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EAN : 9782253243434
168 pages
Le Livre de Poche (30/08/2023)
  Existe en édition audio
4.23/5   2430 notes
Résumé :
Ce soir-là, quand Liam rentre des forêts montagneuses où il est parti chasser, il devine aussitôt qu’il s’est passé quelque chose. Son petit garçon de cinq ans, Aru, ne l’attend pas devant la maison. Dans la cour, il découvre les empreintes d’un ours. À côté, sous le corps inerte de sa femme, il trouve son fils. Vivant. Au milieu de son existence qui s’effondre, Liam a une certitude. Ce monde sauvage n’est pas fait pour un enfant. Décidé à confier son fils à d’autre... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (473) Voir plus Ajouter une critique
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sur 2430 notes
°°° Rentrée littéraire 2022 # 48 °°°

« En ce temps-là on était des loups et les loups étaient des hommes, ça ne faisait pas de différence on était le monde. C'est pour ça que je vis  : toucher du doigt, du bord du coeur le territoire sauvage qui survit en moi et quand les loups hurlent dans la montagne, je sais que je ne suis pas seul. »

Le narrateur, Liam, homme des bois et trappeur, a décidé de vivre à l'écart du monde humain. D'un retour de chasse, il découvre sa compagne tuée par un ours. Leur fils de cinq ans, Aru, a survécu. Liam ne sait pas quoi faire de cet enfant qu'il ne comprend pas et qu'il considère comme un poids pour vivre selon ses souhaits autarciques et misanthropes, un enfant qui lui rappelle sans cesse la mort de celle qu'il adorait. Va-t-il le garder auprès de lui, s'y attacher et l'inscrire dans sa vie, l'abandonner ou même pire ? C'est l'enjeu de leur chevauchée dans des grands espaces de forêts et lacs qu'on imagine être dans les Appalaches ou le grand Nord canadien.

«  En vrai c'est la lueur éperdue dans ses yeux bleus qui me rend dingue, cette lueur qui me cherche simplement pour s'accrocher à moi, pour que j'ouvre une brèche une possibilité la largeur des mes bras et cette quête-là, cette prière muette je n'y arrive pas il peut toujours rêver. La seule chose qu'il demande le gosse c'est un peu de tendresse un truc comme ça. Il ne le dit pas c'est invisible sauf que c'est tellement là que l'air en frissonne, et je sens les vibrations vers moi que je repousse d'un geste de la main et je voudrais lui dire que ce n'est pas la peine, la tendresse je n'en ai pas du tout ou pas pour lui, on n'est plus que deux et ce n'est pas pour ça que je vais me rabattre sur lui. »

Pour porter le cheminement de Liam, Sandrine Collette a choisi un long monologue à la langue primitive et viscérale. Les phrases sont rugueuses, très peu ponctuées. On se fond totalement dans l'intériorité de Liam. On découvre ces pensées dans un flux désordonné qu'il s'emballe, rumine. Liam dit ce qu'il pense, ce qu'il fait. On l'entend littéralement parler tant l'oralité de sa langue est parfaitement retranscrite. L'écriture épurée de l'autrice surligne la force émotionnelle qui se dégage du récit, ce qui rend la lecture intense. Liam est animé par des pulsions destructrices qu'il livre sans filtre au lecteur ( souvent déstabilisé par la violence des propos ) dans une urgence prégnante.

Derrière son décor de roman américain où la nature rude semble indifférente aux combats des hommes pour survivre, plus le récit avance plus il se rapproche de la structure archétypale du conte : des épreuves pour les héros, ici le père et son fils, une forêt, un ogre. Un conte très sombre qui résonne de thématiques contemporaines en questionnant sur la paternité, sur l'instinct paternel.

Liam, c'est l'antipode du père de la Route ( chef d'oeuvre de Cormac McCarthy ). Lui a eu une enfance terrible, on ne lui a pas appris la tendresse. La tension est permanente avec son enfant qui le suit terrifié, tout peut basculer d'un moment à l'autre. Comme toujours chez Sandrine Collette, la famille est le premier lieu de la relation à l'autre, qu'il s'agisse d'amour ou de domination. Rester humain est un combat contre la bête tapie en soi.

