre du clan du loup du peuple wendat. Il porte en lui un héritage riche et un goût pour la langue. Son texte est habité, vibrant d'humanité. Il manie l'humour comme l'émotion avec justesse et nous propose un texte en forme de patchwork de styles et d'histoires absolument délicieux.

Je ne peux que vous encourager à partir à la rencontre des habitants de Kitchike, un voyage à la fois drôle et émouvant.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Et comme lorsqu’il était enfant, il se permit de douter. Douter du monde qui l’entourait, de ses règles, de tout ce qu’il avait appris, de ce qu’il avait tenu pour acquis. Et soudain, le monde lui semblait neuf et merveilleux.
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Le vieux Roméo s'assit sur une souche pour contempler le ruisseau et son scintillement sous le soleil printanier. L'endroit était paisible. Du haut de ses soixante-seize ans, Roméo pouvait témoigner qu'il n'en avait pas toujours été ainsi. Dans sa jeunesse désinvolte, Kitchike n'était qu'un petit hameau, guère plus qu'un campement. Puis, les maisons s'étaient multipliées presque aussi vite que les enfants et le chiens. Les rues de poussière avaient fait place aux corridors de bitume. Les sentiers de terre battue qui sillonnaient la communauté butaient de plus en plus sur les clôtures de bois. Roméo ne comprenait pas pourquoi ceux de sa race cadastraient l'espace qui leur était assigné ni comment leur cœur pouvait se contenter de quelques pieds carrés. D'année en année, l'espace villageois avait dévoré les bois, autrefois le milieu de vie de son peuple. Chose étrange, plus la forêt laissait place à l'espace urbain, moins ce qui restaient boisés semblait fréquenté. Les jeunes, hypnotisés par les lueurs de la ville, les avaient peu à peu désertés.
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L’espoir. Nous n’obtiendrons peut-être jamais justice ni vérité, mais nous pouvons avoir l’espoir.
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Les visages s’éclaircissent d’au moins trois tons de palette Avon. 
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Pinault avait troqué sa position de missionnaire pour celle du missionnaire.
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Videos de Louis-Karl Picard-Sioui (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Louis-Karl Picard-Sioui
Extrait du recueil LES GRANDES ABSENCES de Louis-Karl Picard-Sioui
À la suite de son recueil «Au pied de mon orgueil», Louis-Karl Picard-Sioui poursuit le travail d'individualisation de la voix avec LES GRANDES ABSENCES.
«Échapper au collectif pour retourner à soi, à son discours fragmenté, au dialogue de soi avec soi-même. Pour briser les silences. Assurer ma présence, ici, maintenant… Une voix se libère, retournant au plus profond de soi, une offrande que l'on se fait rarement : se regarder et découvrir l'absolu. Déposer le poids des archives, tenter sa propre parole, explorer le chemin le plus simple. Être léger et libre dans le vent.» Louis-Karl Picard-Sioui
Originaire de la communauté de Wendake, Louis-Karl Picard-Sioui est membre du clan du Loup du peuple wendat. Il est écrivain et travaille dans la diffusion de la culture et des arts autochtones. Il a publié chez Mémoire D encrier les recueils «Au pied de mon orgueil» (2011) et «Les grandes absences» (2013).
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