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sur 1707 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
°°° Rentrée littéraire 2020 #37 °°°

Il est des romans qui vous embarquent par la force d'une histoire, animé d'un souffle qui traverse les pages. Ce n'est pas le cas de celui-ci qui reprend la thématique classique de la quête d'identité d'un homme et son inscription dans une lignée qui lui échappe en partie.

Il en est d'autres qui ont la grâce des mots. Histoire du fils est de ceux-là, il m'a enchanté dès le premier chapitre, superbe comme un matin dans la vie d'un enfant qui découvre le monde avec toute la sensualité et la douceur possible à cinq ans. Une ouverture comme un tableau qui en annonce d'autres. En fait, tout ce roman est une galerie de tableaux explosant la chronologie, faisant naviguer le lecteur sur cent ans de la vie d'une famille peuplée de pères et de fils, chacun ouvrant le paysage de Paris à Figeac en passant par Aurillac et le village cantalou de Chanterelle. La construction est remarquable, laissant le lecteur humer les secrets de famille, les ruminer avant d'en pleinement comprendre la portée.

Marie-Hélène Lafon écrit comme on peint. Ses phrases sont très travaillées, les mots choisis avec une intelligence pour donner force à ceux qui les entourent, tout comme la syntaxe, toujours précise. Elle ne cherche pas à étaler des belles phrases qui pourraient dévier le lecteur du propos, non, chaque phrase, dans son économie et sa concision, révèle les silences, les manques, les demi-teintes, les pudeurs, les zones d'ombre, les blancs d'une vie et d'une famille. Sans agressivité, sans racolage, avec douceur et ténacité, privilégiant la narration aux dialogues ( quasi totalement absents ). Une langue à savourer, remplie d'adjectifs justes, dont je me suis délectée à chaque instant pour les sensations physiques qu'elles offrent.

Ce qui est très puissant, aussi, dans l'écriture de l'auteure, c'est comment elle donne présence aux morts, aux absents, aux fantômes de cette lignée, à commencer par ce père non connu qui hante le fils du titre, André, abandonné par sa mère auprès de la famille de sa tante. Un abandon heureux puisqu'André a grandi aimé, choyé, entourée. Jusqu'à ce qu'il découvre qu'il a un père, un nom, une adresse, un métier.

«  Sa place d'homme était faite auprès de Juliette et d'Antoine,il aimait son métier qu'il n'avait pourtant pas choisi, il prenait de l'étoffe et des responsabilités, se dépliait, mais quelque chose, plus que quelqu'un, faisait défaut en coulisses, creusait un vide plus qu'un gouffre ; gouffre était trop abrupt, même si, à l'approche de la quarantaine et depuis qu'Antoine était là, André sentait que, loin, de se combler avec l'âge, comme il voulait à toutes forces le faire croire quand il avait vingt et trente ans, la faille allait s'élargir et se creuser ; le ver était dans le fruit. Il n'avait pas oublié les ratons laveurs de la main de fer qui lui croyait la poitrine certains soirs en dépit d'Hélène et des douceurs vivaces cultivées sous les platanes de Figeac. On irait donc à Paris, à Pâques, humer les traces du père. »

