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sur 712 notes
La Victoria, quartier populaire de Santiago. Un quartier meurtri, submergé par les trafics de drogue et la pauvreté, géré par des bandes de malfrats. Un quartier qui voit ses propres enfants mourir sous ses yeux. Enrique, le fils du rédacteur de Señal 3, est le quatrième adolescent retrouvé mort. Un quatrième décès inexpliqué en moins d'une semaine. La population, amère, s'insurge contre la police qui ne faisait rien pour protéger les jeunes de la Victoria. Gabriela, jeune vidéaste Mapuche, étudiante en cinéma, filme le corps du fils de celui qui l'avait accueillie à son arrivée à Santiago. Une vidéo qui lui révèlera une trace blanchâtre sous la narine droite du jeune homme. Aussitôt, elle fait part de sa découverte à Stefano, un ancien militant au sein du MIR (Mouvement de la gauche révolutionnaire) et aujourd'hui projectionniste au cinéma du quartier, avec qui elle cohabite. Les flics n'ayant pas l'air pressés de résoudre ces meurtres, la jeune Mapuche fait appel à un avocat, Esteban, qui se dit lui-même spécialiste des causes perdues. le duo, bientôt rejoint par Stefano et le Père Patricio, va tenter de mettre la lumière sur ces meurtres...

Caryl Ferey réécrit l'histoire, passée et présente, d'un pays encore fragile, marqué au fer rouge. Un pays où l'on panse encore les blessures de la dictature de Pinochet, où la misère s'étend, où la corruption s'en donne à coeur joie et où des gamins laissés pour compte sniffent de la colle et meurent sous l'oeil indifférent de la police. Heureusement que Gabriela, la jeune Mapuche, et Esteban, avocat désespéré, en rupture avec son milieu social et défenseur des causes perdues, vont mener, envers et contre tous, leur enquête. Aidés de cet ancien gauchiste proche d'Allende et de ce prêtre, ils iront jusqu'au bout d'eux-mêmes. Une enquête complexe mais ô combien riche. Caryl Ferey, pour ce faire, a passé quelques mois au Chili, s'est imprégné des coutumes locales et s'est penché sur un passé dictatorial, pourtant pas si lointain, qui pèse sur le présent. L'auteur dépeint une galerie de personnages extrêmement fouillée et complexe, plante ses décors magistralement et nous offre une intrigue passionnante, habile, parfois tortueuse. Un roman mené de main de maître, puissant, et vibrant servi par une écriture riche et descriptive.
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Une sale bête.

Une sorte de petite fraise sanguinolente et fripée autour de son cou déplumé, l'oeil violemment stupide- ou est-ce stupidement violent ? -, le bec crochu et les serres acérées et surtout ces deux ailes d'ombre gigantesque qui dessinent le lent tournoiement de la mort au fond du ciel vide.

Un prédateur, mais sans la noblesse altière de l'aigle, un charognard mais sans la méticulosité ménagère des insectes : c'est encore un tueur, un exécuteur des basses oeuvres mais c'est déjà le nettoyeur, c'est déjà le liquidateur qui fait place nette après le crime.

Carancho…disent les Indiens des Andes. Un rapace.

Un condor.

Il vit en altitude : celle des grands crimes impunis, celle de l'outrecuidance de l'argent, celle du mépris du petit, celle de l'exploitation sans scrupule, celle de la morgue scandaleuse qui ne rougit jamais de ses forfaits mais qui les cache, et n'hésite pas à en commettre d'autres encore, aussi sanglants, aussi atroces, pour dissimuler les premiers.

Pas mal trouvé, vraiment, le nom de Plan Condor.

Après la dictature de Pinochet, il faut faire disparaître toute trace des exactions commises et surtout en dissimuler les auteurs.

Ceux-ci en effet sont toujours aux manettes et même aux meilleurs places : trafic de drogue, direction des ports, des usines, grâce à la privatisation accélérée, sous la houlette des Chicago Boys, de tous les biens publics brièvement rendus au peuple chilien par Allende juste avant le coup d'état du 11 septembre 1973 ; exploitation des mines, mise en coupe réglée du sol et du sous-sol même dans les zones les plus protégées.

