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Citations sur Des hommes (85)

Plus le temps passe, plus il se répète, sans pouvoir se raisonner, que lui, s'il était Algérien, sans doute il serait fellaga. Il ne sait pas pourquoi il a cette idée, qu'il veut chasser très vite, dès qu'il pense au corps du médecin dans la poussière. Quels sont les hommes qui peuvent faire ça. Pas des hommes qui font ça. Et pourtant. Des hommes. Il se dit pourtant parfois que lui ce serait un fellaga. Parce que les paysans qui ne peuvent pas travailler leur terre. Parce que la pauvreté. Même si certains lui disent qu'on est là pour eux. On vient donner la paix et la civilisation. Oui. Mais il pense à sa mère et aux vaches dans leurs champs, il pense aux nuages épais et lourds dont les ombres tombent sur le dos des bêtes et dans le ruisseau, sur les peupliers. Il pense à son père et à sa mère qui mettaient leurs mains devant leurs bouches de bébés, lui a-t-on répété, à lui et à ses frères et soeurs aussi, lorsque tout le hameau abandonnait les fermes pour se cacher dans des trous creusés par les obus et qu'on entendait les pas des Allemands tout près. Il pense à ce qu'on lui a dit de l'Occupation, il a beau faire, il ne peut pas s'empêcher d'y penser, de se dire qu'ici on est comme les Allemands chez nous, et qu'on ne vaut pas mieux.
Il pense aussi qu'il serait peut-être harki, comme Idir, parce que la France c'est quand même bien, se dit-il, et puis que c'est ici aussi, la France, depuis tellement longtemps. Et que l'armée c'est un métier comme un autre, sur ça Idir a raison, être harki c'est faire vivre sa famille alors que sinon elle crèverait de faim.
Mais il pense aussi que peut-être tout ça est faux. Qu'il ne faudrait croire personne. Qu'on ment partout. IL pense depuis toujours qu'on lui ment. Quelque chose, qui ment. Partout. Jusqu'à lui donner l'envie de vomir et de retourner tout ce qui est le monde devant lui. Il a presque envie de pleurer. Il ne sait pas pourquoi. Pourquoi le cafard et la mélancolie. (p. 201-202)

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Je voudrais savoir si l’on peut commencer à vivre quand on sait que c’est trop tard
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L’Algérie, on n’en a jamais parlé. Sauf que tous on savait à quoi on pensait lorsqu’on disait nous aussi on est comme les autres, et les animaux valent mieux que nous, parce qu’ils se foutent pas mal du bon côté.
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Savoir se taire, ne pas raconter non plus l'épisode du médecin, les villages. Peut-être seulement l'ennui et la routine. Mais plutôt : se taire et ne pas savoir.
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Quels sont les hommes qui peuvent faire ça. Pas des hommes qui font ça. Et pourtant. Des hommes." (p.201)
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la vérité, c'est l'humiliation,
Les pratiques interdites, mon cul - les punitions tombent sur nous comme une armée de grenouilles dans les récits bibliques, corvées, brimades, pompes interminables, changements de tenue et tours de cour le fusil au dessus de la tête, la culasse entre les dents et aussi les poubelles énormes et sans anses des réfectoires, gluantes, les détritus, nos merdes, nos rebus, repas, ragougnasses, des viandes sèches, semelles, pain moisi et tout le barda d'asticots, de boîtes, bouillies et les patates et les fayots le tout dégoulinant de poubelles obèses, et les traîner, les faire glisser et ramper sans dégueuler à cause de l'odeur, sans tomber et rouler jusqu'au camion - on trouvera bien une âme compatissante, séminariste, bleubite, étudiant, citadin, toutes les mains blanches pour se débarrasser sans négocier de cette vacherie, celle-là ou une autre, notre cul dans les djebels à chercher et trouver enfin un ennemi, n'importe lequel, des fuyards, des fells, bandits, hommes, femmes, ombres, chacal ou cheval ou même seulement un mouvement dans les broussailles, quelque chose d'un peu plus épais qu'un cauchemar sous les arbrisseaux et les végétations rampantes,
Voilà ce qu'on veut, qu'on en finisse. (p 187)
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C'était la nuit, comme la nuit s'installe dès la fin de l'après midi en décembre, c'est à dire parfois un peu avant la fin d’après midi, très tôt, très noire.
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Peut-être que ça n'a aucune importance, tout ça, cette histoire, qu'on ne sait pas ce que c'est qu'une histoire tant qu'on n'a pas soulevé celles qui sont dessous et qui sont les seules à compter [...]
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Et soudain, disons, l’émotion. Ce débordement qui lui nouait le ventre et contre lequel elle jetait toutes ses forces. Elle a laissé sa voix s’enrayer et partir dans un rire un peu trop aigu, un peu pathétique, il me semblait. Enfin, pas seulement que son rire était pathétique. Mais aussi sa façon de le mettre en scène, puisqu’elle savait très bien ce que tout le monde commençait déjà à se demander et à commenter, pour l’instant par des regards, des glissements de voix et de coudes, une main posée sur un bras, une bouche dessinant une moue dubitative, circonspecte, une tête dodelinant d’un air entendu et des airs, sourcils surélevés, fronts plissés, gestes et signes qu’on laissait traîner sur soi pour que d’autres les aperçoivent.
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Les premières phrases : Il était plus d'une heure moins le quart de l'après-midi, et il a été surpris que tous les regards ne lui tombent pas dessus, qu'on ne montre pas d'étonnement parce que lui aussi avait fait des efforts, qu'il portait une veste et un pantalon assortis, une chemise blanche et l'une de ces cravates en Skaï comme il s'en faisait il y a vingt ans et qu'on trouve encore dans les solderies. Aujourd'hui, on dira qu'il ne sentait pas trop mauvais.
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