Tout est banal dans ce roman. Rien ne l'est pour dire ce qu'est une vie, sur comment on fait pour s'extraire de son destin et le fuir ou au contraire creuser un sillon tracé par ses ancêtres. Entre attachement et arrachement. Au final, Marie-Hélène Lafon parvient avec une densité et une limpidité superbes à dire tout cela en seulement 170 pages chahutant la linéarité chronologique, une véritable prouesse d'écriture sublimée par une qualité d'écriture rare.
Gros coup de coeur pour ce roman subtil à hauteur d'âme et d'homme qui me fait découvrir cette auteure.
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Je viens de finir à l'instant la ...seconde lecture du roman de Marie - Hélène Lafon, " histoire du fils " , oui , oui , deux lectures consécutives. Voilà qui est curieux , non ? En fait , ce livre , il me faisait un peu peur , je l'avoue .Un personnage , André , " abandonné " par sa mère et pris dans " l' omerta " maternelle , voire familiale , je connais ....Et oui , André et moi avons sous nos pas le terrible gouffre de l'absence . Vous comprendrez aisément que raviver une question à laquelle on a , toute sa vie , en vain , cherché à trouver réponse , a de quoi faire réfléchir à ce que vous allez lire , d'autant plus que le poids du secret de famille a été plus fort que vous et qu'aujourd'hui , la famille , disparue , vous lègue un héritage un peu lourd mais ... Lors de ma première lecture , je me suis surtout glissé dans les pas d'André et de sa mère , Gabrielle et j'ai été rassuré. Leur relation m'en a rappelé une autre ...Je ne vous dis pas laquelle , mais je comprends mieux , pour la partager avec André, cette hésitation entre le besoin et la peur de savoir . On transfère toujours son amour ailleurs quand vos géniteurs vous le refusent , par faiblesse , lâcheté ou autre chose ...à taire. J'ai adoré le cheminement d'André . Je pourrais relater de nombreuses réflexions faites par le narrateur concernant sa relation avec " sa mère " . Je préfère vous livrer ce passage de la page 135 :" André fait le bilan ; mère lointaine et intermittente , certes , et père fantôme ; mais il avait eu Hélène , Léon, les cousines , la maison , le jardin et toute la rue Bergandine avec ses platanes , et Juliette et Antoine . Il avait fait sa vie d'homme avec l'appétit d'être qui avait accompagné toute son enfance et ne le quittait pas , pas encore , à plus de soixante ans " . Une belle conclusion , une belle revanche , un beau " pied de nez " pour une rencontre salutaire . Loin de toutes ces niaiseries insultantes de bêtise que j'avais pu lire dans des ouvrages appelés " roman" , c'est une émotion forte qui m'a étreint . Quelques heures plus tard, j'ai été pris d'une violent , d'une incroyable frustration .Pour avoir trop regardé " mon nombril " j'avais oublié le reste . Un famille de notables du Lot . Une rencontre du fils , lycéen, avec l'infirmière du lycée , la différence d'âge , les intérêts divergents, la fuite , l'abandon . La vie à Paris , les retours occasionnels dans le giron familial . le paraitre . La " fausse " désinvolture....C'est superbe et dramatique , plein de l'odeur des confitures de prunes , du café, celle de la lessive , des gestes simples et plein d'amour , jusqu'à la fin des uns , des autres , et l'arbre généalogique qui s'inscrit, se grave dans le marbre des tombes .
Marie - Hélène Lafon ne décrit pas la vie rurale dans le Lot entre 1908 et 2008 , non . Elle s'immisce avec une extrême pudeur , avec tact , dans deux familles et en tire " le meilleur et ...le pire ". Au tout début, en 1908 , c'est le drame avec Armand . En 2008 , c'est l'espoir avec Armand . D'Armand à Armand , la boucle est bouclée .
Un roman extraordinaire , un secret familial porté par une plume alerte , vive , sans concession , parfois même brutale mais tellement poétique qu'elle vous transporte , pour peu que vous vouliez bien lui accorder crédit . Les séquences " temporelles " peuvent dérouter au premier abord , mais quel bonheur quand on peut maitriser cet " obstacle " extraordinairement efficace .Le prix Renaudot a couronné cet ouvrage , c'est juste récompense . La discrète ( ou réservée ) Marie Hélène Lafon a , si j'en crois les avis des amies et amis babeliotes , conquis un large public , il était temps . " Histoire du fils " et " Nature humaine" de Serge Joncour sont , pour moi , deux romans " majeurs " de cette année 2020 , mais , bien entendu , cela n'engage que moi . Vivement le retour des " salons du livre " pour les rencontrer et échanger . En attendant , prenez bien soin de vous .
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Quel beau livre ! Quel grand petit livre !
C'est l'histoire d'un siècle, d'un long siècle, d'une goutte d'eau dans l'éternité, où des hommes et des femmes se rencontrent, se croisent, s'aiment, se rejettent, s'oublient ou disparaissent trop tôt au gré des hasards, des caprices et des destins.
Ces bouts de vies fragmentées, lancées comme on lance des dés, avec leur fil commun, parfois si fort, parfois si ténu, nous fait sentir d'une manière saisissante la flamboyance et l'orgueil de la jeunesse, les rêves qui s'effilochent petit à petit, les cris des enfants qui emplissent les maisons, le poids de la famille et l'inéluctabilité de la mort…
Ce livre nous parle de ce retour à la terre des anciens comme un besoin vital, et de ces paysages immuables admirés tant de fois et de manière si différente du grand-père au petit-fils…
Il fait parler ces marronniers vénérables à l'entrée de la maison familiale qui ont bien des choses à raconter si on prend la peine de les écouter.
Quelle galerie de personnages et de lieux sacrés… Léon le flamboyant et Gabrielle l'indépendante, la gaillarde incongrue ; le royaume de Chanterelle et le Cantal, pays perdu, pays perché ; le fantôme du jumeau et les guerres qui foudroient ; Léon le solide, le fidèle et l'infinie tendresse d'Hélène ; Armand le héros, si fier, si entreprenant, qui ne cessera jamais de courir après ce père absent tout auréolé de légendes et de secrets ; Antoine le dernier rejeton qui clôt cette longue histoire avant d'en entamer une autre, toute aussi hasardeuse, toute aussi balbutiante…
Phrases grises, phrases lumineuses, c'est raconté avec simplicité et rage, avec amour et tendresse… Elles coulent, elles palpitent, elles bouillonnent comme le sang dans le corps d'un homme.
N'allez pas le dire trop fort, mais je crois que je suis tombé amoureux de Marie-Hélène Lafon.