Tuer, nettoyer et rester maître de l'erre. Voilà en résumé le Plan Condor.

Une sorte de terrorisme d'état qui vit la police secrète, la DINA, aidée de la NSA, de la CIA, de la DEA (on appréciera l'euphémisme de ces acronymes…) urbi et orbi, exécuter, en toute exterritorialité et en toute impunité, les derniers opposants , les rares témoins et…tous ceux ou celles qui auraient l'idée saugrenue, après la dictature, de faire la lumière sur cette sombre période et de rendre, enfin, la justice.

Le décor de CONDOR est planté : un nid de charognards défendant bec et ongles leur pitance présente et leurs turpitudes passées.

Entre la cuvette de Santiago, le port bariolé de Valparaiso et les cimes altières des Andes avec leurs lacs de sel, les plages de l'Océan pas pacifique du tout et le désert chamanique des mapuches, un petit groupe de justiciers amateurs – Stefano, un vieux projectionniste, militant du MIR échappé des geôles fascistes, Gabriella, une belle indienne magique et libre, vidéaste audacieuse, Estebàn, un fils de famille hanté par la culpabilité de classe et avocat des causes perdues-, tente de faire pièce aux tueurs qui ont changé de nom, de statut, de visage mais pas d'âme…Ils ont gardé celles des charognards qu'ils sont toujours, derrière leurs plumes de paons.

Mais, quand on cherche à faire justice, surtout si le danger est mortel, et que les cercles concentriques des condors se resserrent au-dessus de vous, il y a l'amour, la fougue, les rêves, les mots.

Les balles qui vous cherchent avec obstination dans l'air brûlant ne peuvent pas tout tuer. Il reste les poèmes de Pablo Neruda, les chansons de Victor Jara, ou celle, têtue, de Catalina pour son Colosse..

J'ai lu presque d'une traite ce livre terrible et haletant : étonnamment bien documenté, magnifiquement bien construit, nous emportant à la suite de ce trio attachant, à travers tout le Chili d'aujourd'hui, hanté par celui d'hier.

Un roman –noir ? politique ? historique ? policier ? – construit comme une fugue, tissant et reprenant son thème avec brio, jusqu'au « cliffhanger » final, où les condors du vieil Elizardo viennent tournoyer et parfois achever d'autres condors aux mains sales..et verruqueuses!

D'abord prudent, factuel, réaliste, documenté, le récit de Caryl Ferey, décidément très inspiré, devient lyrique, âpre, passionné.

On perd en distance critique, on gagne en intensité dramatique, et c'est bien : cette accélération du rythme …et du pouls, font partie des puissantes qualités du livre. J'ai lu cinq livres de Caryl Ferey, dont j'aime la fougue, l'humour trash et le regard décapant sur les paysages, les êtres et les choses. Ici il y a plus : une sincérité, un vibrato, une émotion. Sans doute parce que le Chili ne laisse personne indifférent, même des années après la mort du Vieux, défendu par Madame Thatcher, et mort de sa belle mort sans avoir eu le temps de se voir juger et condamner pour crimes contre son peuple.

CONDOR m'a vraiment emportée, bouleversée, et fait revivre ce mois de septembre 1973 où « il a plu sur Santiago » et où nous nous sommes retrouvés impuissants devant la violence de la répression et ulcérés devant le grand silence des démocraties- dont l'une avait même les mains encore toutes pleines de sang.

J'ai vu il y a quelques mois un très beau film : LE BOUTON DE NACRE de Patricio Guzmàn, un documentaire chilien sur le même sujet -la mémoire de la violence. Ici, la mémoire de l'eau qui se souvient des tortures- celles des suppliciés de Pinochet, jetés dans l'Océan, attachés à un rail de chemin de fer- et même des crimes très anciens, - le génocide patagonien- entre le Pacifique et la Terre de feu

En fermant le livre de Caryl Ferey, je me suis dit que ce Bouton de Nacre aurait pu être le documentaire de Gabriella, la vidéaste passionnée de CONDOR : comme lui, son film est arraché à la réalité chilienne d'aujourd'hui, mais il nous parle du passé, de la terre désertifiée des mapuches, de l'eau convoitée du Salar de Tara, et il sait dire, malgré la mort et la résistance du mal, la beauté des images, la force de la poésie,la chaleur de l'amour.