Une nouvelle fois, je suis totalement séduite par le travail formel de Sandrine Collette tout autant que par sa capacité à décrire la fragilité de l'être humain avec une âpreté incisive capable de faire surgir de la poésie et de l'émotion. Ce roman initiatique se lit avec les tripes et le coeur. Décidément un de mes auteurs français préférés, cela se confirme.
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Vivant dans la montagne, à l'écart du monde, Liam poursuit un loup qui a eu l'audace de venir rôder autour de ses enclos. En rentrant de cette chasse, il s'attend à voir émerger son fils de cinq ans, courant les bras écartés et les yeux pétillants vers lui. A la place, il retrouve sa femme inerte, à même le sol, couverte de sang et de griffures d'ours. Où est son fils ?

« On était des loups » emmène le lecture en pleine nature, sur une montagne aussi belle qu'impitoyable, en compagnie d'un homme qui a choisi de vivre en marge de la société. Même là, il évite de passer trop de temps auprès de sa femme et connaît à peine ce fils qu'il n'a pas vraiment vu grandir, trop occupé à vivre comme une bête au milieu de ses montagnes.

« On était des loups » invite à partager les pensées de ce chasseur qui se retrouve seul avec un gamin dont il ne s'est jamais occupé. Dans sa tête, c'est le chaos total, d'abord des questions logiques… Comment lui expliquer pour sa mère ? Comment élever un gamin seul dans un environnement aussi hostile ? Qui s'occupera du petit quand il ira chasser ?… puis des pensées plus horribles… Faut-il l'abandonner ? le tuer ?

« On était des loups » est l'histoire dans un homme qui n'a pas les qualités requises pour être père, ni l'envie de l'être. Un roman sur le deuil et sur la paternité qui invite à suivre les pas d'un homme sur le chemin montagneux qui le conduira vers son humanité.

À chaque roman de Sandrine ColletteEt toujours les forêts », « Les larmes noires sur la terre »), il me faut toujours un peu de temps pour m'habituer à son style, mais après quelques pages…BAM…me voilà entouré d'une tension palpable, capturé par le flux des pensées de cet homme certes taiseux, mais dont elle déroule les sentiments à la première personne grâce à de longues phrases quasi dénuées de ponctuation. le lecteur se retrouve ainsi en apnée, dans la tête de ce personnage dévoré par le chagrin et horrifié par la tâche inhumaine qui l'attend : devenir père !

Mon deuxième coup de coeur de la rentrée littéraire après « Arpenter la nuit » de Leila Mottley.
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Chante avec les loups ❤️
« … et je sens sa main dans la mienne soudain une toute petite main chaude et je sais que c'est ce que j'ai de plus précieux au monde ».
Quelle est forte Sandrine Colette. Quelle émotion en refermant ce livre ! Cette relation entre un père aimant mais rustre qui n'a pas les codes de la paternité et son petit garçon de cinq ans noue la gorge. L'authenticité des personnages est tellement touchante.
Liam vit dans la montagne retiré du monde avec sa femme Ava et son fils Aru. Traquer, chasser, dépecer, tanner, forger, dormir à la belle étoile dans une liberté absolue c'est son quotidien, une vie à l'état sauvage qui n'est pas faite pour un môme, c'est pourquoi ce gosse, il n'en voulait pas. Ce trappeur vit auprès des animaux en pleine nature « pour toucher du doigt, du bord du coeur, le territoire sauvage qui survit en moi… ». Un soir à son retour il retrouve sa femme morte. Vide immense, désarroi. La colère le submerge. Il se retrouve seul avec son fils et sait qu'il n'a pas les qualités requises pour être père. On suit ses errances et celles de son petit au coeur de la nature sauvage et inhospitalière où le peu d'hommes que l'on croise sont plus dangereux que les loups.
Lentement on assiste à la naissance d'un père, on voit la part d'humanité de Liam prendre le dessus sur sa part d'animalité. Ce livre interroge sur la place de l'homme dans la nature et au sein de la famille, c'est un magnifique roman sur la survie, la liberté et les grands espaces où vastes forets et grands lacs défilent en fond d'histoire. C'est surtout un roman sur le refus de la paternité, l'instinct paternel. On suit le cheminement intérieur de Liam vis à vis de ce fils qu'il aimait jusqu'à présent « de loin ».
Il est écrit avec les tripes.
La tendresse ici ne s'exprime pas, ne se montre pas ou maladroitement mais l'attachement est fort. Leur entente tacite, leurs regards complices, les mots et pensées abruptes de ce père conscient de ne pas savoir y faire bouleversent.
Les événements lui donneront raison c'est pas un endroit pour un môme. Dans leur solitude réciproque père et fils vont pourtant s'apprivoiser, s'entraider et peut-être trouver enfin leur juste place…
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Tailler dans la pierre un coeur de père…