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Je dois vous faire une confidence : mon plaisir de lectrice, découvrir un auteur qui est capable de me « cueillir » "foudroyer" par un style qui sort des sentiers battus. C'est pour moi un moment de pur bonheur comme celui ressenti, cette année passée, à la lecture de Claude Simon, Sebald, Klaus Mann. Et puis les mots, je suis une amoureuse des mots. Trouver le mot juste, celui qui donne toute sa puissance, toute sa lumière à l'expression de la pensée. J'ai terminé l'année en beauté avec Marie-Hélène LAFON.

Marie-Hélène Lafon écrit avec ses tripes, elle communique avec ses personnages et avec son lecteur qui ressent le texte avec une acuité accrue. Elle m'a éblouie par la richesse de son écriture, simple, concise, mais d'une efficacité redoutable. Ses mots sont comme des neurotransmetteurs, ils infusent tout le texte, ils dispensent la vie, la passion, la sensualité. Ils sont visuels, animés. Ils palpitent, ils vibrent, ils sont charnels, ils nous emprisonnent délicieusement dans le récit. Marie-Hélène Lafon, votre écriture est comme je les aime, à mille lieux de celles qui sont inodores et sans saveur. J'ai fini la lecture les larmes aux yeux.

L'auteure parle de nous, de vous, de moi, du temps qui passe, de la famille, de nos personnalités différentes, des secrets de famille et elle en fait un prix Renaudot largement mérité.

Il faut lire le passage où il est question de Paul, adolescent, qui découvre les filles, qui s'ennuie dans son lycée et voudrait plus d'intensité dans sa vie de tous les jours, loin de Chanterelle. Nous sommes en 1919 dans le Lot. L'Armistice est passé par là et il fait froid à l'étude pour explorer Virgile. Paul n'a plus aucun secret pour nous, on vibre avec lui, on rêve avec lui.
Le portrait de Gabrielle aussi interpelle, curieuse femme et curieuse mère qui se dissimule derrière l'indifférence et des dehors trompeurs.

Mais c'est André qui va agréger tous les personnages en un récit d'une grande humanité, autour du vide que crée un père inconnu pour un fils inconnu.

