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Catherine Gibert (Traducteur)
EAN : 9782266322287
544 pages
Pocket (03/02/2022)
3.91/5   82 notes
Résumé :
Levez-vous enfants, mettez-vous en formation, la folie a pris feu, poings levés brûle, brûle, brûle ; que toutes les voix s’élèvent, vivantes et fières – ou donnez-nous la mort dix mille régimes, se repaissant de nos âmes, et pourtant nous continuons de nous battre, jusqu’à quand ? Puissions-nous vivre longtemps pour voir ce matin resplendissant.

C’est l’histoire d’un petit village d’Afrique de l’Ouest en lutte contre la multinationale américaine qui ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
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Le petit village africain de Kosawa se meurt, ses terres polluées et ses enfants empoisonnés par les activités d'extraction pétrolière d'une multinationale américaine. Lasse des promesses de réparation non tenues, la jeune génération entreprend de se défendre, par tous les moyens s'il le faut. A leur tête, Thula est prête à y consacrer sa vie.


Lutte du pot de terre contre le pot de fer, le combat à l'origine plein d'espoirs d'une poignée de villageois tenus pour quantité négligeable va s'avérer une partie épineuse, désespérante et usante. Malgré leur détermination d'autant plus ferme qu'elle s'assortit d'une confiance ingénue en leur bon droit et en la justice, rien ne se déroulera selon les attentes de Thula et des siens, les contraignant à user tour à tour de toutes les armes à leur disposition. Intervention des media et d'organisations humanitaires, action en justice auprès des instances internationales, voie pacifique ou violente : leur adversaire est au coeur de bien trop d'intérêts croisés pour se sentir ne serait-ce qu'un instant ébranlé. Surtout lorsqu'à la longue, les habitants de Kosawa eux-mêmes ont toutes les chances de succomber à leur tour aux sirènes de la compromission et de l'enrichissement…


Plus fable politique que roman, le récit rassemble, en une histoire unique et symbolique, tout ce qu'ont pu vivre différents peuples, envahis, assujettis et exploités par des puissances étrangères, motivées par leurs seuls intérêts. Confrontées à l'esclavagisme, puis à la colonisation, et enfin au pillage de leurs ressources avec parfois la complicité de dictatures locales sanglantes et corrompues, bien des populations d'Afrique n'ont eu d'autre choix que de finir par abandonner toute résistance, troquant leurs modes de vie ancestraux contre une conformité dont ils espèrent tant bien que mal tirer leur part du profit.


Malgré sa formidable portée et la justesse de son observation historique et géo-politique, ce texte s'est révélé pour moi d'une lecture difficile et pénible. Lent, long et désespérément répétitif au fur et à mesure de l'alternance des points de vue des différents protagonistes, le récit nous plonge dans un combat aux multiples rounds, tous condamnés à l'échec, où Thula, l'héroïne principale, fait plus figure d'allégorie qu'elle ne s'incarne en personnage réel. L'ensemble en acquiert parfois un côté presque abstrait, qui perturbe l'immersion du lecteur dans le fil narratif.


A défaut de vrai plaisir de lecture, restent une démonstration puissante et une vision d'une sombre lucidité, propres à ouvrir bien des réflexions. le combat de Thula m'a notamment souvent fait penser à celui, bien réel, des Chagossiens, raconté récemment dans Rivages de la colère de Caroline Laurent.

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Ce que j'ai ressenti:

« Peut-être est-ce de folie que nous avions besoin? »

Car quand nous sommes démunis, désespérés, impuissants, est-ce que la folie de rêver un monde meilleur, ne serait-il pas une idée lumineuse…C'est ainsi que j'ai ressenti cette lecture. Déjà le pronom Nous, prend toute sa majesté. Nous, c'est nous êtres humains, concernés par les crises climatiques, économiques, politiques. Nous, êtres humains, faisant partie de ce monde, avec ce que nous pouvons accomplir de beau, ensemble, avec nos différences. Nous, êtres humains, conscients des injustices, de l'Histoire, de la réalité. Nous, êtres de chairs et de sang. Je suis l'une d'entre nous. Il m'est donc douloureux de constater, que certains d'entre nous sur terre, puissent subir, autant de violences, d'indifférences, de silenciations.