Que j'aime les auteurs dont les écrits retranscrivent sans filtre les pensées, les émotions les plus personnelles et intimes, comme si nous étions, nous lecteurs, branchés directement sur le cerveau et l'âme du protagoniste nous prenant plus directement aux tripes et au coeur. le maître en la matière, à mes yeux, est le grand Antonio Lobo Antunes dont une phrase, sans aucune ponctuation, peut faire tout un chapitre à elle seule. Lire à voix haute permet alors de trouver le fil sur lequel tirer pour faire de ces méandres complexes, mélopée sauvage et brouillonne, un récit plus clair, hypnotisant et percutant. C'est tout simplement captivant et permet de voir que nous pensons sans arrêt, sans point ni virgule, passant très souvent du coq à l'âne. C'est tout simplement touchant car nous n'avons pas l'image que veut renvoyer le personnage en communiquant avec d'autres personnes, nous avons sa mise à nu, brute et sans masque.
Sans aller jusqu'à cette extrémité, Sandrine Collette nous livre avec « On était des loups » le poignant monologue d'un homme taiseux et taciturne, Liam. Et nous trouvons ainsi un écrit structuré à l'aune des pensées les plus viscérales qui surgissent, des émotions qui affleurent, même les plus inavouables, une langue rugueuse, intime, primitive, aux mots entrechoqués, aux mots parfois crus, aux mots toujours sincères. Aux mots poétiques aussi.

« Pour l'instant le bleu de ses yeux ressemble à une tâche de myrtille sauvage, celles qui couvrent les sous-bois au début de l'été et que je rapport à Ava pour qu'elle les mette en bocaux ».


Ce soir-là, quand Liam rentre des forêts montagneuses où il est parti chasser et traquer un loup qui rôde autour de la maison, il devine aussitôt qu'il s'est passé quelque chose. Son petit garçon de cinq ans, Aru, ne l'attend pas devant la maison comme d'habitude. D'habitude, le petit l'attend et dévale la pente pour se jeter dans ses bras, rare moment de connivence avec cet enfant qu'il ne connait pas vraiment, sa femme Ava s'en occupant exclusivement. D'ailleurs, la maman également est absente, pas là à biner, à jardiner. Personne. Dans la cour, il découvre les empreintes d'un ours. À côté, sous le corps inerte et ensanglanté de sa femme, il trouve son fils. Vivant. Au milieu de son existence qui s'effondre, Liam a une certitude. Ce monde sauvage, cette montagne aussi majestueuse qu'impitoyable, n'est pas fait pour un enfant, ce d'autant plus qu'il se sent incapable de s'en occuper. Décidé à confier son fils à d'autres que lui, à son oncle et à sa tante qui sont à six jours de marche, il prépare un long voyage au rythme du pas des chevaux. le voyage ne se passera pas du tout comme prévu. le voyage se fera initiatique, lente chevauchée que l'on croirait presque épopée américaine tant la nature est imposante et défile au fil des trots des deux chevaux. Un territoire sauvage que Liam aime profondément.

