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EAN : 9782072898433
288 pages
Gallimard (13/08/2020)
3.4/5   72 notes
Résumé :
À l'orée du vingtième siècle, Lajos Ligeti, apprenti architecte viennois, gagne Budapest porté par un rêve : bâtir.
Il découvre une capitale vieillotte et endormie où tout est à faire.
Mais à Budapest, le conservatisme et les vieilles jalousies ne laissent guère de place à ses ambitions de modernité. Pour construire une ville, il faut séduire patrons et donneurs d'ordre. Manoeuvrer contre des concurrents redoutables aux méthodes déloyales. Visionnaire,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (32) Voir plus Ajouter une critique
3,4

sur 72 notes
°°° Rentrée littéraire 2020 #23 °°°

Les premières pages m'ont happée d'emblée tant j'ai été sous le charme de l'écriture superbe de Paul Greveillac, à la fois classique par sa structure et ses procédés, que moderne par son travail sur la ponctuation et le rythme. L'auteur prend tout son temps pour installer minutieusement son récit, cadre et personnages, ce qui immerge aisément le lecteur dans la Budapest de la fin du XIXème siècle.

Ce roman ample et riche retrace le destin de Lajos Ligeti, jeune juif viennois, apprenti architecte, débarquant à Budapest chez un vieil oncle misérable, plein de rêves, d'ambition et d'audace, lui qui a osé fuir le confort de la pharmacie familiale pour imposer ses projets architecturaux visionnaires, sans contact ni argent. Assez rapidement, on pense fort à Balzac ou Maupassant dans la façon remarquable qu'à l'auteur de raconter le destin de ce jeune ambitieux avec force de détails, de reconstitutions urbaines ou de descriptions physiques et morales aiguisées. Espoirs, ascension, gloire, déchéance, on devine assez vite le schéma classique que suivra son personnage.

Malgré ces grandes qualités, j'ai cependant été moins enthousiasmée par la deuxième partie du livre, lorsque Lajos Ligeti a fait sa place dans un cabinet d'architecte en vue, comme si les chapitres perdaient en richesse romanesque une fois les présentations faites. Peut-être que les longues descriptions architecturales ainsi que les enjeux autour des concours urbanistes m'ont un peu assoupie, même si les personnages sont au prise avec des sentiments forts de jalousie, rivalité et orgueil. Je me suis ennuyée. Peut-être également que j'aurais aimé que l'arrière-plan historique passionnant d'un empire austro-hongrois sur la fin, avec son pluralisme ethnique et la montée de l'antisémitisme soit plus approfondi.

Il m'a manqué assurément de vibrer, l'émotion n'a jamais vraiment jailli lors de cette lecture, ou trop peu, par exemple lorsque est évoqué l'oncle serrurier chez qui Lajos vivra les premières années : sa tristesse, son fatalisme, son amour intérieur pour son neveu en font un superbe personnage, à la père Goriot.

Il n'empêche que ce roman parle juste et intelligent lorsqu'il explore la question de l'art comme représentation de la société, mettant en avant l'opposition frontale et douloureuse entre le temps long de transformation d'une société hongroise marquée par l'inertie et l'instantanéité de la pensée fulgurante de l'artiste impatient, ici l'architecte, qui doit accepter d'être d'abord un sujet avant de devenir un acteur. Cette tension fondamentale et quasi philosophique transparait de façon limpide sous la plume de Paul Greveillac.