Nous sommes entre Aurillac, Figeac, Chanterelle, Paris pendant tout ce XXème siècle. C'est beau, cela sent la terre, on entre dans cette famille que l'on va suivre pendant cent ans. On suit les vivants, les morts, les fantômes, ils sont tous là, leur présence ne nous quitte pas, on fait partie de cette famille dont chaque portrait possède sa propre personnalité avec ses failles que l'auteure nous trace avec finesse, avec amour. L'auteure peut parfois perdre, bousculer son lecteur par le choix des chapitres qui ne suivent pas l'ordre chronologique et par l'emploi des prénoms qui peuvent parfois créer un peu de confusion ; personnellement, je n'ai absolument pas été gênée.

Je voulais remercier ici Valérie Lambert qui m'a incitée à lire Marie-Hélène Lafon ce qui m'a permis de terminer l'année Babelio en beauté. Je reprendrais l'expression de Valérie « par cette écriture qui trace des sillons comme un paysans du Cantal ».

Très bonne et heureuse année 2023 à tous en espérant que cette nouvelle année apportera la Paix dans cette Ukraine dévastée.
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Le fils, c'est André. L'enfant de Gabrielle et d'un père inconnu. le quatrième enfant dans le dos, comme a dit son oncle, Léon. Car, même si l'enfant est de Gabrielle, il n'aura vu sa mère qu'en de rares occasions durant les premières années de sa vie. Elle aura préféré rejoindre Paris et le laisser à sa soeur, Hélène, et son beau-frère, Léon. Bien qu'épanoui, aimé, choyé, tendrement entouré de ses trois cousines, ce père, qu'il ne connait pas, prend une place de plus en plus importante au fil des ans...