C'est dans un tout petit village, Kosawa, que se déroule un drame révoltant: la mort d'une communauté, d'une terre, d'un Esprit. L'avarice du capitalisme arrache à ses habitants, leurs descendances, leurs puissances, leurs croyances. L'extraction du pétrole décime tout, en ce lieu. Ne reste plus que quelques sursauts d'espoirs et d'actes désespérés, un peu de rugissements, pour que vienne jusqu'à Nous, leurs histoires…Puissions-nous vivre longtemps, pour que ce combat ne tombe pas dans l'oubli…

« Elle était une colombe façonnée par le feu, une colombe qui se consumait et s'élançait pourtant vers le ciel. »

Thula sera le visage de cette jeunesse endeuillée, révoltée et déterminée à mener le combat pour libérer son peuple. Elle, une fillette, elle, une flamme, elle, une espérance, elle, une vie consacrée à une lutte totalement inégale contre les puissants. Une promesse, pour les siens, et pour l'Histoire. Elle qui va combattre les préjugés, la domination, la corruption grâce à l'éducation. Et c'est parce qu'elle est cet espoir, qu'elle est entièrement dévouée à cette cause, qu'elle devient la porte-parole de tous ces opprimés. Elle fait des sacrifices énormes pour défendre Kosawa, transmettre la bienveillance et la paix par le pouvoir des mots, agir avec intelligence. C'est une magnifique et puissante héroïne. Quel courage! Elle est éblouissante. Tout le long de ces 500 pages, on la voit petit à petit, s'épanouir et devenir, cette Colombe…Thula est une inspiration, elle est, l'une d'entre nous…

« Nous aurions dû savoir que la fin était proche. Comment se fait-il que nous ne l'ayons pas su? »

Imbolo Mbue nous offre un roman polyphonique bouleversant et sublime. J'ai été transportée par cet élan d'amour, de désir, de résistance. Malgré les deuils, malgré les horreurs, malgré la pollution, malgré le désespoir, elle nous donne à lire une émotion forte, grâce à une plume sensible et poétique. Nous ressentons l'urgence de prendre conscience de l'inéluctable, de l'injustice, de la mort. Nous ressentons la tragédie de voir s'effacer les richesses matérielles et spirituelles. Nous ressentons la peine, la colère, la désillusion de ces peuples bafoués. Les outrages sont divers, et c'est en entendant leurs voix, en écoutant le sang du léopard qui coule dans leurs veines, en prêtant oreille à leurs souvenirs évoqués, que peut-être justice leur sera rendue…En attendant, les souffrances s'accumulent…La splendeur, c'est cette histoire qui parvient jusqu'à nous. Et si vous sentez la vibration qui nous relie, alors vous sentirez aussi, mon coup de coeur…
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Dans un premier temps j'ai adoré regarder la couverture sobre et colorée de ce livre qui m'attendait alors que j'avais plusieurs lectures en cours. le rabat présente un portrait de l'autrice tout à fait saisissant par la puissance et la détermination dégagées. Une Imbolo Mbue lumineuse nous propose un roman sincère et convainquant.

Imbolo Mbue est née en 1982 à proximité de Douala, dans la petite partie anglophone du Cameroun, au sud-ouest du pays. A 16 ans elle part pour faire ses études aux États-Unis. Elle dit sa sensation d'être entre deux cultures après avoir lu « les grands auteurs africains » Chinua Achebe, Ngugi wa Thiong'o notamment puis découvert Toni Morrison et Gabriel Garcia Marquez, des références susceptibles d'attiser ma curiosité. Elle a aujourd'hui 38 ans et vit à Manhattan. Son premier roman Voici venir les rêveurs sorti en 2014, immense succès traduit dans de nombreux pays, racontait l'histoire d'une famille camerounaise émigrée à New York. Ce second roman remonte le temps, reviens sur la vie des ancêtres au pays, la vie d'avant les promesses de prospérité venue d'Occident.

Puissions-nous vivre longtemps est l'histoire des habitants d'un petit village d'Afrique, Kozawa, de la période coloniale jusqu'à nos jours. L'autrice est une habile conteuse qui parvient à tresser ensemble tous les fils liés aux divers personnages, aux générations successives, sans que je me sois senti perdu à une seule page et sans que l'intérêt pour la suite ne retombe.

