Par le petit bout de la lorgnette
Après avoir lu
Volker Kutscher et apprécié l'image fouillée qu'il donne de l'entre-deux-guerres à Berlin, le récit de Philippe Kerr semble bien superficiel. le regard sur cette époque n'est pas nouveau ; c'est la vision par le petit bout de la lorgnette de ceux qui étaient dans le bon camp au moment de la seconde guerre mondiale. Celui de Kutscher est plus nuancé, plus étudié, digne de la prudence d'un historien. J'aurais aimé des personnages plus profonds, à tous les points de vue : par rapport aux rebondissement de l'histoire, par rapport aux événements historiques, par rapport aux stéréotypes des différents métiers et des relations homme/femme. J'aurais aimé un détective plus humain, qui ait des faiblesses, qui se trompe, qui succombe à la tentation. Là, nous avons un gros lourdaud parfait... un peu paradoxal, non ?
J'aurais aimé aussi un détective plus sympathique ; il est lourd, suffisant, souvent grossier, peu galant, pas drôle et c'est lui le héros qu'on est censé apprécier. Je ne sais pas si le ton que lui donne le narrateur dans la version audio y est pour quelque chose où si le narrateur n'a fait que donner la voix qu'il fallait au personnage...
Julien Chatelet ne m'a pas rendu Gunther sympathique, mais peut-être ne pouvait-il pas faire autrement.
D'ordinaire j'apprécie les bons mots, les effets de langage et les métaphores pittoresques. Là nous en avons trop et parfois une dizaine à la chaîne : "Ses cheveux paraissaient aussi naturels qu'un défilé au pas de l'oie dans Wilhelmsrasse" ; "elle devait avoir une main enfouie dans un gant de boxe lorsqu'elle s'était appliqué son rouge à lèvres" ; "ses seins ressemblaient aux postérieurs de deux chevaux de trait épuisés" ; "un homme qui se réveille le matin seul dans son lit pensera à une femme aussi sûrement qu'un homme marié pensera à son petit déjeuner" ; "la pièce avait quelque chose de typiquement allemand, c'est-à-dire qu'elle était à peu pr
ès aussi intime et chaleureux qu'un couteau suisse" ; "l'endroit était aussi silencieux qu'une montée de sève dans un arbre en plastique"... L'excès de bons mots a un relent de mauvais mots.