« C'est pour ça que je vis ici, pour toucher du doigt, du bord du coeur, le territoire sauvage qui survit en moi et à ces moments-là quand les loups hurlent dans la montagne je sais que je ne suis pas seul ».


Sandrine Collette retranscrit avec intelligence les sentiments de ce père qui ne sait pas faire, qui a du mal, ayant lui-même subi une enfance marquée du sceau de la violence et de l'absence d'amour, nous vivons l'évolution de ces sentiments au fur et à mesure du récit. Ces ressentis sont, de plus, analysés à l'aune de sa douleur du moment, à l'aune de ce deuil terrible, Liam est fou de rage et de douleur. L'auteure nous raconte la façon dont il passe de géniteur à père. Tout n'est pas blanc ou noir en matière de sentiments intimes, nous voyons sans cesse les tiraillements entre un amour viscéral pour son enfant, amour qu'il ne sait pas accueillir et le désir de ne plus l'avoir avec lui ce môme inutile, au point même d'avoir des envies horribles et inavouables. Et que ces moments durant lesquels Liam tente maladroitement de se rapprocher de lui sont troublants…

« En vrai c'est la lueur éperdue dans ses yeux bleus qui me rend dingue, cette lueur qui me cherche simplement pour s'accrocher à moi, pour que j'ouvre une brèche une possibilité la largeur de mes bras et cette quête là, cette prière muette je n'y arrive pas il peut toujours rêver. La seule chose qu'il demande le gosse c'est un peu de tendresse un truc comme ça. Il ne le dit pas c'est invisible sauf que c'est tellement là que l'air en frissonne, et je sens les vibrations vers moi que je repousse d'un geste de la main et je voudrais lui dire que ce n'est pas la peine, la tendresse je n'en ai pas du tout ou pas pour lui, on n'est plus que deux et ce n'est pas pour ça que je vais me rabattre sur lui. »

Qu'il semble rustre Liam, qu'il semble taciturne, taiseux, animal, violent. le type d'homme que nous n'aimerions pas rencontrer. Et pourtant il m'a touché aux larmes. D'une part par ce qu'il a subi enfant et qui explique ses maladresses. Il a d'ailleurs bien conscience de répéter peut-être le même schéma familial. D'autre part, car il sait voir et ressentir ce que la plupart d'entre nous ne savent plus voir et ressentir, cette osmose avec la nature. Ce tout formé avec les éléments, la faune et la flore, que Sandrine Collette narre avec une intelligence et une sensibilité surprenantes qui a fait vibrer une corde en moi.

« le chant des loups nous appelle parce que c'est notre chant et aussi loin qu'on puisse remonter il y a l'éclat d'un animal en nous, c'est pour ça que ça m'émeut et que des larmes viennent brûler le bas de mes yeux. Ce n'est pas du chagrin c'est une émotion profonde viscérale racinaire et ceux qui ne ressentent pas ça ils ont tout oublié, ce sont des gens déjà morts ».


Le livre n'est ni moralisateur, ni manichéen. L'amour paternel de ce loup solitaire est approché à petits pas avec nuances. le récit est d'une rare humanité dans toute son animalité. Ces élans d'amour dont certaines personnes ne savent que faire, dont elles ont un peu honte, qu'elles gâchent sciemment en les transformant en brutalité, indifférence feinte, vulgarité sont présents dans ce livre, palpables au point de résonner en nous et peut-être de mieux comprendre l'autre dans son impulsivité. Des formes d'amour refoulées, mal gérées que Liam va apprendre petit à petit à montrer, à canaliser, à extérioriser alors que la présence de l'enfant met à jour ses propres failles.

Et que dire de cet enfant, Aru, aussi blond que le père est brun, dont les yeux bleu ciel semblent refléter la pureté, l'innocence que le père n'a jamais connue. Un enfant qui a perdu sa mère et qui se retrouve seul avec ce père si inquiétant, si peu rassurant. Un enfant terrifié, pétri de culpabilité contenue, pourtant courageux, confiant, qui va faire de son père, un vrai père. Cet enfant-là, je dois l'avouer, m'a fait briller les yeux à de multiples reprises dans sa façon d'être, sa façon de s'adapter à ce père singulier, et sa manière de venir panser la blessure intime de Liam, ses multiples et profondes failles. C'est lui ce petit bout d'homme qui va savoir tailler dans la pierre un coeur de père.