Hors de portée des condors de toute plume…
Merci aux éditions Gallimard et à masse critique de Babelio qui m'ont permis ce voyage à émotions fortes garanties!
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Santiago du Chili, quartier pauvre de la Victoria, le jeune fils du rédacteur de la châine Senal 3 âgé de 14 ans est retrouvé mort comme un vulgaire malfrat victime de règlement de comptes. Gabriela, une mapuche vidéaste filme la caméra au poing le corps du jeune Enrique. Elle est persuadée qu'il s'agit d'un assassinat. La section antiémeute disperse la foule qui demande vengeance. Gabriela cherche un avocat et est aiguillée vers Esteban, un spécialiste des causes perdues. Aidés du projectionniste Stefano, un ancien militant de la garde révolutionnaire au début des années 70 et du père Patricio qui se voue corps et âme à ce quartier, la fine équipe va plonger à leurs risques et périls dans la recherche de la vérité qui va faire ressurgir des spectres du passé.

Caryl Ferey tisse une intrigue haletante sous fonds de corruption, de drogues de disparitions d'enfants et d'amour impossible. le pays porte encore les traces et les stigmates de la dictature de Pinochet : la mort d'Allende, le martyr du chanteur et poète Victor Jara en 1973 et la chasse et l'élimination des opposants au régime connu sous le fameux plan Condor. Une société chilienne ultralibérale réservée à une élite qui dilapide les richesses du pays en spoliant la population. Un Chili qui laisse au bord de la route les indiens Mapuches et qui entasse dans des dépotoirs les exclus du système de plus en plus jeunes. La misère urbaine à la périphérie de Santiago du Chili est décrite de manière saisissante. La corruption est généralisée...la police de mèche.

Les personnages qui mènent l'enquête et la quête de vérité incarnent d'une manière un peu caricaturale les différents opposants au système de corruption : Gabriela, une jeune Mapuche rebelle et visionnaire , Esteban, avocat cynique qui rejette ses privilèges, Stefano, un ancien qui a souffert dans sa chair de la dictature et Edward un avocat fiscaliste au bout du rouleau ....et face à eux des fantômes en chair et en os qui ressurgissent du passé...
Le roman monte progressivement en puissance et explose dans un décor de cinéma, de western chilien dans le désert d'Atacama.

Condor, Un roman très Clash (album Sandinista) et trash pour sa vision du Chili corrompu et ultra capitaliste.

je remercie Babelio, Masse critique et les éditions Gallimard pour cette découverte
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L'Amérique du sud n'est vraiment pas mon terrain de jeu littéraire . Je ne parle pas un mot d'Espagnol, je ne sais pas à quoi peut ressembler un pisco sour ou un ceviche, mais ce polar historique chilien palpitant m'a passionnée. De l'auteur, j'avais déjà lu Zulu, qui m'avait retournée complètement avec ses personnages intenses et sa noirceur désespérée. Alors j'ai suivi Caryl Ferey avec confiance en terre inconnue, pour cette enquête dans le Chili, pas vraiment guéri de la dictature de Pinochet.

Il est vrai que le petit général en question, mort tranquillement dans son lit , fortement aidé par la CIA, dans l'opération Condor contre tout ce qui avait l'air d'être communiste en Amérique du Sud, a eu tout le temps de faire torturer, emprisonner et fusiller au nom d'un ordre établi méprisant l'humanité une bonne partie de la population de ce pays, et de causer des blessures durables aux descendants et survivants.

Ils sont tous à vif les personnages de Condor, marqués à vie par les prisonniers du stade , les charniers du désert d'Atacama, tous victimes de la DINA, la police politique du caudillo de l'Altiplano. Certains recherchent activement les responsables de la mort de leurs proches, comme Edward, l'ami d'Esteban l'avocat recruté par Gabriella, étudiante en cinéma, au nom des parents d'enfants retrouvés morts dans une favéla de Santiago, et dont la police n'a cure . En effet, l'autre mal dont souffre le Chili, ce sont les clivages sociaux très marqués, et les discriminations indignes dont sont victimes les peuples premiers amérindiens, et tous les pauvres relégués dans des quartiers sordides, à qui l'on refuse la justice.

