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sur 712 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Santiago du Chili, quartier pauvre de la Victoria, le jeune fils du rédacteur de la châine Senal 3 âgé de 14 ans est retrouvé mort comme un vulgaire malfrat victime de règlement de comptes. Gabriela, une mapuche vidéaste filme la caméra au poing le corps du jeune Enrique. Elle est persuadée qu'il s'agit d'un assassinat. La section antiémeute disperse la foule qui demande vengeance. Gabriela cherche un avocat et est aiguillée vers Esteban, un spécialiste des causes perdues. Aidés du projectionniste Stefano, un ancien militant de la garde révolutionnaire au début des années 70 et du père Patricio qui se voue corps et âme à ce quartier, la fine équipe va plonger à leurs risques et périls dans la recherche de la vérité qui va faire ressurgir des spectres du passé.

Caryl Ferey tisse une intrigue haletante sous fonds de corruption, de drogues de disparitions d'enfants et d'amour impossible. le pays porte encore les traces et les stigmates de la dictature de Pinochet : la mort d'Allende, le martyr du chanteur et poète Victor Jara en 1973 et la chasse et l'élimination des opposants au régime connu sous le fameux plan Condor. Une société chilienne ultralibérale réservée à une élite qui dilapide les richesses du pays en spoliant la population. Un Chili qui laisse au bord de la route les indiens Mapuches et qui entasse dans des dépotoirs les exclus du système de plus en plus jeunes. La misère urbaine à la périphérie de Santiago du Chili est décrite de manière saisissante. La corruption est généralisée...la police de mèche.

Les personnages qui mènent l'enquête et la quête de vérité incarnent d'une manière un peu caricaturale les différents opposants au système de corruption : Gabriela, une jeune Mapuche rebelle et visionnaire , Esteban, avocat cynique qui rejette ses privilèges, Stefano, un ancien qui a souffert dans sa chair de la dictature et Edward un avocat fiscaliste au bout du rouleau ....et face à eux des fantômes en chair et en os qui ressurgissent du passé...
Le roman monte progressivement en puissance et explose dans un décor de cinéma, de western chilien dans le désert d'Atacama.

Condor, Un roman très Clash (album Sandinista) et trash pour sa vision du Chili corrompu et ultra capitaliste.

je remercie Babelio, Masse critique et les éditions Gallimard pour cette découverte
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L'Amérique du sud n'est vraiment pas mon terrain de jeu littéraire . Je ne parle pas un mot d'Espagnol, je ne sais pas à quoi peut ressembler un pisco sour ou un ceviche, mais ce polar historique chilien palpitant m'a passionnée. De l'auteur, j'avais déjà lu Zulu, qui m'avait retournée complètement avec ses personnages intenses et sa noirceur désespérée. Alors j'ai suivi Caryl Ferey avec confiance en terre inconnue, pour cette enquête dans le Chili, pas vraiment guéri de la dictature de Pinochet.

Il est vrai que le petit général en question, mort tranquillement dans son lit , fortement aidé par la CIA, dans l'opération Condor contre tout ce qui avait l'air d'être communiste en Amérique du Sud, a eu tout le temps de faire torturer, emprisonner et fusiller au nom d'un ordre établi méprisant l'humanité une bonne partie de la population de ce pays, et de causer des blessures durables aux descendants et survivants.

Ils sont tous à vif les personnages de Condor, marqués à vie par les prisonniers du stade , les charniers du désert d'Atacama, tous victimes de la DINA, la police politique du caudillo de l'Altiplano. Certains recherchent activement les responsables de la mort de leurs proches, comme Edward, l'ami d'Esteban l'avocat recruté par Gabriella, étudiante en cinéma, au nom des parents d'enfants retrouvés morts dans une favéla de Santiago, et dont la police n'a cure . En effet, l'autre mal dont souffre le Chili, ce sont les clivages sociaux très marqués, et les discriminations indignes dont sont victimes les peuples premiers amérindiens, et tous les pauvres relégués dans des quartiers sordides, à qui l'on refuse la justice.

C'est une histoire d'amour intense et tragique, qui rapproche Gabriella, jeune mapuche pauvre exilée loin de chez elle, et Esteban, l'avocat aux pieds nus, "des causes perdues", comme il dit, le gosse de riche qui trimballe son mal être de bar en bar, le rince dans des litres d'alcool et le couche dans les pages énigmatiques d'un conte poétique où son destin se mêle à celui des victimes du stade de Santiago. Il est l'anti héros par excellence celui qui risque sa vie à la recherche des coupables dans une affaire qui dérange les anciens tortionnaires et leurs complices, qui n'ont jamais été jugés pour leurs crimes. Résoudre l'affaire des enfants de la Victoria, c'est secouer un nid de frelons.