« Il y a des jours où je sens avec une force infinie que c'est le même qui fait de moi un homme je veux dire avec de l'humanité et pas seulement une machine vivante ».
Finalement n'est-ce pas là l'effet que font les enfants à leurs parents le plus souvent, de devenir des hommes et des femmes avec de l'humanité, pas seulement des machines vivantes, de devenir meilleur ? Et de pouvoir se dire alors que l'enfant fait de nous ce que nous devons peu à peu : « Les choses sont à leur place, je crois ».


Une lecture haletante sur une relation père-fils particulière dans un décor majestueux, une lecture qui se veut universelle sur la construction identitaire qui se joue entre parents et enfants, une lecture salvatrice profondément humaine permettant de mieux comprendre l'autre, dans toute sa fragilité et sa noirceur. L'écriture de Sandrine Collette est sublime et arrive à dégager une étonnante poésie, une poésie farouche, malgré la rudesse, la rugosité, l'âpreté du récit, beaucoup d'émotions malgré la noirceur. Un combo inoubliable !
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Le narrateur Liam vit loin du monde, dans une région de montagnes et de forêts encore sauvages, où il subsiste de la chasse et de la trappe, laissant seuls à la maison, pendant ses longues et très fréquentes absences, sa compagne Ava et son fils de cinq ans, Aru. Mais un jour, l'attend à son retour le corps sans vie de la jeune femme, tuée par un ours dont elle a juste pu protéger l'enfant. Déchiré entre son rôle de père et la gageure d'élever seul un bambin dans l'isolement de ces contrées inhospitalières, l'homme décide de se séparer de son fils et s'engage avec lui dans un périple dont les péripéties vont pourtant s'acharner à contrecarrer ses plans…


D'emblée, l'on pense à John Haines, le poète et écrivain américain qui, lui aussi, choisit la solitude dans une nature âpre et sauvage – dans son cas, l'Alaska –, subsistant en quasi autarcie de la pêche, de la chasse et de la trappe au rythme de tâches éprouvantes et physiques, la moindre négligence l'exposant à d'imparables dangers si loin de tout secours. Mais, contrairement à l'auteur du récit Les étoiles, la neige, le feu, le personnage imaginé par Sandrine Collette est un homme rustre, issu de la misère et de la maltraitance, qui, tel un loup quittant la meute, n'a trouvé de salut qu'en fuyant ses congénères, leur méchanceté et la rage qu'elle déclenche en lui.


Sous ces dehors brutaux, cet homme, que l'on pourrait dire revenu à une forme de primitivité presque animale dans sa vie toute entière consacrée à la simple subsistance en milieu naturel, est en vérité étranger, contrairement à bon nombre de ses semblables « civilisés », à toute forme de cruauté gratuite. Lui ne se comporte en loup que pour survivre et se nourrir. Et s'il fait d'abord montre d'une dureté extrême, tout en se résolvant à un choix impossible, en ce qui concerne son fils, c'est dans un réflexe de défense paniquée, leur dépendance mutuelle les mettant gravement en péril l'un comme l'autre. Au final, le contact des hommes s'avérera au moins aussi dangereux, en tous les cas plus cruel, que celui des fauves, ouvrant la question de qui sont vraiment les plus inhumains et les plus bestiaux…


Epousant, sans filtre ni apprêt, l'écoulement désordonné des pensées de ce taiseux sans éducation qu'est Liam, plus prompt à l'action instinctive qu'à l'introspection et à l'expression de ses sentiments, le récit court au rythme saccadé de phrases tantôt hachées et incomplètes, tantôt sinuant en un fleuve à peine ponctué de virgules, dans une langue dont l'aspect cru et fruste n'exclut pas une certaine poésie. Ainsi introduit dans la tête du personnage, au plus près de ses ressentis, le lecteur n'en est que plus happé par une de ces narrations haletantes dont Sandrine Collette a le secret, et qui, dans nombre de ses romans, resserre sa spirale autour de proies et de prédateurs lancés dans une traque éperdue.