J'aime beaucoup le titre d'origine, en anglais : How Beautiful We Were... La vie heureuse bascule le jour où une multinationale américaine, nommée Pexton, s'installe à proximité du village, polluant l'eau, l'air, les terres de culture et provoquant la mort des enfants... Une lutte opiniâtre va s'organiser. Celle-ci va prendre différentes formes : pacifiques en usant de la diplomatie, utilisant l'appui de journalistes étrangers, d'associations... violentes également en ayant recours à l'enlèvement, la séquestration, la lutte armée et même les tentatives de renversement du régime. Les forces en présences sont inégales et les déboires nombreux, mais au final l'espoir est toujours présent, le titre est là pour nous en convaincre. « Puissions-nous vivre longtemps » appelle une suite que le lecteur doit imaginer en refermant le livre. Je pense à « ... pour connaître la justice, nous libérer de l'emprise des multinationales, pour vivre libres et heureux. »

C'est bien un message d'espoir qui est délivré dans ce récit en partie autobiographique. Imbolo Mbue s'engage à sa façon avec ses écrits comme le fait Thula. Elle règle des comptes avec son pays d'origine et n'est pas tendre avec son président qu'il me semble reconnaître à travers « Son Excellence », même si les despotes cupides, manipulés par des puissances étrangères sont nombreux en Afrique. L'autrice réussit, à travers des lieux fictifs, à en faire des situations emblématiques.

J'ai aimé la façon dont l'autrice nomme les étrangers : Face de lune, le Chétif, le Gentil, le Charmant... En quelques mots les portraits sont établis. J'ai aimé la facilité avec laquelle on passe d'un narrateur à un autre, donnant une idée des différents points de vue possibles.

Thula, cette jeune femme originaire du village, va être remarquée pour son goût pour la lecture. Elle obtient une bourse et part étudier aux États-Unis. Elle devient une des meilleures dans sa discipline tout en côtoyant des milieux politisés lui permettant d'acquérir les connaissances qui lui seront utiles à son retour à Kosawa. La grande force de ce roman est la multitude de chemins empruntés. L'intelligence de Thulla lui fait explorer inlassablement de nouvelles pistes pour trouver une voie de sortie pour son peuple, s'inspirant tout en s'en méfiant des mouvements ayant existé en Amérique et en Europe. Entre utopie et désillusion les questions abondent, rien n'est simple :

Mais aucune naïveté ici. Entre le but à atteindre et la réalité, bien des obstacles se dressent, notamment le manque de fondations du pays.

Le personnage de Thula m'a beaucoup intéressé. Il est charismatique. Cette jeune femme dévouée à la cause des villageois opprimés m'a fait penser à Louise Michel ou à Dolores Ibárruri, aussi surnommée La Pasionaria lors de la guerre d'Espagne. Plus sérieusement j'ai pensé aussi aux mères de la Place de Mai en Argentine dont les enfants ont disparu sous la dictature. Mais la figure principale à laquelle renvoie l'héroïne du livre est sans contestation possible Angela Davis, alliance d'engagement direct et de puissance littéraire. La belle chevelure de l'autrice évoque Angela, très loin des fastes du pouvoir renvoyés par la femme de "Son Excellence", passage très drôle qui cible à n'en pas douter la première dame actuelle du Cameroun, Chantal Biya, et son incroyable chevelure rappelant les monarques d'antan. Voir photos sur internet...

J'avoue qu'aucun nom d'héroïnes africaines ne m'est venu... J'ai pourtant découvert que de nombreuses femmes ont lutté contre le colonialisme : Aline Sitoé Diatta au Sénégal, Kimpa Vita/Dona Beatriz au Congo, M'Balia Camara en Guinée...

Ces quelques notes sont très réductrices d'un récit foisonnant, qu'il est nécessaire de lire dans sa totalité pour en capter la richesse. Je ne suis pas bien sûr d'avoir réussi à le résumer en si peu de place. Ce n'est pas un livre politique dans le sens où il ne théorise pas, chacun conserve sa vérité, c'est un livre de l'humain et du sensible d'où émergent des figures marquantes. Je le conseille sans hésiter, espérant que comme moi, vous l'aimerez !
*****
Chronique complète avec illustration sur Bibliofeel, lien ci-dessous.

Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Alerte coup de coeur ! Chamboulement ! Concentré d'émotions !

Ce roman est un beau pavé de presque 500 pages. Ce n'est pas un roman, ce n'est pas un témoignage, c'est une véritable fresque. Celle d'un village d'Afrique, Kosawa. Là-bas, les familles vivent toutes ensemble dans des cases à leur convenance, mais ça, ça ne dure que jusqu'à l'arrivée de Pexton. Au nom de l'or, jaune ou noir, c'est la même histoire, ce sont des vies qui basculent, c'est un village qui périclite, ce sont des familles qui sont décimées.