Lu dans le cadre des Explorateurs de la rentrée 2020 Lecteurs.com
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La frustration de l'architecte.
Ancien traumatisé du rapporteur, perforateur en série de papier millimétré, lanceur de compas repenti, j'ai néanmoins accepté de lire ce roman de bâtisseur pour une masse critique. Merci à Babelio pour cette thérapie.
Des plans plein la tête, crac du croquis, Lajos Ligeti, jeune édificateur viennois, s'installe à Budapest à la fin du 19 ème siècle pour donner corps à ses visions monumentales. Passer du coup de crayon au coup de truelle.
La ville est en chantier, son apprentissage, aussi. Il intègre un cabinet dirigé par deux personnages qui rejoignent ici la fiction après avoir fréquenté la réalité. Il s'agit de l'architecte célèbre Ödon Lechner, génie à l'origine du style national hongrois qui associa l'Art Nouveau à des techniques Magyares et de son associé, Gyula Partos, autre pionnier du style « Sécession Hongroise » de l'époque. C'était le paragraphe Wikipédia, trousse de l'architecte de ces mots dont les seules constructions notables furent d'éphémères cabanes buissonnières dans ses jeunes années. Créateur incompris.
Trop indépendant pour s'encombrer de pygmalions, Lajos Ligeti découvre que la réussite ne passe pas uniquement par la planche à dessin. Il doit apprendre à louvoyer, séduire des promoteurs, convaincre les donneurs d'ordre, pactiser avec des financiers. La concurrence est féroce, les déconvenues sont la règle, les projets qui se concrétisent l'exception.
Lajos Ligeti va connaître le succès et l'échec, l'amour et la solitude, la reconnaissance et la déchéance, dans une Europe qui prépare le pire. Son obsession de bâtisseur le rend aveugle au frimas de sa vie et de l'histoire. Un comble pour un visionnaire.
Paul Greveillac dresse un portrait très intéressant de cette époque de transition faite d'imagination et d'audace. Il va mettre sur la route de son héros le compositeur Bartok et le peintre Schiele, dans des rencontres trop fugaces, mais aussi des escrocs, des industriels et des inventeurs. La grande guerre signera hélas la fin des géniales fantaisies de l'Art Nouveau.
La prose de l'auteur est très soignée, d'une rare élégance mais je n'ai hélas pas réussi à m'attacher au personnage, à ressentir pour lui une quelconque empathie. Difficile de se laisser subjuguer par un roman quand le sort du héros indiffère. Impossible de le plaindre quand le mauvais sort s'acharne. J'ai ressenti plus d'émotions pour les autres personnages, moins présents mais plus carnés.
Obnubilé par son travail, le héros souffre d'une carence d'humanité. Il délaisse une épouse qui fut sa muse, se préoccupe peu de son enfant, s'éloigne de ses parents, néglige l'amitié et les avis de son associé et maître d'oeuvre. Lajos n'est porté que par son oeuvre et la trace qu'il souhaite laisser au monde. Seules ses frustrations et son ambition portent son sang à ébullition.
J'ai donc vécu ce roman comme un tableau doté d'un joli cadre et de beaux paysages mais dont le personnage central aurait été peint sans visage. Une nature un peu trop morte pour moi.
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En 1896, le jeune Autrichien Lajos Ligeti, passionné d'architecture, quitte la majestueuse Vienne pour la bouillonnante Budapest, alors en pleine fièvre bâtisseuse. Apprenti au sein d'un grand cabinet d'architectes, il découvre les réalités du métier : la difficulté de séduire commanditaires et maîtres d'oeuvre, les rivalités et les manoeuvres déloyales des concurrents, la nécessité de louvoyer et de pactiser avec les puissants … Il lui faudra des trésors de détermination pour percer et imposer son style, au cours d'une carrière qui lui fera connaître grandeur et décadence.


Classique et soigné, le récit ressuscite de façon vivante et crédible l'atmosphère optimiste et insouciante de la Belle Epoque, ces quatre décennies de paix qui ont favorisé la croissance économique et d'extraordinaires progrès techniques. Vienne, alors considérée comme l'une des plus splendides capitales d'Europe, affirme son prestige au travers d'une architecture devenue reine des arts, réinventée dans de nouveaux développements décoratifs en rupture avec l'académisme. Budapest, la seconde capitale dédaignée de l'Empire austro-hongrois, ville en profonde transformation, cherche à renforcer son identité nationale, et trouve également dans l'Art Nouveau un symbole de son affirmation et de son émancipation.


Dans cet âge d'or où se multiplient les grands chantiers publics, de nombreux architectes autrichiens et hongrois acquièrent une renommée internationale. Au milieu de ces personnages réels, l'auteur a imaginé l'apprentissage d'un jeune homme passionné et idéaliste, qui va tout sacrifier à son art. Et c'est presque dommage, tant la restitution soignée du cadre historique et le récit aux allures de biographie appelaient à la résurrection d'un de ces hommes aujourd'hui presque oubliés, plutôt qu'à l'invention romanesque d'un héros au final bien moins crédible et consistant que le riche univers pour lui si précisément recréé. Lajos Ligeti, peint dans son unique obsession professionnelle, manque globalement d'âme et d'émotions pour réellement s'incarner et convaincre.