J'ai vraiment aimé cette histoire, où la lumière parfois arrive au détour d'une évocation, celle de la grand-mère chamane de Gabriella, laquelle a semble -t-il hérité de ce pouvoir issu de cette terre volcanique et du vent, pour être une sorcière cinéaste bienveillante au service de la vérité .
Je remercie sincèrement Babelio et Gallimard pour ce bon moment de lecture et l'occasion de rencontrer cet écrivain voyageur dans l'espace-temps.
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Avec Caryl Férey, le polar français prend l'air ! Après la Nouvelle-Zélande ( Haka ), l'Afrique du Sud ( Zulu ) et l'Argentine ( Mapuche ), il prend ici le pouls du Chili, encore terriblement marqué par la dictature Pinochet et les exactions de la junte militaire fachiste, et désormais vendu à l'ultralibéralisme et aux multinationales qui pillent les richesses nationales jusque dans les zones sensibles du désert de l'Aracama.
Si l'écriture est simple, c'est pour mieux s'effacer devant une intrigue brillante que Férey maitrise avec une science réelle de la narration et du rebondissement.
Tout part de la mort par overdose de plusieurs jeunes du quartier déshérité de la Victoria dans des circonstances étranges, des morts qui n'intéressent personne mais alertent Gabriela, jeune vidéaste mapuche rebelle et intrépide, qui se lance à corps perdu dans la découverte de la vérité. Les personnages sont un poil caricaturaux ( les méchants très méchants et les gentils vraiment héroïques ) mais on s'y attache terriblement. J'ai adoré celui d'Esteban, avocat à la fois chic et désespéré, tourmenté par le poids d'une famille richissime et le souvenir du musicien Victor Jara assassiné par la junte militaire. Très beau personnage également que le vieux projectionniste Stefano, ancien militant d'extrême-gauche, survivant de la torture post coup d'Etat contre Allende, prêt à reprendre les armes si besoin.
Un beau polar dense, complexe, ambitieux, militant et profondément humaniste.
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"Condor" de Caryl Férey - La Chronique Chili con carne !

Caryl Férey a une écriture argentée, ses mots brillent, ses phrases scintillent et ses romans rutilent. Et "Condor" n'échappe pas à la règle...

Chacun de ses livres est une merveilleuse leçon d'humanité, un cri lâché au milieu d'un monde à la dérive. Un écrivain à la plume Punk et nihiliste. Il y a peu d'espoir qui suinte de ses romans et pourtant on y trouve toujours de quoi respirer, suffisamment pour éviter l'asthme, suffisamment pour redresser la tête et poursuivre sa route vers notre firmament, la tête emplie de réflexions diverses, sur le sens de la vie, sur l'injustice, sur l'amour...

Écrivain bohème, artiste voyageur, Caryl nous dépayse à chaque nouveau bouquin. Après la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud et l'Argentine, c'est au tour du Chili de recevoir les coups de boutoir de l'homme. Un Chili qui après avoir survécu à 17 ans de dictature "Pinochetienne" (non ce mot n'existe pas... sigh) s'enlise dans un ultra-libéralisme meurtrier, une société corrompue, une plaie pour les pauvres hères qui se voient refouler à la périphérie des villes (ça vous rappelle quelque chose ?).

Caryl Férey a le don de créer des personnages auxquels on s'identifie très vite - la machine à empathie fonctionnant à plein régime - et qui imprègne notre âme de leurs gènes. Il y a un lyrisme, une poésie noire, une profondeur dans chacun de ses protagonistes.

Puisqu'on parle de poésie, Caryl Férey, en plein milieu de son intrigue, nous régale de mots sublimes, écorchés, dont le sens échappera probablement au profane (j'en suis un) mais dont la qualité orale est superbe. Après, à lire c'est abscons et pas la partie la plus passionnante du livre mais ça a le mérite de vous emmener ailleurs. Il qualifie cela de "poésie destroy" et c'est exactement ce que c'est. Pour l'anecdote il a travaillé cette partie pour en faire une lecture musicale avec Bertrand Cantat (le chanteur de Noir Désir), projet qui sera défendu sur scène.

Évidemment, il y a de la fureur et de la violence dans un polar de Caryl Férey, contrastée par de somptueuses histoires d'amour, de celles qu'on envie, de celles qui élèvent, de celles qui inspirent. Qu'elles soit vécues jusqu'au bout ou contrariées ces histoires apporte indéniablement un supplément d'âme, une touche de couleur dans un roman à la noirceur prégnante.

