comment on avait renoncé à croire aussi que l'Algérie, c'était la guerre, parce que la guerre se fait avec des gars en face alors que nous, et puis parce que la guerre c'est fait pour être gagné alors que là, et puis parce que la guerre c'est toujours des salauds qui la font à des types bien et que les types bien là il n'y en avait pas, c'étaient des hommes, c'est tout, et aussi parce que les vieux disaient c'était pas Verdun, qu'est ce qu'on nous a emmerdés avec Verdun, ça une saloperie de Verdun, combien de temps ça va durer encore, Verdun, et les autres après qui ont sauvé l'honneur et tout et tout alors que nous, parce que moi, avait raconté Février, tu vois, moi, j'ai même pas essayé de raconter parce qu'en revenant, il n'y avait rien pour moi...
Et Rabut peut bien se retrouver assis au fond de son lit, avachi par les années et la famille, tous ces mariages, ces naissances, ces communions et ces gueuletons avec les anciens d'Afrique du Nord, les méchouis, la nostalgie de quelque chose perdu là-bas, peut-être la jeunesse, parce qu'à force, peut-être on embellit même les souvenirs qu'on préfèrerait oublier et dont on ne se débarrasse jamais, jamais vraiment ? Alors on les transforme, on se raconte des histoires, même si c'est bon aussi de savoir qu'on n'est pas tout seul à avoir été là-bas, et, de temps en temps, pouvoir rire avec d'autres, quand la nuit c'est seul qu'il faut avoir les mains moites et affronter les fantômes.
On pleure dans la nuit parce qu'un jour on est marqué à vie par des images tellement atroces qu'on ne sait pas se les dire à soi-même. (p. 268)
Malgré un départ que j'ai trouvé un peu poussif et un style qui m'a un peu perturbé au début "Des hommes" est un beau livre qui montre bien l'horreur de la guerre d'Algérie, les non-dits, la culpabilité qui vous rongent pendant toute une vie.
je voudrais savoir si l'on peut commencer à vivre quand on sait que c'est trop tard.
... ne plus entendre le bruit des canons ni les cris, ne plus avoir l'odeur d'un corps calciné ni l'odeur de la mort - je voudrais savoir si l'on peut commencer à vivre quand on sait que c'est trop tard (dernière phrase du livre).
Je voudrais voir quelque chose qui n’existe pas et qu’on laisse vivre en soi, comme un rêve, un monde qui résonne et palpite, je voudrais, je ne sais pas, je n’ai jamais su, ce que je voulais, là, dans la voiture, seulement ne plus entendre le bruit des canons ni les cris, ne plus savoir l’odeur d’un corps calciné ni l’odeur de la mort - je voudrais savoir si l’on peut commencer à vivre quand on sait que c’est trop tard.
Il se demande si une cause peut être juste et les moyens injustes. Comment c'est possible de croire que la terreur mènera vers plus de bien.
-je voudrais savoir si l'on peut commencer à vivre quand on sait que c'est trop tard.
Bernard imagine ... "ce qu’il ferait si des soldats étaient venus tout raser, tout briser, nous empêcher de cultiver, de travailler"