Ce texte est d'une beauté à couper le souffle, c'est ainsi que j'ai vécu ma lecture. Il est à la fois tout en pudeur et tout en émotions. Nous passons dans chaque chapitre d'une voix à l'autre et ce qui aurait pu être lourd et difficile à suivre, devient, sous la plume d'Imbolo Mbue, porteur d'un sens profond. A travers les voix entremêlées de Thula, l'héroïne, du roman, mais surtout du village, celle qui portera dans son coeur le deuil, la colère, les rêves de révolution et de changements nimbés d'amour ; des enfants, ceux qui voient sans comprendre, qui comprennent mais qui n'acceptent pas, qui suivent sans réfléchir et qui se trompent quand ils réfléchissent ; de Sahel, la maman de Thula, celle qui subit sa vie, ses deuils successifs, son désir inassouvi, son dévouement pour sa famille ; de Juba, le petit frère en admiration devant sa grande soeur pleine de savoir et d'enthousiasme, mais qui finit par devenir ce qui lui semble le plus opportun pour lui et pour la femme qu'il aime ; de Yaya, la grand-mère, qui se souvient, murée dans le silence de la douleur, des séquelles de l'esclavage, de l'hévéa, des drames familiaux et de la malédiction du pétrole depuis ses origines, c'est un chant choral qui met sous les yeux des lecteurs, nous, les Occidentaux, une tragédie humaine qui se joue en mineur encore aujourd'hui.

Le drame ici est que nous sommes certains, dès le départ, que ces peuples sont dans leur droit, que c'est inhumain de laisser le pétrole se déverser dans leurs rivières, dans leur sol, au point que leurs enfants meurent très tôt de maladies inconnues. Nous savons qu'ils sont justes quand ils demandent qu'on dépollue leurs terres, mais nous savons aussi que ça ne se fera pas. Malgré tout, je me suis surprise à espérer.

Que peut un village, composé d'une dizaine de familles, contre une multinationale qui couvre les besoins en pétrole de millions d'automobilistes outre-Atlantique ? Cette destinée, c'est celle de l'infiniment petit contre le démesurément grand, celle de l'humain contre l'économie, et elle a un goût amer. Imbolo Mbue nous montre les rouages d'une mécanique bien huilée, au profit des grandes firmes, des ignobles dictateurs et au mépris des gens. On sent le désespoir de ces personnes, poussées dans leurs pires retranchements, et qui paient pour le moindre crime, alors que les vrais coupables ne paieront jamais. L'Occident ne propose que de l'argent à ceux qui ne demandent que la vie. Et pourtant, force est de constater que c'est l'argent qui gagne, pas parce que les peuples deviennent cupides, non, mais parce que c'est le seul moyen de survivre. Ils doivent choisir entre l'abdication, la renonciation ou bien la mort, par le pétrole ou les armes à feu des soldats de Son Excellence.

Et pourtant, aucun manichéisme dans ce texte. Il y a des habitants de Kosawa dépourvus de sens moral, il y a des Américains profondément bons, même dans la société pétrolière. Ce roman, c'est surtout l'histoire de rêves avortés, quel que soit leur pays d'origine. C'est l'échec de l'optimisme.

Je me suis sentie révoltée, profondément. Parce que je sais que c'est vrai. Comme vous tous. Je me suis sentie touchée dans mon coeur d'être humain, devant cet espoir perpétuel, cette croyance en l'amour, en la bonté de l'Autre, je me suis surprise bien plus en colère que Thula. Ce roman a eu l'effet d'une bombe en moi et pourtant, il n'appelle pas à la révolte, il raconte…la destinée d'êtres humains aux prises avec la modernité. Et c'est profondément choquant !
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«  Nous aurions dû savoir que la fin était proche. Comment se fait-il que nous ne l'ayons pas su ? Lorsqu'il s'est mis à pleuvoir de l'acide et que l'eau des rivières est devenue verte, nous aurions dû savoir que, bientôt, notre terre serait morte. En même temps, comment l'aurions-nous su alors qu'ils ne voulaient pas que nous le sachions ? [...] Ils nous ont dit que nous devions leur faire confiance. »


Dès les premières lignes du roman, le cadre est donné : « Nous » , ce sont les habitants du petit village (fictif) de Kosawa, en Afrique de l'Ouest. « Ils », ce sont les dirigeants du groupe pétrolier américain Pexton qui exploite depuis trois décennies les terres jouxtant le village, polluant allègrement l'air, le sol, le fleuve et l'eau du puits. Pexton a promis « civilisation et prospérité » , elle n'a apporté que désolation, empoisonnement et morts à petit feu.