L'intrigue policière n'est pas en reste même si ce n'est pas le point le plus important du roman. Un air de western Léonien sur fond de société en déliquescence. Des scènes d'actions soudaines et définitives. Un roman alimenté par l'alcool, la drogue, un peu de sexe et surtout ce bon vieux Rock'n'Roll !
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A l'épisode démocratique d'Allende a succédé la dictature sanglante de Pinochet. Les profiteurs du régime tiennent le haut du pavé. Ils ont la mainmise sur l'économie grâce à la privatisation initiée par les Chicago boys et leurs trafics en tout genre qui privent le pays d'un développement normal et plongent une grande partie de la population dans la misère. Et comme si cela ne suffisait pas, avec le Plan Condor, leurs opposants sont systématiquement éliminés, quelquefois avec la complicité de démocraties occidentales. Aujourd'hui encore, alors même que les socialistes sont de retour au pouvoir, ces hommes, toujours influents, effacent le passé en réduisant ses témoins à un silence définitif.

Dans ce roman noir, politique et sentimental, les causes perdues du Chili sont défendues par une belle indienne mapuche, un avocat gosse de riches et un projectionniste gauchiste au grand coeur, les représentants emblématiques de l'opposition à un régime politique inique. Une courageuse bataille contre la précarité et l'insécurité sociales fruits du néolibéralisme sauvage, parfois désordonnée et vaine, dont le lyrisme du récit doit beaucoup à l'écriture instinctive de Caryl Férey.

Un grand merci à Babelio et aux Editions Gallimard pour cette lecture politico-policière.
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Des Bons et des (très) Méchants dans un western andin, à saveur de pisco sour*.

Des cadavres d'enfants dans le quartier populaire de la Victoria, une indifférence généralisée des institutions envers une population de miséreux, et quelques Justes qui se mobilisent pour que justice soit faite.
Des bas-fonds de Santiago puants de trafics de drogue et de pauvreté, aux beaux quartiers pourris de corruption, jusqu'aux hauts plateaux du désert de l'Atacama, la quête de vérité d'un jeune avocat de causes perdues et d'une belle Mapuche cinéaste se transforme en descente aux enfers pour sauver leur peau.

Fidèle à une technique littéraire qui a fait ses preuves, Caryl Ferey construit un thriller brutal, sur fond de géopolitique et de société. de même que dans Mapuche et ses fantômes de l'Argentine, les horreurs de la dictature chilienne sont en filigrane dans le passé des personnages et dans la mentalité du pays. La réalité contemporaine apparait dans ses difficultés de démocratie, dans la laborieuse réadaptation libérale après les années de plomb de Pinochet. L'auteur produit presque un livre de voyage, nous invitant à défaut de départ, à débusquer les paysages de ses descriptions très visuelles.

Pour tout cela, j'ai aimé, bien sur!
Mais avec une petite réserve: une sensation de "déjà lu" après Mapuche et une trame romanesque très semblable, entre une histoire d'amour, une plongée dans un passé politique traumatisant et une approche de minorité ethnique.
Mais coup de chapeau pour la construction du récit, le rythme soutenu de l'intrigue et la documentation associée.
Un roman très noir et palpitant qui se lit avec addiction.

* un délice! Pisco, citron vert, sirop de canne, blanc oeuf battu et Angostura, le tout sur glaçons.
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Dans le quartier de la Victoria, un des bas-fonds de Santiago du Chili, quatre enfants meurent d'une overdose. Gabriela, une jeune vidéaste mapuche, sollicite Esteban, fils de grands bourgeois et avocat des causes perdues, pour aider les familles à faire éclater la vérité. Dans le même temps, Edwards, l'associé d'Esteban dont le père a été tué sous la dictature, identifie un ancien tortionnaire, devenu proche de sa belle-famille. Dans les deux affaires, des tueurs puissamment armés et très bien renseignés interviennent pour effacer toutes les traces. Les meurtres s'accumulent, souvent précédés de tortures. C'est tout le passé du Chili, et particulièrement la période Pinochet et ses exactions, qui remonte à la surface...

