Pour ma première lecture de
Sonja Delzongle, j'ai jeté mon dévolu sur
Cataractes. Non pas celles des yeux, mais celles des chutes d'eau, abruptes et violentes.
Dans ce roman, l'autrice nous emmène en Serbie, le pays de sa mère.
Kosta a 3 ans lorsque son petit village des Balkans disparaît sous une coulée de boue, ne laissant pour seul vestige qu'un lac. Seul survivant de la catastrophe, élevé par ses grands parents, il en garde un traumatisme bien compréhensible.
40 ans plus tard, hydrogéologue réputé, marié et père de famille, il a refait sa vie à Dubaï, quand il est rappelé dans la vallée de son enfance par un ancien camarade d'études.
Vladimir est en charge de la centrale hydro-électrique située sur le lac artificiel au fond duquel repose Zavoj, le village natal de Kosta. Mais aujourd'hui, c'est la vallée entière qui est menacée par la fragilité apparente de la centrale. D'autant que des phénomènes étranges semblent se multiplier dans la vallée, à l'ombre de Babin Zub, la Dent de la Vieille, la montagne qui couve la région.
Sonja Delzongle ne sera certainement pas citée en exemple par l'office du tourisme serbe : on ne peut pas dire qu'elle nous trace un tableau particulièrement attractif de cette région des Balkans ; je n'ai pas vraiment envie d'aller y passer mes vacances !
En revanche, en terme de création et de description d'ambiance, elle est excellente.
Le roman s'ouvre sur la catastophe de Zavoi, et est particulièrement difficile à lire. C'est un cataclysme qui ouvre le roman, nous sommes prévenus : ce ne sera pas tout beau, tout rose.
La montagne, envahie par la « magla », cette brume impénétrable, nous cache opportunément tout ce qu'on ne doit pas voir. C'est froid, humide, glauque. L'autrice joue avec nous, nous délivrant ce qu'elle souhaite en nous dissimulant ce qui l'arrange.
Cataractes : finalement, nos yeux sont peut être concernés eux aussi, notre vision rendue floue, voilée, brouillée non par la maladie, mais par la volonté de l'autrice.
Les « vieux » du roman prétendent la montagne hantée par le Diable, et on veut bien les croire.
Entre des activistes écologiques qui semblent avoir basculé dans la violence, des comportements étranges et belliqueux chez les employés de la centrale, une source empoisonnée, des moines disparus, un asile d'aliénés sorti de nulle part, et Djol, le protecteur de la source, l'homme des montagnes qui autrefois sauva le petit Kosta…
L'autrice multiplie les pistes et les intrigues dont on a bien du mal à percevoir toutes les ramifications. J'ai mis très longtemps à comprendre où elle nous menait. L'ensemble est très bien pensé, très bien construit, à l'image de cette fin que je n'attendais pas, mais que je comprends, dans la lignée totale du reste du roman.
Difficile de parler plus précisément de ce roman sans risquer d'en révéler trop, ce qui serait bien dommage. Une seule chose à dire : lisez-le. de mon côté, je n'avais jamais rien lu de pareil.