Dans ce pays qui n'est jamais nommé , où « son Excellence », le Président du pays (un homme portant un « chapeau en peau de léopard incliné sur la droite » ) a bradé les terres et s'est rempli les poches, un village meurt dans l'indifférence générale ou presque.


Fausses négociations et fausses promesses pour endormir la révolte qui gronde.... Confiants en leurs droits et en la justice, les habitants tentent de sauver leurs terres et leurs enfants . Mais peut-on combattre le capitalisme allié à un état corrompu sans avoir recours à la violence ?


Thula qui a grandi dans ce village, a vu mourir certains de ses camarades et vu son père puis son oncle porter en vain les revendications, a eu l'opportunité de partir étudier aux États-Unis. Elle y forge son expérience militante auprès des différents mouvements de contestation sociale puis revient au pays mener le combat contre l'injustice et la corruption car «  je serai toujours l'une d'entre nous » écrit-elle à ses amis d'enfance.
Elle est l'une des voix de ce roman polyphonique , à côté de sa grand-mère Yaya , mémoire de son peuple, et de son jeune frère Juba tiraillé entre ses idéaux et son pragmatisme. Et puis il y a « Les enfants », comme le choeur d'une tragédie antique fait avancer le récit et le conclue.


Fable politique tout autant que roman, c'est la triste histoire de pays qui ont successivement subi la traite et l'esclavage , puis la colonisation et ses abus et qui souffrent aujourd'hui de la corruption de ses gouvernants et d'une forme de colonialisme économique dans laquelle le profit et la rentabilité passent bien avant le bien-être des populations.

On oscille entre révolte devant tant d'hypocrisie et de malheurs, et admiration devant la pudeur et la dignité de ces familles qui puisent dans leurs croyances et valeurs ancestrales la force de résister.


Un livre puissant sur ceux que Frantz Fanon appelait «  les Damnés de la terre » , qui rappelle en passant que les problèmes de ces pays viennent aussi de leur découpage arbitraire post colonial :
« Nous formons un agrégat de tribus sans rêve commun . Notre pays a été construit de force sur des sables mouvants qui, aujourd'hui, s'effondrent de l'intérieur. »


Même si je l'aurais aimé un peu plus resserré, ce 2ème roman de l'auteure americano-camerounaise Imbolo Mbue ne peut laisser indifférent.