Au bémol près de son personnage central un peu trop monolithique pour être à la hauteur du reste du roman, Art Nouveau restitue, avec force détails fascinants, un moment particulier de l'Histoire qui permit, en Europe Centrale bien plus qu'ailleurs, le bref fleurissement d'un art moderne et réformateur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Quel bonheur de visiter Budapest, sur les pas de Lajos et Katarzyna Ligeti, et de remonter le temps jusqu'à ces années charnières 1894-1913, où les progrès techniques ouvrent aux architectes de nouvelles perspectives.
Louis Vicat invente, dès 1818 en France, le ciment artificiel que l'anglais Joseph Aspdin brevette en 1824 avec son « ciment Portland ». D'abord employé dans des ouvrages d'art, ce matériau prend progressivement ses lettres de noblesse et l'architecte Anatole de Baudot conçoit l'église Saint Jean de Montmartre (1894-1904).
Budapest est alors le vaste chantier d'une capitale qui rivalise avec Vienne et louche vers Londres et Paris. L'architecte Ödön Lechner se donne pour objectif de créer un style national hongrois et de bousculer le clacissisme d'Ignác Alpár. En Europe Auguste Perret et Le Corbusier posent leurs premières fondations.
Dans ce tourbillon culturel, social et politique, Bella Bartok compose à Budapest et Adolf Hitler vend ses premiers tableaux à Vienne.
Les automobiles prennent la route, les avions décollent, les usines poussent et croissent, des industriels bâtissent des phalanstères inspirés des théories de Fourier ainsi à Guise, Jean-Baptiste Godin bâtit un familistère à proximité de son usine de poêles.
C'est dans ce décor que Paul Greveillac crée Lajos Ligeti, architecte ambitieux, d'origine ashkénaze, qui part conquérir Budapest, via un détour à Paris pour élever une église, et dessine l'ambitieux projet Europa, pour loger les salariés d'un constructeur automobile.
Rédigé d'une plume élégante et enseignante, ce roman débute comme un conte de fées, mais s'embourbe dans le chantier Europa et les ornières creusées par des concurrents ou des collègues jaloux, voire rivaux, et Lajos se noie progressivement mais inexorablement.
Mais il est vrai que, le mieux étant l'ennemi du bien, un architecte qui ne respecte pas les délais et dérive dans les budgets, ne peut durablement être respecté par ses prospects ou clients.
Lorsque Lajos est mis sur la touche par son associé, qui a les pieds sur terre a défaut d'avoir le moindre talent artistique, il se révèle incapable de rebondir et dérive sur le plan familial et professionnel.
L'auteur semble ne pas croire en son héros qu'il laisse se noyer dans l'alcool et la dépression et l'intrigue fluctuant entre fiction et réalité égare le lecteur dans un univers de bric et de broc.
D'où une certaine déception en ce qui me concerne bien que j'aie apprécié le tableau de l'empire austro-hongrois riche d'une multitude de nations aux rêves hétérogènes et aimé cette esquisse d'un « Art nouveau ».