C'est une histoire d'amour intense et tragique, qui rapproche Gabriella, jeune mapuche pauvre exilée loin de chez elle, et Esteban, l'avocat aux pieds nus, "des causes perdues", comme il dit, le gosse de riche qui trimballe son mal être de bar en bar, le rince dans des litres d'alcool et le couche dans les pages énigmatiques d'un conte poétique où son destin se mêle à celui des victimes du stade de Santiago. Il est l'anti héros par excellence celui qui risque sa vie à la recherche des coupables dans une affaire qui dérange les anciens tortionnaires et leurs complices, qui n'ont jamais été jugés pour leurs crimes. Résoudre l'affaire des enfants de la Victoria, c'est secouer un nid de frelons.

J'ai vraiment aimé cette histoire, où la lumière parfois arrive au détour d'une évocation, celle de la grand-mère chamane de Gabriella, laquelle a semble -t-il hérité de ce pouvoir issu de cette terre volcanique et du vent, pour être une sorcière cinéaste bienveillante au service de la vérité .
Je remercie sincèrement Babelio et Gallimard pour ce bon moment de lecture et l'occasion de rencontrer cet écrivain voyageur dans l'espace-temps.
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Avec Caryl Férey, le polar français prend l'air ! Après la Nouvelle-Zélande ( Haka ), l'Afrique du Sud ( Zulu ) et l'Argentine ( Mapuche ), il prend ici le pouls du Chili, encore terriblement marqué par la dictature Pinochet et les exactions de la junte militaire fachiste, et désormais vendu à l'ultralibéralisme et aux multinationales qui pillent les richesses nationales jusque dans les zones sensibles du désert de l'Aracama.
Si l'écriture est simple, c'est pour mieux s'effacer devant une intrigue brillante que Férey maitrise avec une science réelle de la narration et du rebondissement.
Tout part de la mort par overdose de plusieurs jeunes du quartier déshérité de la Victoria dans des circonstances étranges, des morts qui n'intéressent personne mais alertent Gabriela, jeune vidéaste mapuche rebelle et intrépide, qui se lance à corps perdu dans la découverte de la vérité. Les personnages sont un poil caricaturaux ( les méchants très méchants et les gentils vraiment héroïques ) mais on s'y attache terriblement. J'ai adoré celui d'Esteban, avocat à la fois chic et désespéré, tourmenté par le poids d'une famille richissime et le souvenir du musicien Victor Jara assassiné par la junte militaire. Très beau personnage également que le vieux projectionniste Stefano, ancien militant d'extrême-gauche, survivant de la torture post coup d'Etat contre Allende, prêt à reprendre les armes si besoin.
Un beau polar dense, complexe, ambitieux, militant et profondément humaniste.
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"Condor" de Caryl Férey - La Chronique Chili con carne !

Caryl Férey a une écriture argentée, ses mots brillent, ses phrases scintillent et ses romans rutilent. Et "Condor" n'échappe pas à la règle...

Chacun de ses livres est une merveilleuse leçon d'humanité, un cri lâché au milieu d'un monde à la dérive. Un écrivain à la plume Punk et nihiliste. Il y a peu d'espoir qui suinte de ses romans et pourtant on y trouve toujours de quoi respirer, suffisamment pour éviter l'asthme, suffisamment pour redresser la tête et poursuivre sa route vers notre firmament, la tête emplie de réflexions diverses, sur le sens de la vie, sur l'injustice, sur l'amour...

Écrivain bohème, artiste voyageur, Caryl nous dépayse à chaque nouveau bouquin. Après la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud et l'Argentine, c'est au tour du Chili de recevoir les coups de boutoir de l'homme. Un Chili qui après avoir survécu à 17 ans de dictature "Pinochetienne" (non ce mot n'existe pas... sigh) s'enlise dans un ultra-libéralisme meurtrier, une société corrompue, une plaie pour les pauvres hères qui se voient refouler à la périphérie des villes (ça vous rappelle quelque chose ?).