D'avril 1908 à avril 2008, Marie-Hélène Lafon raconte trois générations auvergnates. Par le biais de dates-clés (un tragique accident, une rencontre, une révélation, un portrait ou simplement des instantanés de vie), elle tricote et détricote, sans chronologie, l'histoire de cette famille décomposée et recomposée. Au centre, André, fils de Gabrielle et de père inconnu. Autour de lui, ses ascendants et descendants, ses oncle et tante et autres cousines. Mais ce sont bien les personnages féminins, puissants et omniprésents, qui sont le socle de ce roman. À partir de courts chapitres qui s'emboîtent, l'auteure tisse une saga romanesque d'une puissance et d'une originalité incroyables et se joue des destins de chacun. Sa plume, concise, brute, tellurique, profonde, dépeint parfaitement les émotions et les sentiments.
Un roman certes court mais intense, presque vertigineux...
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Histoire du fils est l'histoire d'une famille sur trois générations et sur trois territoires différents, étalée sur un siècle, entre 1908 et 2008. Marie-Hélène Lafon nous invite à entrer, non pas dans une fresque grandiose mais sur un récit court, puisque ce roman ne tient qu'en cent quatre-vingt-douze pages et douze chapitres.
L'Histoire du fils, c'est celle d'André, né à Figeac, d'une mère absente et d'un père « inconnu », que sa tante et son oncle vont élever comme leur propre enfant. Mais celle aussi d'autres personnages... Pour dire son histoire, Marie-Hélène Lafon va nous raconter l'avant et l'après...
Aux premières pages, nous sommes en 1908 dans l'aube d'un matin clair d'avril, à Chanterelle.
Le nom sonne comme le bruit d'un ruisseau. Chanterelle, joli pays perché, pays perdu du Cantal. C'est la course d'un enfant joyeux de cinq ans dévalant l'escalier à la rencontre de son ancienne nourrice, courant pieds nus dans le matin déjà fragile comme du verre brisé, comme la fin d'un monde qu'on ne pouvait pas soupçonner à cet instant ultime...
Marie-Hélène Lafon va à l'essentiel, par ellipse, elle procède par petites touches impressionnistes, dresse des tableaux, nous y invite. C'est une peintre. Ce sont des scènes dont certaines nous invitent au vertige, parce qu'elles nous rappellent inévitablement des moments qui ressemblent à nos propres existences.
Marie-Hélène Lafon déroule des chapitres comme on ouvre des tiroirs. Dans chaque tiroir il y a un morceau de puzzle. Il y aussi un geste qui vous agrippe à chaque fois et ce n'est jamais le même geste, la même main, la même lumière...
Ce sont des fragments de vies que nous reconstituons peu à peu. Il suffit de poser chaque pièce du puzzle l'une auprès de l'autre. Un arbre pousse alors, se déplie vers l'azur, un arbre généalogique...
Parfois le personnage principal devient ce père absent, l'image paternelle d'un père qu'il faut inventer, réinventer, s'approprier. Tenter de le rendre plus attachant que ce qu'il n'est. Mais que sait-on de ce qu'il est réellement, derrière les faux-semblants, derrière les images d'une vie sociale si bien apprise froidement ?
André a-t-il cherché, trouvé ce père ? Flairer les traces de cet homme, s'en approcher comme un loup, désirer, manquer des rendez-vous, en être empêché parce qu'il y a peut-être une force qui l'en empêche, plus forte que le désir et le manque...
Il y a quelque chose de sensuel, de charnel même dans ce récit multiple comme un kaléidoscope. Quelque chose qui tient peut-être aux odeurs, aux bruits d'un été, l'odeur des confitures de prunes, de la lessive qu'on prépare, et là-bas dans le jardin viennent les premières fraises gorgées de saveur, qui vont tâcher nos doigts et nos lèvres... L'ombre des feuillages et le bonheur avec.
Je me suis retrouvé dans l'âme d'André, petit garçon amoureux de sa cousine Claire de quelques années de plus que lui, elle pédalant vers un point d'eau pour s'y baigner, lui à l'arrière du vélo s'accrochant aux épaules de sa cousine, sentant sa nuque tiède si près de son visage et de l'odeur enivrante de l'été... En lisant ce passage, je devenais ce petit garçon à l'arrière de la bicyclettes. Quelle émotion lorsque nous retrouvons la même Claire à quatre-vingt-douze ans... ! Une des rares survivantes encore de cette époque...
Les femmes sont nombreuses dans ce roman. Elles sont belles et tragiques. Parfois solitaires.
Les histoires de famille sont des plaques tectoniques qui bougent lentement et nous entrons parfois dans ces failles qui s'ouvrent brusquement, happés par le vide qui s'ouvre sous nos pieds.
Les secrets de famille sont souvent douloureux, ils ne s'invitent pas forcément à la table joyeuse, autour d'un moment de convivialité partagée, parmi les rires, les tapages des enfants insouciants au loin, l'ivresse un peu guillerette et la chanson qu'entonne un oncle sur un refrain d'antan.
Les secrets de famille viennent dans les forces telluriques, souterraines, sourdes. Ils surgissent quand on s'y attend le moins et nous laissent rarement en paix après cela...
Histoire du fils est un récit magnifique qui m'a touché au coeur, m'a ému.
La scène finale se passe dans un cimetière en 2008. Celui de Chanterelle, joli pays perché, pays perdu du Cantal.
On accompagne Antoine, fils d'André... C'est comme un pèlerinage sur les traces de son père.
C'est fou ce que les cimetières nous racontent d'histoires ! Chaque tombe nous révèle une vie, un destin, comme une parenthèse sereine ou tragique...
Un caveau de famille, c'est comme un livre à ciel ouvert. Il y a des dates gravées en lettres dorées sur le marbre sombre des tombes.
On y lit des drames ordinaires, des vies solitaires. Un enfant supplicié, un autre fauché au front...
Parler aux morts. On voudrait pouvoir s'adresser à eux parce que, parfois, ils en savent bien plus que nous.
Avec un peu d'imagination nous pourrions presque entendre les voix qui nous appellent, cherchent à se confier à notre déambulation.
Pour Antoine, et peut-être pour nous aussi, il y a l'émotion au bord d'une tombe où tout se lit, tout se dénoue brusquement...
L'histoire d'Antoine, du petit-fils, m'a remué. Revenir sur les pas de son père qui cherchait désespérément lui-même un père, revenir en arrière, c'est peut-être enfin donner naissance à ce père, lui offrir une histoire, une paix retrouvée. J'ai alors pensé à ma soeur ainée en quête de son vrai père, vérité qui lui fut révélée brutalement à l'âge de onze ans et qu'elle n'a jamais cessé de poursuivre depuis lors...
Marie-Hélène Lafon a su éveiller en moi les joies et les drames, le poids des drames qui traversent toutes les familles, la mienne comme les autres. Ces histoires traversées par la grande histoire, la faucheuse et les petites histoires ordinaires qui ne sont jamais anodines.
Elles dévastent aussi comme des champs de bataille. Nos familles sont le théâtre de nos émotions.
C'est un récit magnifique, comme le sont des paysages traversés d'ombres et de lumières.
Au douzième chapitre, j'ai retenu encore un peu mes larmes, je pleurerai plus tard...
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Je découvre Marie-Hélène LAFON à travers son dernier opus « Histoire du Fils » et je suis enchantée.