PS : je préfère nettement Phrase d'armes
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Merci à l'opération Masse critique de Babelio et aux éditions Gallimard pour m'avoir fait découvrir ce roman de Paul Greveillac.
***
Dans Maîtres et esclaves, Paul Greveillac nous présentait la condition des artistes peintres dans la Chine de Mao. Dans Art nouveau, il va nous proposer de suivre la carrière d'un jeune architecte, Lajos Ligeti, dans l'Autriche-Hongrie d'avant la Première Guerre mondiale. En 1896, le jeune homme quitte la pharmacie familiale de Vienne pour s'installer à Budapest, récente deuxième capitale de l'Empire, où tout est à construire. Il s'installe chez son ours d'oncle qu'il ne connaît pas, Jakob Lakatos, serrurier de son état, et où il est accueilli sans enthousiasme. Après quelques années dans un cabinet prestigieux où on reconnaît son talent, mais où il joue les utilités, Lajos rencontre un maître d'oeuvre ambitieux et malin avec lequel il s'associe. Sa carrière démarre vraiment. Il connaîtra succès et échecs ainsi que joies et déceptions dans ce curieux empire qui réunit tant de populations diverses que, n'importe où ailleurs que dans votre coin de pays, vous êtres un étranger. N'empêche, nombre des difficultés de Ligeti ainsi que la condescendance (au mieux…) affichée par ses collègues ne sont assurément pas étrangères au fait qu'il est juif.
***
J'ai les mêmes admirations et les mêmes réserves pour ce roman que pour celui que j'ai déjà cité. le cadre de vie, l'époque, la rare générosité, les intenses rivalités et les vraies mesquineries entre les bureaux d'architectes sont parfaitement rendus. Les enjeux de cet Art nouveau, le refus de certaines outrances, l'invention de nouveaux styles ou l'utilisation de matériaux modernes (l'aventure du béton armé !), promesses d'avenir, se révèlent passionnants. En revanche, je n'ai pas réussi à connaître les différents personnages. Leur psychologie m'échappe et ils me restent par conséquent étrangers. le choix des différents points de vue du narrateur est peut-être en partie la cause de mon détachement. Ainsi, au début du roman, le narrateur nous donne à voir par les yeux d'un personnage très secondaire, le cocher, alors que, tout de suite après, le personnage principal est décrit par un narrateur omniscient, ce qui crée une certaine distance. le procédé sera repris plusieurs fois. de plus, j'avoue ne pas être enthousiasmée par le style de Paul Greveillac. Je suis même plutôt agacée par la recherche du mot rare, de la comparaison la plus surprenante possible, de la tournure de phrase alambiquée. Je ne relèverai qu'un exemple parce que la quantité de petits signets posés au fil de ma lecture me décourage à l'avance : « En ligne de fuite se devinait un bureau dont la porte était entrouverte. de la porte aveuglait par instants, en fonction du mouvement des branches, dehors, qui oblitéraient plus ou moins les rayons du soleil, une plaque dorée » (p. 54). Bref, bien que convaincue de la qualité de ses romans, je passe en grande partie à côté de cet auteur...
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critiques presse (1)
Culturebox
03 novembre 2020
Il y a deux ans, le jeune écrivain avait échoué à deux voix près sur la dernière marche du prix Goncourt, attribué à Nicolas Mathieu. Il revient aujourd'hui avec une fresque retraçant la naissance du XXe siècle dans la Mitteleuropa, à travers son architecture et le courant de l'Art nouveau.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
Les sociétés ne se délitent pas sous la charge des sollicitations égoïstes. Elles pourrissent sur pied, faute d'avoir su faire bourgeonner le mystère. Nous avons faim de tabous. Nous nous mourons de la pauvreté de nos rêves. En leur absence, nous sommes de grands orphelins à l'ombre de nos désastres intimes. Nous achoppons à nous construire, parce que nous le voulons trop. Nous avons voulu nous convaincre qu'il n'est rien de valeur qui ne soit tangible. Parce que c'était facile. Parce que c'était idiot. Parce que nous manquons, peut-être, de courage. De désir. Nous étions, déjà, pomme, plutôt qu'Adam, ou Ève. Fruit vert, ou blet, dont la gratuité est absurde.
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Prise de panique, sans plus personne pour la tenir en bride, la haridelle qui tirait la carriole sur laquelle reposait le catafalque et le cercueil s'emballa. Elle fonça droit devant elle. Le mort eut la frayeur de sa vie.
(page 114)
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Aucun art, semble-t-il, n’a tout à la fois réifié, aimé, idéalisé, sanctifié les femmes autant que l’« art nouveau ». Il s’est épanoui dans une débauche de sensualité et de vie, avant que de pourrir dans l’horreur et la mort de la guerre. Comme si la balance de l’Histoire avait, sur un coup de tête, décidé qu’il était grand temps de mettre fin aux frivolités.
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La faillite d'un régime est avant tout celle de ses élites. Les raisons, les prémices de la chute d'un empire, sont peut-être à chercher dans ses salons mondains.
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Le rêve a la fragilité du miracle. Il n’est pas d’illusion si vacillante, ni si nécessaire. Les empires ne meurent pas de leurs blessures de guerre. Ils s’écroulent dès lors que la machine à rêve faillit.
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Videos de Paul Greveillac (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Paul Greveillac
Paul Greveillac vous présente son ouvrage "Phrases d'armes" aux éditions Gallimard. Rentrée littéraire automne 2023.
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