Caryl Férey a le don de créer des personnages auxquels on s'identifie très vite - la machine à empathie fonctionnant à plein régime - et qui imprègne notre âme de leurs gènes. Il y a un lyrisme, une poésie noire, une profondeur dans chacun de ses protagonistes.

Puisqu'on parle de poésie, Caryl Férey, en plein milieu de son intrigue, nous régale de mots sublimes, écorchés, dont le sens échappera probablement au profane (j'en suis un) mais dont la qualité orale est superbe. Après, à lire c'est abscons et pas la partie la plus passionnante du livre mais ça a le mérite de vous emmener ailleurs. Il qualifie cela de "poésie destroy" et c'est exactement ce que c'est. Pour l'anecdote il a travaillé cette partie pour en faire une lecture musicale avec Bertrand Cantat (le chanteur de Noir Désir), projet qui sera défendu sur scène.

Évidemment, il y a de la fureur et de la violence dans un polar de Caryl Férey, contrastée par de somptueuses histoires d'amour, de celles qu'on envie, de celles qui élèvent, de celles qui inspirent. Qu'elles soit vécues jusqu'au bout ou contrariées ces histoires apporte indéniablement un supplément d'âme, une touche de couleur dans un roman à la noirceur prégnante.

L'intrigue policière n'est pas en reste même si ce n'est pas le point le plus important du roman. Un air de western Léonien sur fond de société en déliquescence. Des scènes d'actions soudaines et définitives. Un roman alimenté par l'alcool, la drogue, un peu de sexe et surtout ce bon vieux Rock'n'Roll !
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A l'épisode démocratique d'Allende a succédé la dictature sanglante de Pinochet. Les profiteurs du régime tiennent le haut du pavé. Ils ont la mainmise sur l'économie grâce à la privatisation initiée par les Chicago boys et leurs trafics en tout genre qui privent le pays d'un développement normal et plongent une grande partie de la population dans la misère. Et comme si cela ne suffisait pas, avec le Plan Condor, leurs opposants sont systématiquement éliminés, quelquefois avec la complicité de démocraties occidentales. Aujourd'hui encore, alors même que les socialistes sont de retour au pouvoir, ces hommes, toujours influents, effacent le passé en réduisant ses témoins à un silence définitif.

Dans ce roman noir, politique et sentimental, les causes perdues du Chili sont défendues par une belle indienne mapuche, un avocat gosse de riches et un projectionniste gauchiste au grand coeur, les représentants emblématiques de l'opposition à un régime politique inique. Une courageuse bataille contre la précarité et l'insécurité sociales fruits du néolibéralisme sauvage, parfois désordonnée et vaine, dont le lyrisme du récit doit beaucoup à l'écriture instinctive de Caryl Férey.

Un grand merci à Babelio et aux Editions Gallimard pour cette lecture politico-policière.
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MASSE CRITIQUE SPECIALE
Merci à BABELIO et à l'éditeur GALLIMARD
________________________________________________________
J'ai aimé être au coeur de ce roman policier, traverser ainsi le CHILI et tenter de comprendre sa politique au combien corrompue voire plus qu'avariée.
Une petite touche d'amour entre les deux principaux personnages apporte une note romancée à ce récit noir et permet de sortir la tête hors de l'eau mais pour combien de temps ?
A découvrir.
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Des Bons et des (très) Méchants dans un western andin, à saveur de pisco sour*.

Des cadavres d'enfants dans le quartier populaire de la Victoria, une indifférence généralisée des institutions envers une population de miséreux, et quelques Justes qui se mobilisent pour que justice soit faite.
Des bas-fonds de Santiago puants de trafics de drogue et de pauvreté, aux beaux quartiers pourris de corruption, jusqu'aux hauts plateaux du désert de l'Atacama, la quête de vérité d'un jeune avocat de causes perdues et d'une belle Mapuche cinéaste se transforme en descente aux enfers pour sauver leur peau.

