Quel plaisir de retrouver la littérature japonaise… Un pur enchantement… En revanche, c'est la toute première fois que je lis un ouvrage qui me plonge dans l'univers macabre, feutré et pragmatique des assurances !
Après quelques pages seulement, la première question qui m'est venue à l'esprit a été : peut-on véritablement être heureux de se lever chaque matin et d'avoir pour tâche initiale de consulter le nombre de morts du jour ?
Ce qui pourrait étonner plus d'un lecteur occidental et que j'ai plaisir à retrouver tant cela m'apparaît comique, c'est la manière dont les employés japonais accueillent et traitent leurs clients. Cette politesse poussée à l'extrême, donnant l'impression que ces salariés sont prêts à littéralement s'écraser pour satisfaire leur clientèle me choque toujours un peu.
À la Shôwa Seimei, les conseillers voient défiler toutes sortes d'individus et certains rendez-vous se révèlent parfois bien pénibles et savent laisser une trace dans la mémoire des guichetiers.
Wakatsuki est heureusement suffisamment expérimenté pour gérer les situations les plus difficiles, voire les plus embarrassantes. L'exemple en est, ce coup de téléphone passé par une vieille dame, d'une simplicité bouleversante. Dès ce minuscule passage, j'ai senti toute la singularité du talent de
Yûsuke Kishi. L'art de sublimer l'ordinaire pour en extraire l'extraordinaire. Quelques mots et tout fait sens, tout prend vie et le réel s'évanouit.
Wakatsuki a de prime abord une existence équilibrée. Il a un bon poste à la Shôwa Seimei, il est en couple avec la charmante Megumi, n'a pas de dettes ou de casier judiciaire dissimulé. Cependant, certains souvenirs ne cessent de le hanter et prennent forme dans des cauchemars morbido-arachnéens.
Lorsque l'on grandit, on comprend vite que les monstres ne vivent que dans les livres pour enfants.
Jusqu'au jour où vous en rencontrez un…
Wakatsuki va se retrouver enseveli, envahi, engoncé dans une relation toxique, néfaste, dangereuse, comme sortie de nulle part, brisant par-là son quotidien monotone mais tellement rassurant.
Comment peut-on se retrouver d'un seul coup dans une machination perverse et gratuite ? Wakatsuki est-il devenu paranoïaque ? Se fait-il des idées de quelques détails étranges ?
Ce qui est certain, c'est que certaines rencontres vont le bouleverser et le changer à tout jamais…
Le niveau d'angoisse et de pure peur est phénoménal ! Une merveille d'écriture, de suspense, un crescendo irrésistible qui nous mène vers les flammes de l'Enfer !
Mêler autant d'élégance à de l'horreur est un véritable don ! Ce livre fait peur, je vous le dis ! Tout est amené avec une finesse qui m'a ravie de bout en bout.
Si comme moi, vous êtes amateurs de films d'horreur et de littérature japonaise, vous allez jubiler… Pour tous les autres, vous allez également vous régaler ! Ce livre est empli de talent, d'intelligence, de psychologie ; mêlant une critique de la société japonaise, les clichés sur les tueurs en série, le monde cruel du travail au Japon, les dérives et la corruption au sein du monde fermé des assurances… La richesse de ces pages semble sans fin.
Je n'ai qu'une envie, me jeter sur
La leçon du mal, que je n'ai pas encore dévoré !
La maison noire est un livre émouvant, beau, effrayant, ultra réaliste, qui empêchera certains de tomber dans les bras de Morphée…