C'est avec le plus grand plaisir que l'on suit l'auteur dans cette nouvelle exploration réussie de ses thèmes favoris, « à la frontière entre humanité et animalité », comme elle l'explique elle-même, et, toujours, dans le cadre inquiétant d'une nature aux beautés âpres et écrasantes.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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critiques presse (8)
Culturebox
05 janvier 2023
La romancière nous plonge dans les pensées de ce personnage tout au long d'un périple qui va le ramener vers son fils, et par la même occasion vers une version plus humaine de lui-même.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Bibliobs
22 décembre 2022
Un père chasseur et son fils de 5 ans errent, à cheval, dans un monde sans pitié. Un roman puissant et magnétique.
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Culturebox
02 décembre 2022
Un roman initiatique violent qui se lit avec les tripes. Et le cœur.
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Lexpress
02 décembre 2022
On reste sidérés par la maîtrise de Sandrine Collette, aussi apte à camper la nature qu'à décrypter la complexité des relations humaines.
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LaCroix
21 novembre 2022
Prix Giono et Renaudot des lycéens 2022, ce conte inquiétant est d'abord un style, celui, magnifique et hanté, de Sandrine Collette, avant d'être l'histoire d'une fuite sans but d'un père et son fils.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeMonde
19 septembre 2022
Ecrivaine contrariée, c’est à la quarantaine qu’elle s’est lancée. Des romans, noirs puis assez inclassables. Du fin fond du Morvan, elle explore désormais les relations difficiles des humains entre eux et avec la nature, comme dans « On était des loups ».
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeFigaro
06 septembre 2022
Un beau roman sur le deuil et la paternité.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Culturebox
05 septembre 2022
La romancière Sandrine Collette publie "On était des loups", un roman d'une rare intensité, qui met en scène un homme se retrouvant seul avec son petit garçon dans une nature sauvage.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (324) Voir plus Ajouter une citation
Je suis en colère contre la terre la vie le monde, et le monde je jure je lui ferai la peau. La peau du monde je la tendrai sur un cadre, je la raclerai jusqu'à la dernière miette de sa chair et je l'exposerai devant chez moi pour que l'on sache ce qui se passe quand on me fait du mal. La peau du monde ce sera mon trophée, je la brandirai comme on brandit un crâne, je l'assécherai comme on sèche un cœur ce sera un lambeau une squame une toile et sur cette toile je réécrirai quelque chose avec le sang de mes veines avec le sang de ma haine, la peau du monde ce sera mon vêtement. Je lui marcherai dessus je la piétinerai jusqu'à ce qu'elle rende son dernier souffle, je lui dirai qu'il ne fallait pas – il ne fallait pas me prendre ce que j'aime et maintenant nous sommes là elle et moi ça ne rime à rien, nous sommes là elle et moi il faut bien que les choses adviennent mais ce qu'elle doit comprendre avant tout c'est que c'est moi qui décide et c'est moi qui choisis, et dans cette folie qui me prend je revois la carte chez l'épicier et sur la carte le lac que je ne connais pas et c'est là que j'irai parce que je fais ce que je veux. Parce que le blanc de mes yeux est rouge et ce n'est pas le chagrin, c'est la rage et je sais que je ne réfléchis plus vraiment, c'est cette fureur qui me porte il y a des étincelles dedans ma tête, des soleils devant mon regard et ça m'aveugle et je n'ai plus besoin de voir. Alors je continue la route comme j'avais dit et je presse mon cheval. Là où je vais il y aura bien une solution, une réponse, quelque chose. Si je me trompe je continuerai à marcher en brûlant le monde, derrière moi il n'y aura que des cendres et des enfants qui pleurent et moi je rirai de ces terres calcinées de ces vies qu'on saccage, et je chanterai plus fort pour ne pas entendre les cris et je gueulerai à m'en casser la gorge, la peau du monde ce sera ma vengeance.