Fidèle à une technique littéraire qui a fait ses preuves, Caryl Ferey construit un thriller brutal, sur fond de géopolitique et de société. de même que dans Mapuche et ses fantômes de l'Argentine, les horreurs de la dictature chilienne sont en filigrane dans le passé des personnages et dans la mentalité du pays. La réalité contemporaine apparait dans ses difficultés de démocratie, dans la laborieuse réadaptation libérale après les années de plomb de Pinochet. L'auteur produit presque un livre de voyage, nous invitant à défaut de départ, à débusquer les paysages de ses descriptions très visuelles.

Pour tout cela, j'ai aimé, bien sur!
Mais avec une petite réserve: une sensation de "déjà lu" après Mapuche et une trame romanesque très semblable, entre une histoire d'amour, une plongée dans un passé politique traumatisant et une approche de minorité ethnique.
Mais coup de chapeau pour la construction du récit, le rythme soutenu de l'intrigue et la documentation associée.
Un roman très noir et palpitant qui se lit avec addiction.

* un délice! Pisco, citron vert, sirop de canne, blanc oeuf battu et Angostura, le tout sur glaçons.
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Plus je lis les romans de Caryl Férey, plus je suis déçue.

J'avais beaucoup aimé "Zulu", beaucoup moins "Mapuche", j'ai néanmoins poursuivi avec "Condor", parce que ce qui concerne l'Amérique latine m'intéresse, mais ce n'était pas une bonne idée. J'ai eu l'impression de lire la variante chilienne de "Mapuche" (qui se déroulait en Argentine), une sorte de copié-collé de la recette précédente avec quelques ingrédients modifiés.

Ainsi nous avons Gabriela, une jeune vidéaste d'origine mapuche (qui n'est autre que la soeur de Jana, l'héroïne de "Mapuche", c'est dire si on va chercher loin), issue d'un milieu pauvre ; et Esteban, quarantenaire de la bonne et très riche société de Santiago, avocat rebelle qui crache dans la soupière en argent massif de ses origines et met un point d'honneur à ne défendre que les causes perdues. Ces deux-là n'étaient a priori pas destinés à se rencontrer. Sauf que, dans un quartier déshérité de la capitale dans lequel vivent des amis de Gabriela, quatre gamins ont été retrouvés morts en l'espace d'une semaine, sans que la police ne daigne s'investir dans un semblant d'enquête. Devant l'injustice, Gabriela fait appel à son ex-amante et femme politique, qui la met en contact avec Esteban. Voilà nos deux héros (bientôt amoureux, évidemment), qui se lancent dans une enquête où se mêlent trafic de drogue, corruption, enjeux économiques et exploitation illégale de ressources naturelles, sur fond de relents nauséabonds de la dictature.

Comme dans "Zulu" et "Mapuche", c'est un déchaînement de violence dans lequel les vies humaines ne valent rien, et les cadavres ne tardent pas à s'amonceler.

Point positif : le contexte chilien est plutôt bien documenté : Allende, Pinochet, le coup d'Etat piloté par les USA, la torture, l'opération Condor, Victor Jara, le triste sort des populations autochtones, la crise économique et sociale, l'héritage de la dictature, le coût exorbitant des études universitaires, la victoire à la Copa América de 2015,... ça brasse large et pêle-mêle, mais si l'on n'a jamais rien lu sur le Chili, c'est instructif.

Points négatifs : si on a déjà lu "Mapuche", ça sent le réchauffé, sans compter la même accumulation de stéréotypes et l'écoeurement face à cette débauche de sang. J'ai trouvé cette histoire peu vraisemblable avec toutes ces coïncidences de tortionnaires et de torturés qui se retrouvent par hasard 40 ans après et qui en profitent pour régler leurs comptes. Je me suis souvent perdue dans les méandres de cette enquête multiple qui, à force de détours, devient ennuyeuse, en dehors de quelques épisodes plus rythmés. Et pourquoi cette histoire d'amour d'une mièvrerie de bisounours, teintée en prime de chamanisme rédempteur ? Mais en ce qui me concerne, le plus indigeste, c'est le style. Cela m'avait déjà agacée dans "Mapuche", mais décidément je n'aime pas du tout ce pseudo-lyrisme, cette "poésie" : la prose prétentieuse de Férey et ses métaphores douteuses m'ont définitivement convaincue de ne plus lire ses bouquins.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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