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EAN : 9782070369935
608 pages
Gallimard (20/01/1978)
4/5   9 notes
Résumé :
Un enfant né au lendemain de la Première Guerre, un étudiant du Front populaire et de Munich, un acteur et témoin de la guerre, de l'Occupation, de Vichy, de la Libération. Un des chefs de file des intellectuels des années cinquante. Plusieurs écrivains en un seul homme : le Cecil Saint-Laurent de Caroline chérie, le Jacques Laurent prix Goncourt avec Les Bêtises, d'autres encore. Tel est le personnage multiple, fascinant, contradictoire qui livre ici, pour son plai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Quel curieux livre est-ce là! Curieux surtout de le relire un quart de siècle après le suicide de Jacques Laurent, encore plus curieux de le relire un demi-siècle après sa rédaction (il existe visiblement deux versions, la seconde remaniée pour des coquetteries. La mienne est bien celle de 1976).

Pourquoi, curieux? Parce que Jacques Laurent nous apparaît moins comme le biographe de sa propre vie que comme un personnage de roman immergé dans une situation qu'il croit comprendre et qu'il ne comprend pas, mais que nous, nous comprenons à présent avec le recul, avec la vision d'ensemble que nous avons acquise sur le XXe siècle et surtout sur la Mitterrandie, sur les liens organiques de ce régime avec Mai 68, événement lui-même étroitement lié à une opération de déstabilisation orchestrée par le C.I.A., et bien détaillée entre autres par Morgan Sportès ou Annie Lacroix-Riz. Opération qui, rappelons-le, exploitait à fond les connivences anti-gaulliennes héritées du pétainisme.

Jacques Laurent ne voit pas que Mai 68 est la matrice de la gauche caviar américanisée, de cette maffia germanopratine qui est le noyau de l'électorat mitterrandien. Il ne voit pas que Mitterrand, qui avait personnellement demandé (par écrit) la francisque à Pétain pour son efficacité en qualité de "secrétaire d'Etat chargé de l'information (de la propagande de Vichy)", est un fou mû par une monomanie délirante: détruire la Cinquième République parce qu'elle est l'oeuvre de de Gaulle qui l'a traité sans plus d'égard que n'importe quel opportuniste à la Libération. Il la détruira en effet par le haut à partir de 1981. Et la France avec. Car la Ve, c'était la France.

Mais Mitterrand arrive à circonvenir Jacques Laurent, comme il parvient à circonvenir Antoine Blondin, comme il parvient - plus improbable encore! - à circonvenir René Fallet qui scande "élections, piège à cons" depuis ses douze ans. Pour une fois que Fallet votait... Rien ne pouvait donner plus de substance à son vieux slogan anarchiste.

En octobre 1981, une semaine avant les élections présidentielles, Jacques Laurent dîne avec Mitterrand et les apparatchiks de la Mitterrandie, Badinter en tête. Laurent se plaint d'être toujours qualifié d'écrivain de droite et demande pourquoi. "Parce que vous avez travaillé pour Vichy et que vous étiez pour que l'Algérie reste française", lui répond Robert Badinter. Mitterrand et lui échangent, paraît-il, un regard amusé : Jacques Laurent semble persuadé de partager le même passé que Mitterrand. Pourtant ce n'est là qu'une illusion parfaitement spécieuse. Ils ne sont pas compromis dans les mêmes choses et n'ont pas du tout le même tempérament.

A Vichy, Jacques Laurent n'était pas fonctionnaire à la propagande collaborationniste, contrairement à Mitterrand. Et s'il était pour l'Algérie française, il n'a jamais proclamé comme Mitterrand: "La seule négociation, c'est la guerre!" Jamais Jacques Laurent, contrairement à Mitterrand, n'aurait légalisé l'usage de la torture en Algérie, jamais Jacques Laurent, contrairement à Mitterrand, n'aurait fait guillotiner 45 membres du FLN "pour l'exemple". Les ressemblances sont donc très superficielles, mais ce qui est étonnant, c'est que Jacques Laurent, si subtil pourtant, s'y laisse prendre.