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C’est un pays que j’aime, un pays où chaque jour est tellement grand qu’on peut se perdre sans cesse et les routes sont des pointillés qui s’effacent. Parfois d’un côté il y a un paysage et de l’autre côté ça n’a rien à voir, et avant une forêt il y a un décor et après la forêt tout est différent. Ce pays-là personne ne le connaît entièrement et si quelqu’un essayait de le faire de toute façon ça changerait tout le temps, ce territoire ne veut pas qu’on sache qui il est ni comment il se renouvelle c’est sa force. Dans les grands bois on crée des chemins d’exploitation pour les coupes d’arbres et l’année d’après la nature a tout brouillé et les pistes forestières ont disparu, c’est ce que racontent les gars qui y travaillent. Moi je pense que ce n’est pas du hasard.
Je sais que c’est vrai parce que dans la montagne aussi il y a des choses comme ça et je dirais que c’est plus subtil, c’est la nature qui efface les traces des hommes. C’est comme si elle nous détestait, la nature, et dès qu’on fait quelque chose elle tend à le détruire pour reprendre tout l’espace. On croirait qu’il n’y a pas de place pour elle et nous, il y en a un de trop là-dedans. Au début je me rappelle Henry disait que la nature a horreur du vide alors elle le comble c’est tout mais à mon avis c’est bien davantage. Ce n’est pas qu’elle le comble, elle ne se contente pas de remplir les vides. Si c’était simplement ça, dans le monde il y aurait des œuvres à elle et à côté des œuvres à nous et ainsi de suite. Or j’en ai vu des maisons ou des villages désertés par les hommes, et je peux affirmer qu’en quelques années ils se font dévorer par les herbes et les lianes et les arbres. J’en ai traversé des ruines comme ça et la façon dont la nature monte à l’assaut de nos constructions ça n’est pas juste pour venir se coller tout contre elles : c’est pour les engloutir, c’est ni plus ni moins ce qu’un boa constrictor fait avec un lapin c’est exactement l’idée que j’en ai. La nature si elle peut, elle nous bouffe.
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J‘aime bien les dessins d’Anna, elle en accroche sur les murs chez eux et même si c’est pour les gosses des fois je les regarde pendant longtemps longtemps. Enfin je n’ai pas souvent l’occasion parce que ici évidemment on ne se voit pas beaucoup on ne se reçoit pas comme les gens de la ville, on est trop loin les uns des autres et surtout on veut qu’on nous foute la paix on est heureux comme ça. C’est quand même pour ça qu’on est tous là au bout de nulle part. Si c’est pour avoir la même vie que si on était en ville ça ne valait pas la peine d’aller se perdre dans la montagne, et si le matin en regardant le soleil se lever j’avais des voisins qui le regardaient aussi en bas de chez moi, ou juste à côté je l’aurais mauvaise. [ ... ]
C’est une drôle de vie il paraît qu’à la télévision ils font des émissions sur des types comme nous, je n’en sais rien on n’a pas la télévision. Bon sang si des journalistes me léchaient le cul toute la journée pour voir ce que je fais je ne supporterais pas, et je ne comprends pas que les gars qui habitent ici pour être tranquilles puissent signer pour ça. Bref la majorité des gens ne vivent pas comme nous et c’est tant mieux sans quoi il y en aurait trop dans la montagne et on irait où je me demande. 26
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Aru ne dit rien de la matinée. Je suis de mauvaise humeur. Je le prends mal son silence, j'ai l'impression qu'il m'accuse de quelque chose. Quand on repart de la pause de midi et que je le monte sur le cheval je croise son regard et c'est plus fort que moi c'est la hargne de tout ce qui ne se passe pas comme je veux et je lui dis quoi tu voulais rester là-bas avec eux c'est ça. J’ai aboyé et il se raidit, je vois la peur dans ses yeux et puis le chagrin mais là je ne suis pas disposé. J’enfourche Dark et on se met en route on fait la gueule tous les deux, je préfère penser qu'il fait la gueule et pas qu'il chiale dans mon dos, je n'aime pas quand il pleure.
