Il n'y a pas de hasard, qu'une concordance de temps.
L'amitié, ce vieux soleil qui lui réchauffait les os.
- Il est bizarre ton perroquet.
Esteban se tourna vers le volatile : encore à faire le guignol...
- Ce n'est pas le mien, dit-il depuis la cuisine, mais celui d'une copine qui l'a laissé là en gage.
- Ah...C'est un mâle ou une femelle ?
- Hum, dit-il en jaugeant la bête, il est tellement con qu'à mon avis c'est un mec.
Les pierres parlent ou chantent quand, dévalant les sommets, le souffle gelé des Andes les polit en mordant l'éternité. Usures dynamiques, telluriques, primitives, c'est le vent qui dicte et façonne en architecte capricieux l'inclinaison du temps. Tout est immobile dans le grand désert du Nord, immanent.
Il avait cru à un monde plus généreux: aujourd'hui, l'idée même de partage semblait obsolète. Les gens ne connaissaient plus le nom des arbres, des fleurs ou des écrivains, mais pouvaient citer des centaines de marques de vêtements, de sportifs, de sodas... L'être ou l'avoir, un vieux débat qu'il n'en finissait plus de perdre.
« L'ambiance était électrique Plaza Italia. Fumigènes, musique, chars bariolés, les hélicoptères de la police vrombissaient dans le ciel, surveillant d'un œil panoptique les vagues étudiantes qui affluaient sur l'artère centrale de Santiago.
Gabriela se fraya un chemin parmi la foule agglutinée le long des barrières de sécurité. Elle avait revêtu un jean noir, une cape de plastique transparent pour protéger sa caméra des canons à eau, de vieilles rangers trouvées aux puces, le tee-shirt noir où l'on pouvait lire : « Yo quiero estudiar para no ser fuerza especial* » : sa tenue de combat.
C'était la première manifestation postélectorale mais, sous ses airs de militante urbaine, Gabriela appréhendait moins de se frotter aux pacos – les flics – que de revoir Camilla.
Elles s'étaient rencontrées quelques années plus tôt sous l'ère Pinera, le président milliardaire, lors de la révolte de 2011 qui avait marqué les premières contestations massives depuis la fin de la dictature. Ici l'éducation était considérée comme un bien marchand. Chaque mensualité d'université équivalait au salaire d'un ouvrier, soixante-dix pour cent des étudiants étaient endettés, autant contraints d'abandonner en route sauf à taxer leurs parents, parfois à vie et sans garantie de résultats. À chaque esquisse de réforme, économistes et experts dissertaient sans convoquer aucun membre du corps enseignant, avant de laisser les banques gérer l'affaire – les fameux prêts étudiants, qui rapportaient gros. »
(*« Je veux étudier pour ne pas faire partie des Forces spéciales »)
Ils avaient privatisé la santé, l’éducation, les retraites, les transports, les communications, l’eau, l’électricité, les mines et puis ils avaient privatisé la Concertation.
Avec l'hiver, Catalina avait le sourire du vent et les yeux de la pluie.
Nous somme si accoutumés à nous déguiser aux autres qu'enfin nous nous déguisons à nous-mêmes.
[La Rochefoucauld]
- Bob, un rasta qui traîne à La Piojera : il est les deux... Je te préviens, ajouta le policier d'un air badin, il est assez con.
- Quel genre ?
- C'est le seul rasta noir pro-Pinochet que je connaisse.
- C'est possible, ça ?
- Au Chili, oui.