La maison noire n'est pas le dernier livre de Yusuke, c'est son dernier ouvrage publié en France, puisqu'il a été écrit en 1997, alors que
La leçon du mal, paru chez nous en 2021, est postérieur, datant de 2010.
Comme ce dernier livre, dont l'action se situait dans un lycée, il nous permet d'explorer un milieu qui nous est étranger le monde des assurances, et plus particulièrement de l' assurance -vie,au Japon. Il s'agit finalement, au moins pour nous, d'une vérité véritable petite monographie sociologique sur un pan de société exotique dans un pays qui le reste tout autant. Sur ce point, je ferai d'ailleurs un reproche plutôt au traducteur qu'à l'auteur; beaucoup de termes techniques de assurance-vie restent hermétiques, et des notes explicatives à destination du lecteur français auraient été bienvenues.
Sur ce milieu professionnel, nous apprenons beaucoup de choses dont certaines sans doute guère éloignées de ce qui se passe chez nous, l'assurance -vie étant après tout une institution que le Japon a emprunté à l'Occident.
Quant au Japon lui-même, il nous reste si proche et tellement étranger, avec ses entreprises, entités hybrides se rapprochant de la famille ou de l'état, où le salarié est employé à vie et bénéficie d'un traitement étrangement bienveillant, dont la contre-partie est un dévouement sans faille et une discipline de fer, avec parfois des sanctions. aussi cruelles qu'humilante, telles que le traitement réservé aux cadres ayant obtenu des résultats insuffisants dans l'entreprise où travaille le héros, le tout produisant chez l'employé une aliénation inconcevable pour nous. On est de même surpris par l'étrange relation vécue par le même personnage avec son amie, qu'on ne peut qualifier de compagne puisque, bien que tous deux proches de la trentaine, vivant dans la même ville, et étant "ensemble" depuis des années, ils ne vivent précisément pas ensemble et ne se voient que deux fois par mois tellement ils sont impliqués dans leurs milieux professionnels respectifs. Et l'on pourrait encore citer beaucoup d'autres choses.
Quant à l'intrigue, elle n'est pas sans intérêt quoique moins originale qu'il n'y paraît. Nous avons certes un enquêteur atypique, puisqu'il n'appartient pas aux forces de police mais travaille pour une compagnie d'assurances au sein de laquelle il participe au règlement des sinistres de la branche assurance -vie (*). Il est donc amener à enquêter sur les accidents ou décès paraissant présenter des anomalies. Et dans le cas particulièrement étrange objet du livre, il s'impliquera bien au-delà de ses obligations professionnelles.
Mais malheureusement nous tombons dans ce qui se révèle être une histoire de tueur en série de plus, mettant une fois de plus en scène un serial killer bénéficiant de pouvoirs quasi-surtanurels, thème qui m'agace profondément comme je l'ai dit à plusieurs reprises dans le cadre de mes critiques, mais que j'ai supporté ici en raison des autres qualités et originalités de l'ouvrage.
Et il faut reconnaître la présence d'une intrigue bien menée et d'un suspense efficace.
Il y a peut-être un peu trop de descriptions sanguinolentes de " blood 'n guts", qui traduisent peut-être la violence de la société japonaise, cachée sous une surface lisse et débordant parfois en d'enchaînements de cruauté, tels que ceux auxquels a pu se livrer l'armée imperiale pendant la guerre, et qui se manifeste de nos jours dans des crimes extrêmes, tels certains cas de cannibalisme.
Un ouvrage donc possédant des qualités indéniables mais pour lequel je ne partage pas l'enthousiasme débordant des critiques de presse (la saisie semi-automatique de mon téléphone m'avait fait écrire dans un premier temps " crimes de presse" ce qui n'était peut-être pas si mal vu pour certaines d'entre elles....)
(*) A ce titre, on peut le rapprocher du Darwin Minor mis en scène par
Dan Simmons dans
L'épée de Darwin "