C'est l'histoire d'une saga familiale qui s'étend sur une frise chronologique de 1908 à 2008. L'auteur habile, nous pousse le curseur en faisant des allers et retours dans le temps et ainsi elle nous tricote un roman passionnant, que je n'ai pas lâché.

A l'épicentre de cette épopée, il y a un fils né de père inconnu. Grabrielle est une femme de caractère, avertie, infirmière, émancipée à la vie parisienne, libre. A 37 ans, elle entretient une relation avec un homme de 21 ans. du fruit de cette aventure, naîtra André.

Ce bébé va être confié sans préavis à sa tante Hélène enracinée dans le Cantal, avec ses trois filles et son mari Léon. Ce couple va devenir une figure d'attachement sécure pour cet enfant. Il est aimé, choyé comme un fils légitime. Ils sont généreux, magnanimes, porteurs de vie, d'amour et les relations entre les deux soeurs se déroulent bien. Gabrielle revient périodiquement voir son fils sans jamais vivre avec.

Pourtant, André va éprouver un manque, va chercher à comprendre, à connaître l'identité de son géniteur, mais il n'ira pas jusqu'au bout. Son fils Antoine parviendra à nouer un lien pour démêler les noeuds….car la mémoire de la douleur de son père est devenue sa question à régler.

C'est un magnifique roman sur l'absence, la filiation, les secrets de famille, le poids du passé qui ressurgit et qui effracte les coeurs si on ne réussit pas à mettre des mots sur des non-dits.
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Histoire d'un fils est la chronique d'une famille dans le Cantal à travers quelques dates clés (de 1908 à 2008) qui servent de fil conducteur à une filiation.
Rencontre, deuil, accident, mariage, naissance à chaque fois la famille se retrouve. Les liens se renouent, poids des secrets, des silences.
Entre une famille qui vit sous le joug du patriarche, un enfant de père inconnu, une soeur indépendante aux moeurs légères pour l'époque, la vie à la campagne. C'est un réminiscence d'un monde aujourd'hui révolu mais dont nous avons tous entendu parler tant cette famille ressemble à d'autres .
Marie-Hélène Lafon est avant tout un conteur au style magnifique. Pas besoin de dialogues, tout est dans la narration. Et pourtant, les émotions, les sentiments, les peurs, les chagrins, les ambitions tout se ressent. Je comparerais ce roman à un film en noir et blanc mais en plus subtil car c'est un texte tout en finesse avec des non-dits que l'on devine.
Je tiens à remercier les éditions Buchet.Chastel qui m'ont permis de découvrir cette auteure.
#Histoire d'un fils #NetGalleyFrance
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André, c'est donc le fils, Gabrielle la mère et le père un illustre inconnu. Comment se construit-on sans père biologique ? et qui est le vrai père celui qui élève l'enfant ou le géniteur?

« A père inconnu, fils inconnu » nous dit l'auteure… on va donc suivre l'itinéraire d'André, que Gabrielle, toute dédiée à sa vie parisienne, a confié dans un premier temps seulement à sa soeur Hélène et son époux Léon, temporaire qui deviendra vite définitif. Elle se contentera très vite de venir une semaine pour Noël et un mois, pendant les vacances d'été.