Un Caryl Férey dans la lignée de Zulu, Utu, Haka ou Mapuche : l'auteur organise une chasse à l'homme dans les paysages grandioses d'un pays, ici le Chili, tout en visitant son histoire plus ou moins récente. Les ingrédients sont souvent les mêmes, et dans le cas de Condor : un couple d'enquêteurs plus ou moins traumatisés par leur histoire personnelle et leurs racines, entouré de quelques amis fiables ; des méchants très violents, guidés par l'infini appât du gain ; beaucoup d'hémoglobine !
La plume de Caryl Férey est rapide et sèche pour donner de la vitesse au récit. L'auteur multiplie les changements de séquences pour encore accélérer le rythme. C'est presque un film qui se déroule sous les yeux du lecteur.
Les personnages ne sont pas réalistes : ce sont des concentrés de traumatismes historiques et d'émotions. Globalement, l'intrigue est beaucoup plus crédible. C'est cette rencontre entre des individus dont les traits de caractères sont très exagérés et des événements qui pourraient tout à fait découler du passé récent du pays, dans des lieux, bas-fonds ou terres sauvages, qu'il donne envie de découvrir, qui fait la marque de l'auteur.
Une plongée dans le noir passé chilien et une ballade des bas-fonds urbains jusque dans les grands espaces du nord et du sud du pays.
Lien : http://michelgiraud.fr/2019/..
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Plonger dans un roman de Caryl Férey est comme se jeter à tombeau ouvert du haut du grand huit. On sait que la chute est sécurisée et elle est pourtant remplie d'effroi. Dès les premières pages, l'ambiance est électrique, les phrases saccadées, et je dois dire, l'écriture admirablement travaillée, Férey affûte son style.
Nous voici cette fois-ci à Santiago du Chili, 2015. La corruption et la drogue règnent sur la ville. La justice? Parlons-en: juges de la cour suprême et flics cohabitent avec ceux qui ont oeuvrés dans les années soixante-dix à la dictature de Pinochet. L'heure est à l'amnésie, à part pour certains sexagénaires comme Stefano qui n'ont pas oublié l'atrocité des tortures, la mort ou l'exil pour les pro-Allende. J'aime ce Stefano qui rythme la vie du quartier miséreux de Victoria de classiques diffusés dans son cinéma: Godard, Fellini, Hitchcock, au coeur de la violence et des overdoses. L'une d'elle va amener Gabriela, issue du peuple mapuche - et soeur de Jana, du roman éponyme - à contacter un avocat que son amie va lui conseiller-elle a couché une nuit avec lui - pour défendre ces ados victimes des trafics de drogue.
Elle rencontre ainsi Esteban, issue d'une vraie dynastie ayant prospéré au coeur de la dictature, éduqué dans les écoles les plus prestigieuses, un mec détestable aux premiers abords et dévoué aux causes perdues, histoire de faire grincer des dents sa famille. Tous les trois mettent le doigt dans un engrenage gigantesque qui les ramènera aux temps de Pinochet.
Comme toujours, les romans de Férey nous mènent tout droit dans un univers d'une violence inouïe qui pourtant ne retranscrit qu'une réalité historique et actuelle, ce qui rend le récit d'autant plus tragique. Mais les romans de Férey, c'est aussi un romantisme échevelé, une conscience écologique et la force du désespoir.
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Condor, c'est la plongée dans les bas-fonds de Santiago du Chili. Nous sommes dans ce quartier populaire qui s'appelle la Victoria. La pauvreté et la drogue y règnent en maître. le roman a beau se situer en 2015, la démocratie est plombée par l'héritage politique et économique de Pinochet. Tous les rouages du pouvoir sont corrompus, de sorte que le récit nous fait plonger d'emblée dans la dictature des années 70 et la période de répression qui s'ensuivit.
Le quartier la Victoria est aux mains des malfrats. Des bandes font la loi et n'hésitent pas à tuer des enfants. C'est dans ce contexte que Gabriela, jeune vidéaste Mapuche, vient réaliser un reportage et filmer. Elle aimerait comprendre pourquoi un enfant pauvre mais sans histoire a pu succomber à une overdose en pleine rue. Elle est persuadée qu'il s'agit d'un assassinat. D'autres enfants ou adolescents semblent victimes eux aussi des mêmes méfaits dans le même quartier. La police s'en moque, pour autant le reportage de Gabriela dérange. Nous ne sommes plus sous Pinochet, mais ses héritiers sont bien là...