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critiques presse (3)
LaCroix
19 mars 2021
L’autrice américano-camerounaise du best-seller « Voici venir les rêveurs » revient avec un deuxième roman, beau et poignant, sur un village d’Afrique aux prises avec une compagnie pétrolière.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeFigaro
11 mars 2021
Un demi-siècle de l’histoire d’un village africain qui finit par s’insurger pour conserver ses terres et sa culture.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeDevoir
08 mars 2021
Roman de la résistance, de l’espoir et de la résilience, malgré la violence désorganisée contre l’hydre pétrolière et les mille visages de la corruption, éloge de l’éducation comme arme de construction massive.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Thula n’a pas balayé mes espoirs, elle m’a simplement fait remarquer qu’il était peu probable dans un pays comme le nôtre que l’on passe en douceur d’un gouvernement pitoyable à un gouvernement irréprochable. Notre nation n’avait pas les fondations nécessaires pour que cette transition se produise, par manque de constitution ; chaque pays doit se doter d’une déclaration émise par le peuple tout entier qui définit les contours du pays dans lequel il souhaite vivre afin de le bâtir ensemble. Intéresse-toi aux pays dont l’histoire est marquée par des gouvernements solides et tu verras que tous reposent sur des fondations créées par leurs prédécesseurs. L’Amérique s’appuie sur des bases établies par les pères fondateurs. Les monarques européens ont défini les assises des pays dans lesquels leurs descendants vivraient. Qui a créé les fondations de notre pays ? Personne. Nous formons un agrégat de tribus sans rêve commun. Notre pays a été construit de force sur des sables mouvants qui, aujourd’hui, s’effondrent de l’intérieur.
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Vous croyez être les seuls à souffrir ? demande-t-il. Partout dans le pays, des villages et des villes souffrent pour une raison ou une autre. Votre eau est impure. Dans tel village, les soldats violent les filles. Dans tel autre, une autre société abat les arbres et le sol s’érode. À moins que des pierres précieuses n’aient été trouvées dans le sous-sol, alors là les soldats débarquent armés d’un arrêté gouvernemental les autorisant à sécuriser la zone et ce faisant à tuer des gens parce que… Ont-ils besoin d’une raison ? Le village ancestral de ma femme, pas très loin du mien dans la région de Bikonobang, a été annexé par le gouvernement pour y développer une réserve animalière, tous les habitants doivent plier bagage et trouver un autre endroit où vivre. Que pensez-vous que ces villageois ont pu faire pour s’y opposer ? Rien. Des dizaines d’entre eux ont fait le voyage à Bézam, ont pleuré et supplié qu’on les aide – vous savez ce qui s’est passé ? On leur a dit de rentrer chez eux et d’attendre, l’aide ne tarderait pas à arriver. Alors ils sont rentrés chez eux et ils ont attendu, attendu. Parfois, ils retournent à Bézam, ils retournent à Bézam un nombre incalculable de fois. Mais rien ne change. Pas pour eux. Pas pour vous. Vous pouvez aller construire un autre pays ailleurs si celui-ci ne vous convient pas ; les gens qui possèdent le nôtre l’aiment tel qu’il est.
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Dans tous les camps, les morts étaient trop nombreux, dans le camp des vaincus, dans le camp des vainqueurs, dans le camp de ceux qui n'avaient jamais choisi de camp, à quoi servaient les camps ? Qui pouvait se prétendre victorieux de son vivant ?
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Au moment où je suis née, on sentait les frémissements d’un retour de la paix dans notre région, mais rien de semblable à ce qui avait été jadis. Les histoires de ravisseurs semblaient appartenir désormais à une légende, la soif de caoutchouc s’était calmée en Europe, il n’était donc plus nécessaire de faire couler le sang de notre peuple pour l’étancher. Pourtant, la peur qu’une nouvelle exigence des Européens survienne et que leurs enfants soient emmenés n’a jamais quitté nos mères et nos pères. Parvenus à l’âge adulte, nous n’avons vu aucun signe annonciateur d’un nouveau malheur. Les Européens occupaient le terrain depuis un certain temps et nous avons commencé à en avoir moins peur, mais sans jamais oublier qu’ils étaient venus non pour être nos amis, mais pour que nous obéissions à leurs ordres. Ils nous ont initiés à l’argent non parce que nous en avions besoin, mais parce que nous devions apprendre son fonctionnement pour leur faciliter la vie. Ils ont inculqué de force leur Esprit aux faibles d’esprit et bâti une église à Lokunja non parce que nous en avions l’utilité, mais parce qu’ils voulaient nous persuader que notre Esprit était le mal, nos manières immorales. S’ils nous incluaient dans leur monde, nous devions intégrer dans notre vie les principes qui régissaient la leur.
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Une nuit, après dix ans de règne de Son Excellence, je me suis tournée vers mon mari dans le lit et je lui ai demandé ce qu'il jugeait pire : les maîtres européens ou Son Excellence. Les fous qui avaient crée cette mascarade de nations ou les serviteurs qui avaient repris la charge de l'empêcher de se désagréger ? Mon maria haussé les épaules et dit qu'il ne pouvait choisir. Les maîtres valaient peut-être mieux, ai-je dit. Il n'a pas répondu. il s'est retourné et s'est rendormi.
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Vidéo de Imbolo Mbue
Auteure du roman de la rentrée littéraire Belfond "Sous les branches de l'udala", Chinelo Okparanta nous raconte comment d'où lui vient son intérêt pour la littérature engagée. En savoir plus sur le roman "Sous les branches de l'udala" : https://bit.ly/2Lbglm8
Dans la lignée d?Imbolo Mbue et de Chimamanda Ngozi Adichie, la découverte coup de c?ur d?une voix puissante et singulière. Nommé pour de nombreux prix littéraires, porté par une atmosphère foisonnante où se bousculent les sensations, un roman bouleversant de courage sur la quête de soi, le poids dévastateur de la religion et des traditions, et la force éperdue de l?amour.
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