Même le soir on ne s’est pas pardonné on mange du bout des dents sans parler et le matin d'après pareil. Ça pourrait me faire rire que le gosse soit aussi buté que moi sauf que ça ne me fait pas rire, ça m'énerve et je me bloque dans mon silence.
(p.61)
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De toute façon la question ne se pose plus depuis dix-sept ans que je vis dans la montagne il n’y a pas de retour possible, c’est comme une carne qui aurait des mauvaises habitudes une fois que c’est pris c’est pris. Sa ne me gêne pas d’être une carne. Les gens qui me connaissent disent que j’ai un fond en or seulement il est tout au fond voilà. 24 [ ... ]
Ce métier cette vie c’est le mieux que je pouvais décider pour moi, depuis tout petit je ne peux pas trop faire confiance aux gens ou alors il faut vraiment qu’il y ait très peu de gens. Sinon ça me rappelle mes parents qui gueulaient et cognaient sec et les voisins qui ne disaient rien on aurait cru que c’était normal tout ça. C’est peut-être pour ça que je n’aime pas les vieux, ça me rappelle les miens et ça n’est pas du bon souvenir … 24
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Nouvel horaire pour l'émission "Le coup de coeur des libraires" sur les Ondes de Sud Radio. Valérie Expert et Gérard Collard vous donne rendez-vous chaque dimanche à 13h30 pour vous faire découvrir leurs passions du moment ! • Retrouvez leurs dernières sélections de livres ici ! • • le Géant empêtré de Anne de Tinguy aux éditions Perrin https://www.lagriffenoire.com/le-geant-empetre.html • L'Histoire du monde se fait en Asie : Une autre vision du XXe siècle de Pierre Grosser aux éditions Odile Jacob https://www.lagriffenoire.com/l-histoire-du-monde-se-fait-en-asie-ne-u-ne-autre-vision-du-xxe-siecle.html • Sambre : Radioscopie d'un fait divers de Alice Géraud aux éditions JC Lattès https://www.lagriffenoire.com/sambre-radioscopie-d-un-fait-divers.html • Last exit to Marseille de Guillaume Chérel aux éditions Gaussen https://www.lagriffenoire.com/last-exit-to-marseille.html • L'invitée de Emma Cline et Jean Esch aux éditions de la Table Ronde https://www.lagriffenoire.com/l-invitee-1.html • Un été à l'Islette de Geraldine Jeffroy et Catherine Guillebaud aux éditions Arléa https://www.lagriffenoire.com/un-ete-a-l-islette-2.html • On était des loups de Sandrine Collette aux éditions Audiolib • Entre fauves de Colin Niel, Thierry Blanc aux éditions Audiolib • La mariée portait des bottes jaunes de Katherine Pancol, Caroline Victoria aux éditions Audiolib • le Magicien de Colm Tóibín aux éditions Grasset • Les dernières volontés de Heather McFerguson de Sylvie Wojcik aux éditions Arléa https://www.lagriffenoire.com/les-dernieres-volontes-de-heather-mac-ferguson.html • Les narcisses blancs de Sylvie Wojcik aux éditions Arléa https://lagriffenoire.com/les-narcisses-blancs.html • le Carnet des rancunes de Jacques Expert aux éditions Livre de Poche https://lagriffenoire.com/le-carnet-des-rancunes-1.html • Reine Rouge de Juan Gómez-Jurado et Judith Vernant aux éditions Pocket https://www.lagriffenoire.com/reine-rouge-1.html • Les Brisants de Vanessa Bamberger aux éditions Liana Levi https://www.lagriffenoire.com/les-brisants-1.html • Alto braco de Vanessa Bamberger aux éditions Liana Levi https://www.lagriffenoire.com/alto-braco-1.html • le Parfum des poires anciennes de Ewald Arenz et Dominique Autrand a
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On était des loups (Sandrine Collette)

Quel est l’homme qui a tout appris à Liam lorsqu’il s’est installé dans la montagne ?

Eddie
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