Face à ce constat, Gabriela ne veut pas se résigner. Elle entre en relation avec un avocat, Esteban, particulièrement sensible aux causes sociales, c'est-à-dire ici ce qu'on appelle les causes perdues. C'est un avocat chic et désespéré, un beau personnage comme on les aime dans les thrillers, ici il va prendre de l'ampleur et se démener pour cette cause qui lui ressemble. Il va devenir le personnage principal de l'histoire, mais sans les autres, il n'est rien et ne peut rien faire...
Aidés d'un ancien gauchiste proche d'Allende, Stefano, et du prêtre du quartier, le Père Patricio, Gabriela et Esteban iront jusqu'au bout d'eux-mêmes, jusqu'au bout de ce qu'ils peuvent pour qu'éclate la vérité.
Condor, c'est le nom d'un plan : le plan Condor, programme d'élimination des opposants au régime.
La misère urbaine, décrite avec précision, est le véritable théâtre où vient se jouer le déroulement de ce roman. Le Chili est décrit à juste raison comme un pays qui laisse au bord de la route les minorités, et parmi celles-ci les indiens Mapuche. Gabriela en est une représentante.
Esteban est aussi tourmenté par le souvenir du chanteur Víctor Jara, assassiné en 1973 dans un stade par la junte militaire au pouvoir, après avoir eu les doigts tranchés à la hache.
Condor, c'est le sort de ceux qui sont tombés sous la dictature chilienne, tenue par la junte militaire fasciste, aux affaires jusqu'en 1990.
Condor est la voix magnifique de Gabriela, émouvante, révoltée, la voix des siens aussi. Ceux auxquels on vole leur terre. C'est le sable rouge du désert de l'Aracama. Ce sont les rêves brisés des enfants des rues qui ont grandi trop vite. Ce sont les corps meurtris, piétinés dans les caves des prisons improvisées, ce sont les doigts tranchés de Victor Jara, chantant encore dans l'Estadio Nacional... Ce sont les plaies encore ouvertes et béantes où l'on jette des pelletées de sable pour couvrir les cris du passé...
Condor, c'est enfin une histoire d'amour improbable entre Gabriela, la rebelle et Esteban l'idéaliste.
Mais parlons un peu de Caryl Ferey. J'aime beaucoup cet auteur pour des raisons multiples, parce qu'il est une sorte d'écrivain voyageur, parce qu'il n'écrit que ce qu'il connaît et découvre dans ses périples, ici ou là, parce qu'il écrit sur le Chili comme on aimerait qu'on en parle plus souvent, plus fort encore, toujours, ici, ailleurs.
Les personnages sont magnifiques, poignants de sincérité. Le récit est habilement ficelé. Il nous tient en haleine jusqu'au bout de son dénouement. C'est sans doute à cet endroit que s'exprime le plus le talent de l'auteur, même si je trouve que parfois son écriture est un peu en retrait de la déflagration qu'il nous envoie. Impossible de lâcher le livre ! Je l'ai adoré.
Je pense que l'on peut qualifier Condor de polar humaniste. Et Caryl Ferey est un auteur de polar humaniste, ici plus que jamais.
Condor est la mémoire collective et singulière de tout un peuple, qui n'en finit pas de panser ses plaies. Je voudrais refermer le livre mais la voix de Victor Jara continue de se faufiler dans les pages, j'entends alors aussi les cris des enfants fauchés par les balles et les coeurs de Gabriela et Esteban qui battent pour qu'on n'oublie jamais le sort de ses victimes, pour qu'ils ne soient pas morts pour rien, pour qu'éclate enfin la vérité...
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J'étais un peu réticente à entreprendre cette lecture tant ma précédente expérience avec Caryl Férey avait été douloureuse.
La violence et la cruauté de certaines scènes de « Zulu » m'avait laissée au bord de la nausée, transformant la fin du roman en épreuve plus qu'en plaisir de lecture.
L'écriture m'avait cependant séduite et j'étais décidée à ne pas rester sur un échec avec cet auteur.

Donc, après l'Afrique du Sud, j'ai embarqué pour Santiago du Chili, dans un quartier pauvre de la Victoria.
Enrique, 14 ans, est retrouvé mort. A première vue, son décès a l'air d'un règlement de compte entre malfrats. Une foule s'est formée autour du cadavre et réclame vengeance : c'est le quatrième corps retrouvé depuis le début de la semaine.
Gabriela, jeune vidéaste mapuche est persuadée qu'il s'agit d'assassinats. Elle fait appel à Esteban, avocat spécialiste des causes perdues, pour l'aider dans son enquête et rendre justice aux familles des disparus.
Des bas-fonds de Santiago au désert minéral de l'Atacama j'ai suivi leur chemin vers la vérité.
Une intrigue haletante sous fond de corruption et de drogue. Condor est une immersion dans l'histoire du Chili, de la dictature des années 70 à la démocratie faussée par l'héritage politique de Pinochet.
Un roman noir, tel un cri dans un monde à la dérive, qui me réconcilie avec l'univers sans concession de Caryl Férey.
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