André s'épanouit dans cette famille, à la campagne, le couple n'ayant que des filles, il devient vite la mascotte. On découvre ainsi Figeac, Aurillac, et donc le Lot, la Cantal avec plaisir. Cette famille est très soudée, chaleureuse et Hélène ne critique jamais, même si l'attitude de Gabrielle la laisse parfois perplexe.

On retrouvera André à différentes périodes de son existence, des moments clés où il aura envie de savoir, mais pas forcément d'éclaircir le mystère.

Un très beau roman, sur la famille, la parentalité, les substituts qui permettent de se construire et en même temps, la comparaison ville-campagne, dans ce qui fait le sel de chacune.

Un seul petit bémol : ce roman est trop court, j'aurais aimé, que cela dure plus longtemps, tant l'écriture est belle et savoureuse… mais il se déguste comme une friandise et c'est une énorme bouffée d'oxygène et d'évasion par ces temps incertains de confinements, pandémie…

J'ai adoré ce roman, c'est presque un coup de coeur… Il fait partie d'un cycle, et j'ai hâte maintenant de découvrir « Joseph » notamment.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Buchet Chastel qui m'ont permis de découvrir en avant-première ce roman et son auteure…
#Histoiredufils #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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RENTREE LITTERAIRE 2020

Voici mon coup de coeur de cette rentrée 2020.
Quel régal de retrouver la plume de Marie-Hélène Lafon en cette rentrée …
Cette fois-ci elle nous livre une histoire de généalogie.
Il est question d'André, fils de Gabrielle, qui a connu un jeune homme de 16 ans de moins qu'elle, et qui est tombé enceinte à une époque où la contraception n'existait pas.
André est donc confié à Hélène, la soeur de Gabrielle, et son mari Léon, au milieu de trois cousines qui seront pour lui comme des soeurs. de son père, André ne saura rien jusqu'à son mariage avec Juliette. Et si Léon lui tient lieu de père, il plane néanmoins sur André une angoisse devant ce manque, qui lui sert parfois le coeur « comme un raton laveur ».
Comme dans ses précédents récits, Marie-Hélène Lafon excelle à parler de ce terroir qu'elle connaît si bien – ici à côté de Figeac, dans le Lot, et aussi en parallèle de Chanterelle, près d'Aurillac, le pays du père inconnu –. Avec beaucoup de justesse, elle alterne les périodes, dans un récit qui n'est pas chronologique, et on peut suivre ainsi l'épopée de la famille de Gabrielle et Hélène, et de leur descendance par de nombreux allers et retours entre la période de l'avant guerre, à la naissance d'André, puis celle de la deuxième moitié du 20ème siècle, en se projetant une génération plus tard, lorsque Antoine, le fils d'André parviendra à recoudre ce qui a été décousu.
Avec un style dont on se régal – 103 pages, on en redemande ... – Marie-Hélène Lafon nous embarque dans son récit qu'on lit d'une traite.
Avec par exemple une recherche de l'adjectif juste pour dire les voix, comme André, alors lycéen, malade, confié à l'infirmerie du collège, cherchant à qualifier la voix de la belle infirmière qui le soigne, et déjà charmé par celle qui va devenir sa maîtresse.
Magnifique de sensibilité et de justesse, dans un phrasé toujours plus épuré, cette « Histoire du fils » est un pur plaisir de lecture. Et si l'on se demande un instant si la fille de Claire, qui semble très douée pour les études, et qui va partir à Paris étudier – on s'inquiète dans la famille de la voir partir ainsi – n'aurait pas quelque ressemblance avec l'autrice de récit … mais au fond peu importe : Marie-Hélène a gagné ses galons de l'une des stylistes les plus intéressantes de sa génération.
Un récit qu'on peut relire avec certainement tout autant de plaisir, ou offrir autour de soi pour tous les amoureux de la langue : un grand plaisir de lectrice à partager sans modération.
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