Ce qui est étonnant, c'est que Jacques Laurent ne voie pas que Mitterrand va précisément oeuvrer pendant ses deux septennats désastreux à la destruction de tout ce qu'il aime, de tout ce qu'il défend, qu'il va instaurer tout ce qu'il méprise, tout ce qu'il exècre, à commencer par la dictature de cette maffia germanopratine de gauche caviar, totalement américanisée, hors-sol, vendue au néo-libéralisme qui, d'ailleurs, fait de lui un paria dans les colonnes de Libération ou du Monde...

Piégé par des souvenirs idéalisés, il croit se rappeler les riches heures de la Brasserie Lipp, il croit... au père Noël. Et tout cela sur un ton désabusé, faussement cynique. Jacques Laurent est un romantique. C'est bien un personnage De Stendhal. Et, peut-être, c'est le plus beau compliment qu'on puisse lui faire et que je lui adresse, dans l'au-delà où sûrement il s'amuse plus qu'ici bas.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
[Sur Mai 68, #2] Dans un livre publié en avril, j'avais fait observer que si l'intelligentsia parisienne, Truffaut en tête, était prête "à mourir pour Langlois" (!), elle ne pouvait ignorer que l'affaire Langlois, si irritante qu'elle fût, n'était tout de même pas l'affaire Calas et qu'elle combattait pour satisfaire une haine confuse qui ne tarderait pas à se chercher d'autres prétextes. [...] Je reçus le compte-rendu ronéotypé des Etats généraux du cinéma qui s'étaient tenus pendant l'émeute. Les plans qu'ils avaient élaborés témoignaient d'un comique triste. La plupart visaient à une étatisation du cinéma qui donnerait à des commissions bureaucratiques les pleins pouvoirs pour distribuer les fonds nécessaires à la production d'un film et réduiraient à l'impuissance le solitaire, ou l'original, qui perdrait le seul recours qui reste aujourd'hui, celui d'utiliser le bienheureux désordre de la profession cinématographique où le hasard et la chance peuvent encore jouer, le système n'étant pas rigide (rappel: ce texte est écrit en 1975, 7 ans seulement après Mai 68, et l'on n'est pas encore sous Mitterrand). "L'activité créatrice des créateurs de cinéma s'exerce désormais dans des Groupes de création, qui se constituent spontanément et qui sont simplement numérotés, au fur et à mesure de leur naissance, à partir du chiffre I." Toute l'imagination des planificateurs s'était bornée à faire du cinéaste un fonctionnaire et, comme on le voit, à emprunter d'emblée au style administratif son ridicule le plus amidonné...
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[Sur Mai 68] Grégaire était la volonté des étudiants de Nanterre d'être reçus automatiquement et globalement aux examens: ou tout le monde passe ou personne. Le vocabulaire marxiste, parfois freudien, qui parait l'éloquence des jeunes révoltés, n'était guère significatif, reflétant surtout une soumission conformiste à la mode mais, au cours d'un débat dans une université allemande, l'un des participants pouvait légitimement faire observer que l'agitation des étudiants, tant en Amérique qu'en Europe occidentale, exprimait un pur désir de violence destructrice; il n'était en effet étayé ni par une analyse des moyens propres à réaliser une révolution, ni par le projet d'une nouvelle société; il rattachait ce goût de la destruction sans but, de la violence considérée comme une essence, aux pulsions de Bakounine, ce qui n'était pas tout à fait faux. Il n'aurait pas été tout à fait faux non plus de le rattacher à celles du fascisme.
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Les révoltés de Mai 68 n'étaient justement pas mus par les "humanités", mais, comme ils le répétèrent, par une "anti-culture", c'est-à-dire par la destruction des humanités. Invité par la radio à un débat avec des lycéens, je m'aperçus que les temps étaient changés et que les meilleurs esprits étaient généralement voués à des études scientifiques et techniques et la littérature abandonnée soit à ceux qui se destinaient à l'enseignement de la littérature, soit aux médiocres.
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Vidéo de Jacques Laurent
Jacques Laurent évoque son passage à Vichy .
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